Dave Cameron, l'entraîneur en chef déchu des Sénateurs d'Ottawa, devient le cinquième entraîneur congédié par l'équipe depuis 2007, et il s'agit d'un septième changement de coach depuis cette période.

Mais cette partie n'appartient pas au nouveau DG Pierre Dorion. Son prédécesseur Bryan Murray est l'homme derrière tout ces changements. Dorion entre en poste et a le droit de nommer ses hommes. Dave Cameron a maintenu une fiche de 70-50-17 en un an et demi à Ottawa, mais l'équipe a régressé cette année.

Dorion gardera sans doute un oeil attentif sur la situation à Boston. Claude Julien serait un candidat intéressant pour lui. Le nouveau DG a aussi déclaré vouloir mettre la main sur un bon communicateur. J'imagine que le CV de Guy Boucher ne trainera pas très loin de son bureau. Ni celui de Marc Crawford. Pas contre, dans le cas de ce dernier, j'aurais tendance à être refroidi par sa maigre fiche d'une seule ronde gagnée en séries éliminatoires à ses onze dernières saisons dans la LNH.

Pour ceux que ça intéresse, voici une interview que j'ai réalisée avec Pierre Dorion l'an dernier.

MATHIAS BRUNET

Les dirigeants des Sénateurs d'Ottawa s'apprêtent à quitter la table de l'équipe pour se diriger vers le podium et annoncer l'identité de leur premier choix au repêchage, au 15e rang.

Le directeur général Bryan Murray s'approche de son nouveau responsable du recrutement, Pierre Dorion, pour s'adresser à lui une dernière fois avant le moment fatidique.

-Un défenseur de 5 pieds 10 pouces et demi et 158 livres et tu veux prendre ce gars-là en première ronde ? Es-tu sûr de vouloir travailler longtemps pour moi Pierre ? »

-Je veux travailler longtemps pour toi Bryan et c'est absolument le joueur à choisir...

Ce défenseur, c'est Erik Karlsson, l'actuel capitaine des Sénateurs et l'un, sinon le meilleur défenseur offensif de la Ligue nationale de hockey.

Pierre Dorion n'a cessé de prendre du galon chez les Sénateurs depuis cette soirée de juin 2008. Il occupe aujourd'hui le poste de bras droit de Murray, une tâche à la fois stimulante et éprouvante émotionnellement en raison de la bataille que doit mener son patron contre un cancer incurable au colon.

« Les gens ne réalisent pas l'ampleur de son combat, confie Dorion. Bryan se soumet à sa chimiothérapie, il subit ses tests régulièrement, et en plus il vit le stress de gérer une équipe de hockey. Il me dit souvent que sa lutte contre le cancer est une job à temps plein en soit. Mais quand Bryan commence quelque chose, il veut le finir, il veut se battre jusqu'à la fin pour voir son équipe connaître du succès... »

Murray, 71 ans, a annoncé la triste nouvelle cet été, après le repêchage. « Je le savais avant le repêchage et je devais garder le secret car il ne voulait pas déconcentrer ses hommes. Il ne voulait montrer aucun signe de faiblesse et nous a demandé d'être aussi fort que lui l'est dans sa bataille contre le cancer. Je n'ai jamais travaillé pour quelqu'un d'aussi humain, qui m'en a montré autant, sur le plan personnel comme sur le hockey. »

À ses tâches de dépisteur professionnel et amateur s'ajoutent les négociations de contrat. « Il demeure le grand patron et il voyage actuellement avec le club, dit Dorion. Il doit déléguer davantage, mais toutes les décisions passent par lui. »

L'épisode d'Erik Karlsson a scellé la complicité entre les deux hommes. « Il voulait être bien sûr de mon choix, mais il n'a pas hésité non plus à faire un échange avec David Poile et les Predators de Nashville pour passer du 18e au 15e rang et s'assurer de repêcher Karlsson. En posant ce geste, il m'a démontré beaucoup de confiance, car en plus, Bryan aime généralement les joueurs costauds. »

Pierre Dorion n'a pas senti cette confiance avec l'organisation précédente avec laquelle il a travaillé les Rangers de New York.

« J'en étais à ma première année avec eux en 2006 et je hurlais pour qu'on repêche Claude Giroux au 21e rang. Ils ont plutôt opté pour Bobby Sanguinetti (toujours dans la Ligue américaine huit ans plus tard) et Giroux a été repêché tout de suite après par les Flyers. »

Quelques années plus tard, notre homme contribue à l'acquisition de l'actuel centre numéro un de l'équipe, Kyle Turris.

« On possédait un solide espoir en David Rundblad, un défenseur qui n'a pas débloqué comme prévu. Ça allait mal à Phoenix. Avec la progression de Karlsson on pouvait se permettre de se départir de Rundblad. Bryan a géré le dossier de façon agressive. »

Pierre Dorion est dans le hockey depuis tellement longtemps qu'on en oublie qu'il a été responsable du recrutement chez les Canadiens de 1998 à 2000.

À son premier repêchage avec le CH, son équipe et lui repêchent quatre joueurs de la LNH, Mike Ribeiro, François Beauchemin, Andrei Markov et Michael Ryder, mais les fans reprochent encore à l'organisation d'avoir préféré Eric Chouinard à Simon Gagné en première ronde.

« Je tiens à m'excuser aujourd'hui auprès des partisans des Canadiens pour cette erreur de parcours, confie Dorion. Je ne crois pas l'avoir répétée. Ce fut une leçon importante. Il y a certains critères d'évaluation auxquels j'attachais plus d'importance à l'époque. Je n'avais pas mis assez l'emphase sur l'aspect vitesse et l'éthique de travail des joueurs. C'était effectivement entre Simon Gagné et lui, mais on aimait aussi beaucoup Jiri Fischer. »

Sous l'ère de Bob Gainey, le CH a malheureusement perdu Ribeiro et Beauchemin sans rien obtenir d'intéressant en retour.

« Le choix de Ribeiro en deuxième ronde avait suscité beaucoup de débats à l'interne, raconte Dorion. Certains de nos recruteurs n'en voulaient pas. Je l'adorais, et avec le support de Pierre Mondou et de Claude Ruel, nous l'avons repêché. Dans le cas de Markov, tout le crédit revient à Mondou. C'était son homme. »

Pierre Dorion pense souvent à son père décédé trop tôt, un père dont il a toujours voulu suivre la trace.

« Il était le responsable du recrutement chez les Maple Leafs de Toronto depuis trois ans au moment de son décès en 1994, confie Dorion. C'est lui qui a repêché Félix Potvin, Yanic Perreault, Kenny Jonsson. Trois semaines avant le repêchage, il a subi un arrêt cardiaque et il est mort sur le coup. À 49 ans. Ce fut un choc épouvantable pour moi. Je voulais suivre ses traces depuis longtemps. C'était mon idole. »

Aux funérailles, le bras droit de Serge Savard chez les Canadiens, André Boudrias, l'approche pour lui offrir un poste de recruteur au sein de l'équipe. Pierre Dorion a 22 ans.

« Il ne m'a malheureusement jamais vu oeuvré au sein d'une équipe de la LNH, ajoute Pierre Dorion. Je crois qu'il serait fier de moi aujourd'hui... »