Ainsi donc, on devrait annoncer ces prochaines heures l'embauche de Guy Boucher à titre d'entraîneur en chef des Bulldogs de Hamilton, le club-école du Canadien.

Je n'ai jamais caché mon admiration pour Guy Boucher, non seulement un brillant  entraîneur, mais un être humain d'exception.

J'ai eu la chance, il y a deux ans, de le suivre pas à pas pendant trois jours chez les Voltigeurs pour un projet télé: dans le bureau lors de ses meetings avec les joueurs, dans le vestiaire avant et après les matchs, j'ai assisté à ses discours passionnés,  je l'ai vu refaire jaillir la flamme dans l'oeil de certains de ses joueurs en usant de ses connaissances en psychologie. Des joueurs m'ont confié qu'ils priaient pour ne pas être échangés par Drummondville avant la fin de leur stage junior...

J'ai quitté Drummondville ébahi par ce que je venais de voir. Dès lors, j'étais convaincu que cet entraîneur était voué à un brillant avenir et je n'ai jamais cessé de le suivre, ses équipes et lui.

Un autre pas vient d'être franchi pour lui. C'est une grande nouvelle pour l'organisation et les jeunes espoirs du Tricolore. Pas pour rien que Trevor Timmins et Kirk Muller aient une si grande admiration pour lui.

Je souhaite maintenant à deux des trois autres candidats, Pascal Vincent et André Tourigny, de se trouver un poste dans la Ligue américaine eux aussi. On parle dans leur cas de deux entraîneurs fort qualifiés dont l'avenir s'annonce également prometteur.

Voici ce que j'ai pu écrire sur Boucher ces dernières années. En espérant que ça puisse vous permettre de connaître un peu mieux l'homme.

Un premier texte ici.  Puis ici. Et enfin quelques autres ci-dessous.











La Presse

Sports, mercredi 26 mars 2008, p. S2

Hockey Junior

Rondelle libre



L'envers de la médaille

Mathias Brunet

Ceux qui lisent régulièrement cette chronique savent tout le bien que je pense de Guy Boucher, entraîneur-chef des Voltigeurs de Drummondville.

Ancien capitaine des Redmen de McGill. Bac en histoire. Bac en génie des biosystèmes. Mineure en bio de l'environnement. Maîtrise en psychologie sportive à l'Université de Montréal avec Wayne Halliwell.

Je pense à lui quand surviennent des incidents disgracieux et déshonorants comme ceux de Chicoutimi. Aux efforts qu'il met pour appliquer les principes appris auprès d'Halliwell dans son vestiaire. Apprendre à ses joueurs à devenir de bons hockeyeurs, mais aussi de bons êtres humains. Il découpe sa saison en tranches de façon à dresser un profil d'état psychologique (ou émotionnel) de ses protégés au fil des mois. Il les écoute, il leur trouve des outils pour se surpasser physiquement, moralement et intellectuellement.

"La Ligue de hockey junior majeur du Québec y goûte depuis trois mois avec le film Junior, la série l'Antichambre du hockey à Canal D et les événements des derniers jours, a dit Boucher, qui vient à nouveau d'être embauché à titre d'entraîneur-adjoint (sous Pat Quinn) pour diriger l'équipe canadienne des moins de 18 ans au Championnat mondial. En même temps, je trouve que la LHJMQ n'a jamais été aussi saine malgré l'image négative projetée récemment. Il y a encore des choses à améliorer, mais la Ligue a fait des progrès incroyables depuis les neuf dernières années. Mais on n'en parle pas.

"C'est vrai que les études, ça faisait dur à une certaine époque, poursuit Boucher, mais qu'ils viennent vérifier ici, à Drummondville, tous nos joueurs, sans exception, vont à l'école, que ça soit au secondaire, au cégep ou à même à l'université. S'ils abandonnent l'école, ils ne peuvent pas jouer pour nous. Et ils doivent être assidus. Le 8 février à Shawinigan, j'ai même laissé notre meilleur joueur dans les gradins parce qu'il avait raté un cours. Notre aide pédagogique, Alexandre Cusson, se trouve à être également le directeur du Collège Saint-Bernard. L'entraîneur des Redmen de McGill, Martin Raymond, qui est un bon ami, me mentionnait que parmi les quatre clubs au Championnat canadien universitaire, 39 joueurs provenaient de la LHJMQ. Un mauvais élève avant son stage junior est susceptible d'avoir autant de difficulté à l'école une fois dans nos rangs, même si on tente de lui fournir les ressources nécessaires pour qu'il s'améliore."

