Je n'ai connu le Prof Caron qu'une fois à la retraite.

Je l'avais visité il y a cinq ans pour une interview dans la chambre du foyer qu'il habitait dans le centre-ville. J'étais rempli d'admiration pour cet ancien DG des Blues de St.Louis et j'avais été heureux de constater qu'il avait encore conservé toute sa vivacité d'esprit malgré l'ACV qui avait réduit sa mobilité. J'aurais pu l'écouter pendant des heures raconter ses aventures dans la LNH.

Voici le texte que j'avais écrit sur lui:

La Presse

Sports, samedi 9 décembre 2006, p. S4

Rondelle libre

Un DG qui a eu du pif

Brunet, Mathias

Au moment où Brett Hull entamait son émouvant discours en remerciant d'abord Ron " le prof " Caron, qui a eu le génie de l'acquérir des Flames de Calgary, ce dernier s'apprêtait à rentrer à sa chambre d'un foyer du centre-ville de Montréal.

Ronald Caron aurait aimé assister à cette soirée fertile en émotions au cours de laquelle on a retiré le chandail no 16 du " Golden Brett ", mardi à St. Louis. Mais depuis l'AVC qu'il a subi il y a deux ans et demi, l'ancien DG des Blues ne peut plus se déplacer comme à ses belles années.

Sa vue est moins bonne. Une légère paralysie du côté droit de son corps limite ses mouvements. Mais ce brillant homme de hockey n'a rien perdu de la verve ni sa mémoire qui l'ont toujours caractérisé. Ni cette étincelle dans le regard.

" Ce fut très difficile de ne pas pouvoir m'y rendre parce que j'ai passé de grands moments avec lui, confiait-il jeudi matin de sa chambre privée, dont les murs ne sont pas assez grands pour exposer toutes les photos souvenirs de sa riche carrière. Même en jet privé, parce que Brett a le coeur assez gros pour me l'offrir, ça aurait été impossible. Je ne marche pas et il faut me basculer pour me déplacer; je ne voulais pas devenir un problème pour ceux qui m'accompagneraient. J'ai pris la bonne décision. J'en ai quand même vu une petite partie, et il m'a passé un coup de fil quelques jours avant la cérémonie. "

Brett Hull n'aurait peut-être jamais connu une telle carrière n'eut été du flair de Caron, qui a été le bras droit de Sam Pollock pendant plusieurs années à Montréal avant de prendre les commandes à St. Louis. Hull, après tout, a marqué 527 de ses 741 buts dans l'uniforme des Blues.

" Je me souviens de cet échange comme si c'était hier, raconte " le prof ", qui aura 78 ans le 19 décembre. Hull en était à sa première saison complète dans la Ligue nationale (en 1987-1988) et je talonnais sans cesse le DG des Flames, Cliff Fletcher, au sujet de Hull. À chaque fois que je le croisais, je lui répétais que s'il voulait gagner la Coupe Stanley, j'avais ce qu'il lui fallait, soit un bon gardien et mon meilleur défenseur. Puis le jour de la date limite des échanges, il m'a donné un coup de téléphone, et il m'a dit, en français: " Ronald, veux-tu encore faire le trade? ". J'ai répondu que j'étais toujours aussi sérieux et que j'allais lui donner Ramage et Rick Wamsley. Cliff n'était pas chaud à l'idée de faire l'échange, mais ses dépisteurs l'ont convaincu. "

Un an plus tard, les puissants Flames remportaient la Coupe Stanley et les Blues se retrouvaient avec un attaquant qui allait devenir l'un des plus grands joueurs de l'histoire de la LNH.

Hull a compté 41 buts à sa première saison avec les Blues mais le meilleur était à venir. Au cours de l'été 1989, Ron Caron réussissait un autre coup de génie en faisant l'acquisition d'Adam Oates, qui allait devenir un extraordinaire complice pour son prolifique marqueur.

" La nouvelle n'a jamais été rendue publique, mais je vais la raconter. J'avais besoin d'un centre pour jouer avec Hull et mes propriétaires étaient fatigués de Bernie Federko, qui braillait tout le temps. En plus, il ne patinait pas très vite. Malgré ses quatre saisons de 100 points et plus avec nous, mes patrons m'ont promis une Jaguar neuve si je m'en débarrassais. Je leur ai répondu de l'acheter tout de suite parce que ça allait être fait le lendemain matin! Jacques Demers dirigeait les Red Wings et il m'a beaucoup aidé parce qu'il voulait Federko. "

Hull allait connaître des saisons de 72, 86 et 70 buts grâce aux passes géniales d'Oates tandis que Federko prenait sa retraite un an plus tard après une saison lamentable à Detroit. " Récemment, un des recruteurs des Wings à l'époque est allé en Floride et il a rencontré un de mes amis. Il lui a dit: " Ronnie, il m'a fourré au coton avec Federko! " (éclats de rire). Oates n'était pas sans défaut, mais il a bien complété Hull. Et moi, je me suis montré à Montréal avec ma Jaguar verte et j'étais bien fier de ça! "

Ron Caron dit ne pas trop s'ennuyer du milieu. " Ça ne me manque pas tellement. Je fais mes exercices ici, ça me tient occupé. Et je peux sortir de la résidence assez souvent. Avec ma grosse télé, je regarde tous les matchs du Canadien. J'ai de la visite. Il y a Bob Gainey qui vient me voir. Il est venu quatre ou cinq fois. "

Espérons pour les Blues que leurs nouveaux dirigeants Dave Checketts et John Davidson aient autant de flair que " le prof " pour relancer leur organisation!