J'ai déjà été plus enthousiaste à la suite d'un repêchage du Canadien.

Mais quand on repêche à compter du 25e rang, une dose de réalisme s'impose. Les joueurs les plus convoités ont déjà été choisis, Alors il vous reste des choix sûrs qui n'ont pas un énorme potentiel ou encore les choix risqués qui ont semé le doute dans la tête des autres recruteurs.

Le premier choix du Canadien, le géant Michael McCarron appartient à la deuxième catégorie. À 6 pieds 5 pouces et 228 livres, il aurait été repêché parmi les dix premiers si son talent avait fait l'unanimité; et c'est lui, et non le défenseur Samuel Morin, que Marc Bergevin aurait visé dans sa tentative de repêcher au 11e rang avec le choix des Flyers.

On dit qu'il a beaucoup amélioré son patin. Je n'ose pas imaginer ce que ça pouvait être auparavant. Mais ne soyons pas trop sévères, il arrive à se déplacer adéquatement. Il contrôle bien la rondelle le long des rampes et il est utile quand il se poste devant le filet adverse pour obstruer la vue du gardien. Il doit travailler davantage sur son tir.

La confiance est toujours un bel atout, mais je l'ai trouvé un peu téméraire, ou trop candide, d'évoquer Milan Lucic en entrevue. Je ne crois pas que McCarron a croisé pareille brute dans sa vie. Lucic prendra son numéro en note si jamais le jeune homme atteint la LNH. Une carrière peut prendre fin en un seul coup de poing. Parlez-en à Mike Komisarek.

Si McCarron atteint la LNH et peut marquer entre 10 et 15 buts par saison, jouer tantôt sur un troisième trio, tantôt sur un second, être utilisé en supériorité numérique quand la situation le commande et se distinguer en séries, on pourra dire mission accomplie. Le Canadien, vous le savez, a désespérément besoin de "gros bonhommes".

Le jeune homme a désormais le choix entre les Knights de London dans la Ligue junior de l'Ontario ou Western Michigan dans la NCAA. La décision est plus déchirante que l'on pense. London forme de bons joueurs pour la LNH, en espérant qu'on ne tente pas de transformer McCarron en goon. Mais à Western Michigan se trouve un ancien entraîneur de la LNH, Andy Murray, un homme sévère, mais lieu où McCarron pourrait développer davantage ses aptitudes de joueur et travailler davantage en gymnase.

En deuxième ronde, au 34e rang, le Canadien a pu mettre la main sur un fougueux attaquant suédois de 6 pieds 3 pouces, Jacob De La Rose, pas le type qui va transformer votre équipe, mais un joueur essentiel dans les succès d'un club dominant. De La Rose ne deviendra jamais un Galchenyuk, il n'a pas ses mains, mais c'est un travailleur acharné, rapide, belle éthique de travail, robuste, fiable, qui pourra affronter les meilleurs trios adverses. Un choix sûr et intéressant qui a été obtenu des Predators de Nashville dans l'échange d'Andrei Kostitsyn.

Quelle ne fut pas ma surprise de constater que le gardien québécois Zachary Fucale était encore disponible au 36e rang pour le Canadien. Fucale était de loin le meilleur gardien disponible. Grand, calme, athlétique, bonne technique, on l'a peut-être sous-estimé parce qu'il jouait pour une grande équipe. Il devrait être le gardien partant pour l'équipe canadienne junior au prochain Championnat mondial. Il n'aura pas la pression d'un choix de première ronde et pourra se développer tranquillement dans l'ombre de Carey Price. De grâce, donnez-lui au moins six ou sept ans.

L'échange avec les Flames aura donc donné Mike Cammalleri, Karri Ramo et un choix de cinquième ronde (Ryan Culkin) pour Rene Bourque, Patrick Holland et Zachary Fucale. Calgary tente sans succès de se débarrasser de Cammalleri et de son salaire de sept millions en 2013-2014 (il n'a pas marqué plus de 20 buts lors des trois dernières saisons), mais Ramo deviendra le gardien numéro un du club.

Avec son propre choix de deuxième ronde au 55e rang, le Canadien a pris un joli risque en optant pour le Finlandais Artturi Lehkonen. Celui-ci n'est pas un géant à 5 pieds 11 pouces et 165 livres, et ses commotions cérébrales ont fait peur à plusieurs recruteurs, mais il est sans doute l'attaquant le plus talentueux de tous ceux repêchés par le CH cette année. Il a d'ailleurs obtenu 30 points en 45 matchs dans la Ligue d'élite de Finlande cet hiver. Malgré sa petite taille, il a le cran de Gallagher, c'est-à-dire qu'il ne craint personne. Trevor Timmins pouvait prendre le risque de le repêcher avec trois choix de deuxième ronde et qui sait s'il ne deviendra pas le meilleur du lot?

Le choix de troisième ronde, 71e au total, Connor Crisp, est un choix gaspillé à mes yeux. Déjà 19 ans, très peu de potentiel, robuste, certes, mais il en pleut des joueurs comme celui-là. J'aurais préféré qu'on tente la chance avec un John Hayden ou un Anthony Duclair, des Remparts de Québec. Dans le cas de Duclair, par contre, son propre coach, Patrick Roy, l'a ignoré avec des choix de deuxième et troisième rondes, ce qui en dit long. Hayden, par contre, a un potentiel beaucoup plus intéressant que Crisp.

Les deux choix suivants, au 86e rang en troisième ronde et au 114e rang en quatrième ronde, sont intéressants. Sven Andrighetto et Martin Reway ont du talent à revendre, mais ils sont de petite taille selon les standards de la LNH. Sauf qu'à ce stade du repêchage, autant tenter des coups de circuit que d'y aller avec des choix sûrs. Andrighetto a obtenu 30 points en seulement 14 matchs lors des séries à Rouyn, mais les données sont un peu faussées par le fait qu'il avait déjà 20 ans.

Trevor Timmins a clôturé le repêchage avec un deuxième Québécois, Jérémy Grégoire, des Drakkars de Baie-Comeau, en sixième ronde. Grégoire, de Sherbrooke, a amassé 16 points en 18 matchs de séries éliminatoires, ce qui a contribué à stimuler l'intérêt du Canadien. Grégoire a été miné par une blessure au genou qui a tardé à guérir, mais une fois en santé, il a prouvé sa valeur à Baie-Comeau et il s'est bien débrouillé dans un rôle défensif au Championnat mondial des moins de 18 ans. Un pari intéressant.