Guy Boucher reconnaît cependant qu'au plan académique, toutes les équipes de la Ligue de hockey junior majeur du Québec ne sont pas toutes au même niveau. "Je n'irais pas jusqu'à dire que j'empêcherais mes enfants d'aller joueur pour certains clubs, mais disons que j'aurais des préférences pour certains entraîneurs, c'est sûr. Il y a des organisations où c'est plus facile ce concilier sports et études. Mon directeur général (Dominic Ricard) prône l'importance des études. J'enverrais mon enfant en courant jouer pour Clément Jodoin à Rimouski parce que c'est un grand homme de hockey et qu'il fait des études scolaires une priorité. À Québec, l'accès aux institutions scolaires est facile. À Halifax aussi. À Rouyn, je trouve qu'André Tourigny fait tout un boulot en ce sens. On convoitait un jeune des Huskies à la date limite des échanges, mais il détenait une clause de non-échange parce qu'il ne voulait pas changer d'école en cours de saison. Il n'est pas le seul. On n'aurait pas vu ça par le passé. En général, je n'hésiterais pas à faire jouer mes enfants pour une majorité des équipes."

Côté violence, Guy Boucher estime là aussi que les choses se sont améliorées malgré ce qu'on a pu voir à Chicoutimi. "Si on regarde vers où la société s'en va, les bagarres sont appelées à disparaître, non seulement au niveau junior, mais aussi dans la Ligue nationale. Mais il faut une volonté de tout le monde. Quand une bagarre éclate dans nos arénas, tout le monde est debout. On a été très critiqué en début de saison par nos partisans quand on s'est départi de notre seul tough. Sauf qu'il n'y a presque plus de durs à cuire dans la Ligue. Lors d'un match plus tôt cette saison, un partisan derrière le banc me criait d'envoyer mon tough sur la glace. Je n'en avais pas, et l'autre club non plus! Pourtant, il y a neuf ans, alors que j'étais entraîneur-adjoint à Rouyn, il y avait au moins neuf joueurs au sein de l'équipe capables d'aller se battre, dont trois ou quatre dont c'était la spécialité. Aujourd'hui, s'il y en a un par club, c'est beau. Il n'y a presque plus de bagarres gratuites même si les récents incidents semblent indiquer le contraire. C'est dommage que des événements comme ceux-là enterrent tous les progrès qui ont été réalisés ces dernières années."

Un jour, peut-être, lorsque la LHJMQ comptera exclusivement sur des entraîneurs comme Boucher, Jodoin et quelques autres, des éducateurs autant que des entraîneurs, elle aura une meilleure image. Pas avant.











La Presse

Sports, samedi 28 avril 2007, p. S5

Rondelle libre

La communication...

Brunet, Mathias

"Je ne reviendrai pas si je me ne sens pas mieux appuyé par la direction. "

Cette phrase, on l'a répétée mille fois depuis quelques jours dans cette deuxième affaire Kovalev, mise au jour par CKAC. Et plusieurs ont mis l'athlète au pilori, au lieu de s'attarder au message qu'il lançait.

Bien sûr que Kovalev a ses torts. Il est un peu prima donna sur les bords, il ne joue pas à la hauteur de son immense talent et il est difficile à cerner.

Peu importe ce que le Canadien décide de faire dans son cas, il y a des leçons à tirer de cette histoire. Quand Alex Kovalev déclare à Regina Sevostianova, fin février, qu'à son avis, le coach n'aime pas les Russes, c'est qu'il ne se sent pas apprécié.

Quand il répète, deux mois plus tard, qu'il ne se sent pas apprécié par la direction, le message est assez clair. Nous avons sous les yeux un athlète vulnérable, frustré, réduit à un rôle de second plan en fin de saison à Montréal, rejeté par son équipe nationale. Un athlète qui veut qu'on lui tende la main.

Malheureusement dans le hockey professionnel, et particulièrement à Montréal, le manque de communication est flagrant. Guillaume Latendresse a connu sa plus belle lancée de la saison après une rencontre avec Guy Carbonneau, le 24 février à Long Island. " C'est la première fois réellement qu'on se parlait, ça fait du bien, a confié candidement Latendresse aux journalistes par la suite. Il m'a dit d'arrêter de me casser la tête et de ne pas chercher à trop en faire. "

On parle ici d'un jeune homme de 19 ans qui sort des rangs juniors, et qui deviendra l'un des attaquants les plus importants de l'équipe dans les prochaines années.

L'année précédente, sous Claude Julien, Tomas Plekanec, qui venait tout juste de mériter un poste à temps plein dans la LNH, avait affiché son plus beau sourire quand je lui avais souligné que la direction semblait très satisfaite de ses efforts. " Ah! Oui? Personne encore ne m'a parlé depuis mon arrivée. " La saison était pourtant déjà vieille de six semaines. Plekanec a longé les murs du Centre Bell pendant plusieurs mois, mais il a eu la force de caractère pour surmonter son insécurité. Mais combien de beaux talents perdus à cause d'un manque de confiance ? Regardez le cas d'Alexander Perezhogin, par exemple.

Guy Carbonneau a eu l'occasion de s'asseoir en tête à tête avec Kovalev cet hiver. On dit qu'il ne l'a pas fait. Carbo a souvent répété d'ailleurs que la communication, ce n'était pas son fort.

Qu'est-ce que ça coûte, une bonne tape dans le dos à l'occasion? Qu'est-ce que ça coûte, l'écoute et le réconfort? On peut comprendre la frustration de Carbo par moments. On sait qu'il a un horaire chargé au possible. Mais les preuves des bienfaits du renforcement positif pleuvent, partout, dans le milieu de travail, dans les ligues sportives récréatives.

Ils gagnent des millions, ça devrait être suffisant pour se motiver soi-même, entend-on souvent. Ce n'est pas aussi simple. Peu importe leur statut, les hockeyeurs ont la confiance aussi fragile que quiconque. Tiger Woods et Lance Armstrong ont leur coach privé et un psychologue sportif. Le marqueur en léthargie change sa routine dans l'espoir de s'en sortir. Le bagarreur passe des nuits blanches après avoir perdu deux ou trois combats consécutifs. Le gardien qui accorde de mauvais buts pendant quelques matchs a des doutes affreux. A-t-il tout perdu? Ne pensez-vous pas que Kovalev ne doute pas, en ce moment?

Le Canadien est encore pris à honorer un contrat de 9 millions pour deux ans qu'a signé Kovalev. Alors que fait-on? On s'arrange pour maximiser ses performances, le flatter dans le sens du poil s'il faut, trouver le moyen de le motiver. Ça s'appelle protéger son investissement.

L'entraîneur Bob Hartley soulignait d'ailleurs avec beaucoup de justesse, jeudi sur les ondes de CKAC, qu'un entraîneur ne pouvait plus se permettre d'être en froid avec une de ses vedettes dans la nouvelle réalité économique de la LNH. Soumis au plafond salarial, les équipes ne peuvent plus échanger leurs gros salariés aussi facilement.

Il y a d'ailleurs des clubs juniors bien en avance sur les équipes de la LNH à ce chapitre. Quand Guillaume Latendresse a connu un passage à vide à Drummondville l'an dernier, le DG des Voltigeurs, Dominic Ricard, lui a offert les services d'une psychologue sportive.

Le hasard a voulu que je passe quelques jours avec les Voltigeurs cet hiver pour un projet. Coach brillant, Guy Boucher, détenteur d'une maîtrise en psychologie sportive, est non seulement un grand meneur d'hommes, mais un habile communicateur : renforcement positif au quotidien et rencontres individuelles et collective sur une base régulière.

Sur les murs étaient affichées les notes données aux joueurs selon leur rendement, mais aussi selon leur état d'esprit. Ce qui permettait de dresser une courbe non seulement de leurs performances, mais des humeurs, et d'agir au moment opportun. C'est un résumé très sommaire parce que la façon de faire de Boucher est beaucoup plus sophistiquée, mais personne n'est laissé à lui-même. Et les Voltigeurs ont fait des miracles sur la glace malgré d'innombrables blessures.

Il s'agit de joueurs d'âge junior, diront certains, mais l'insécurité n'a pas d'âge.











La Presse

Sports, mercredi 20 décembre 2006, p. S4

Rondelle libre

MARC-ÉDOUARD VLASIC

Un défenseur montréalais parmi les meilleures recrues!

Mathias Brunet

Le défenseur Dion Phaneuf a fait une entrée fracassante dans la LNH avec les Flames de Calgary l'an dernier, au point où on l'a considéré pour le titre de recrue de l'année avec Sidney Crosby et Alexander Ovechkin.

Plus discrètement, un jeune homme de Beaconsfield, dans l'ouest de l'île de Montréal, est en train d'avoir un impact comparable au sein de son club à San Jose.

Il s'appelle Marc-Édouard Vlasic. S'il n'est pas spectaculaire comme Phaneuf, il est rapidement devenu un pilier chez les puissants Sharks malgré ses 19 ans. Dans le match le plus important de la saison de son équipe, samedi contre les Ducks d'Anaheim, aucun autre joueur de son club n'a passé autant de temps sur la glace (24:31), pas même Scott Hannan, Kyle McLaren, Joe Thornton ou Patrick Marleau!

Vlasic, qui a remporté la Coupe Memorial avec les Remparts de Québec le printemps dernier, joue en moyenne 21 minutes par match depuis le début de la saison. Seul le défenseur étoile Scott Hannan le devance à ce chapitre. Aucune recrue de la Ligue nationale ne joue plus souvent que lui.

" Accomplir ce qu'il est en train d'accomplir à seulement 19 ans est remarquable, raconte de sa résidence de San Jose l'entraîneur des défenseurs chez les Sharks, Rob Zettler. Il n'était pourtant pas dans nos plans pour cette saison. Mais il a bien fait dans les premiers jours lors de nos matchs simulés entre coéquipiers et nous avons décidé de lui donner la chance de disputer un ou deux matchs préparatoires avant de le renvoyer dans les rangs juniors. Mais à notre grand étonnement, il a continué à jouer de la même façon. Il faisait bien circuler la rondelle. Son positionnement était toujours parfait. Son bâton était toujours bien placé de façon à faire avorter des jeux. On a alors décidé de lui donner un vrai test dans les dernières rencontres hors-concours et de le faire jouer contre les meilleurs trios adverses. Peu importe qui il affrontait, il jouait toujours aussi bien. Il n'y avait plus aucun doute qu'il fallait le garder. "

Zettler, un défenseur effacé qui a joué 13 ans dans la LNH avant de se retirer en 2002, lui confie de plus en plus de responsabilités. " Je dirais que depuis quelques matchs, il est le joueur qui passe le plus de temps sur la glace. On se sent en confiance lorsqu'il est sur la patinoire malgré son jeune âge. C'est pourquoi il affronte systématiquement les meilleurs trios adverses (avec Scott Hannan), qu'il joue en infériorité numérique et dans les derniers instants d'un match. "

Vlasic, qui a amassé un but et huit aides en 34 matchs, avec une fiche de +7, un sommet chez les défenseurs des Sharks, profite de ces moments grisants.

" Je suis surpris que ma progression ait été aussi rapide, dit-il. J'étais nerveux au début du camp parce que je me retrouvais sur la glace avec les Thornton, Cheechoo et Marleau, mais je voulais vraiment les forcer à me garder et j'avais un travail à faire sur la glace. Et ces gars-là ne sont pas intimidants. Tout le monde se parle. L'autre jour, j'ai été pris toute la journée à l'aréna avec Thornton et on a beaucoup parlé. Ils savent que je suis le plus jeune et ils m'aident à m'améliorer et à faire ma place. "

Vlasic, représenté par Robert Sauvé, a pourtant été ignoré lors de la première ronde du repêchage de 2005. Il a été choisi au 35e rang, dix rangs avant Guillaume Latendresse.

" Pour être franc, je ne m'attendais pas à être repêché avant la troisième ronde, et surtout pas par les Sharks, admet Vlasic. Quand je me suis présenté aux examens d'évaluation physique de la Ligue nationale à Toronto, peu de temps avant le repêchage, je n'étais même pas sur leur liste de joueurs qu'ils désiraient interviewer. Ils ont ajouté mon nom à la dernière minute. Et l'entrevue s'est très mal déroulée. Je n'étais pas à l'aise avec leurs questions et en quittant la salle, je me souviens de m'être dit que les Sharks n'allaient jamais me repêcher. J'ai donc été le premier surpris lorsqu'ils ont prononcé mon nom au 35e rang... "

Vlasic dit avoir apprécié les conseils de Patrick Roy au cours de ses trois années à Québec mais il dit tout devoir à son ancien entraîneur du Midget AAA au Lac-Saint-Louis, Guy Boucher, aujourd'hui avec les Voltigeurs de Drummondville, un jeune entraîneur qu'on pourrait voir un jour dans la LNH. " C'est lui qui m'a aidé à faire la transition entre le Midget AAA et le hockey junior, et même la Ligue nationale. C'est un brillant. Il possède une maîtrise en Psychologie sportive et il connaît bien le hockey et les systèmes de jeu. Il m'a appris tous les détails de la game et encore aujourd'hui, je retiens plein de choses qu'il a pu m'apprendre. "

Malheureusement, il faudra attendre encore un an avant de voir Vlasic et les Sharks au Centre Bell.