Jeudi dernier, le combat entre Jean Pascal et Lucian Bute était menacé. Vendredi, il était ressuscité. Que s'est-il passé entre les deux? Un souper de deux heures entre Jean Pascal et Jean Bédard. Voici comment le plus important combat de la boxe canadienne a été ranimé autour d'un steak.

«Le combat contre Bute est off.» Ce sont les mots que Jean Pascal s'apprêtait à tweeter jeudi dernier. Il les avait écrits sur son téléphone et il ne restait qu'à appuyer sur la touche d'envoi.

Ce jour-là, les négociations n'allaient nulle part. Jean Pascal n'arrivait pas à s'entendre avec son promoteur Yvon Michel sur plusieurs points. «Il n'y avait pas de dénouement», se rappelle Pascal.

L'ancien champion du monde se préparait donc à annoncer sur les réseaux sociaux que le plus grand combat de l'histoire de la boxe canadienne était mort-né. Puis, son téléphone a sonné.

«Normalement, je n'aurais pas pris l'appel, j'aurais envoyé mon tweet et après j'aurais répondu. Mais je ne sais pas pourquoi, ce jour-là j'ai répondu sur-le-champ», raconte-t-il.

Jean Bédard était au bout du fil. Le grand patron des restaurants La Cage aux sports, président d'InterBox et promoteur de Lucian Bute n'aurait normalement pas dû appeler le client d'un promoteur rival. C'est la loi de la boxe: les promoteurs négocient avec leur propre boxeur. Mais rien dans les négociations autour de ce méga combat n'était plus normal depuis bien longtemps.

Bédard savait que les négociations étaient dans une impasse. «J'avais été informé qu'on n'avait plus d'entente, explique Bédard. Alors j'ai demandé à Yvon la permission de parler à son boxeur. Je voulais tenter une dernière manoeuvre.»

Jean Bédard a convaincu le boxeur de souper avec lui. Rendez-vous a été pris dans un steakhouse de Laval. Bédard ne le savait pas, mais le repas allait durer deux heures.

«On a mis cartes sur table. On s'est dit les vraies choses», raconte Pascal.

Jean Bédard a d'abord voulu entendre le boxeur lui dire de vive voix qu'il désirait ce combat. Bien sûr, Bédard avait souvent entendu ou lu des déclarations de Pascal dans les médias, défiant Lucian Bute de l'affronter. «Mais je voulais l'entendre me dire qu'il désirait vraiment ce combat, qu'il voulait se battre contre Lucian.»

Puis, le promoteur a fait valoir au boxeur de 30 ans que ce duel était «une aventure commune» qui allait marquer l'histoire de la boxe au pays. «Ce combat-là, on va encore pouvoir en parler dans 20, 30 ans», a fait valoir Bédard.

Pascal va marcher au ring en deuxième

À ce moment, Jean Pascal et Yvon Michel ne s'entendaient toujours pas sur quelques points. L'argent était toujours un enjeu. «Mais ce n'était rien de majeur, rien pour faire capoter un combat de cette envergure», dit Jean Bédard.

Pascal a toutefois été rassuré sur un point: il pourrait embarquer dans le ring en deuxième. La tradition veut que le champion ou le boxeur local monte en dernier sur l'arène. Dans le cas d'un combat qui oppose deux boxeurs qui ne sont pas champions et qui sont tous les deux à la maison, comment trancher? Le plan initial était de tirer au sort l'ordre de marche au ring. Mais Jean Pascal y tenait mordicus. Il voulait marcher au ring en deuxième, ce qui lui a été accordé.

Le boxeur a apprécié l'ouverture du promoteur, sa volonté de le rencontrer. «Je me posais beaucoup de questions. Je n'ai pas une formation d'avocat; j'ai une formation en technique policière! explique Pascal. La rencontre avec Jean Bédard a aidé à faire avancer les choses.»

Le président d'InterBox a quitté le boxeur avec le sentiment que le combat était sauf. Le lendemain, vendredi, Pascal a passé une heure dans le bureau d'Yvon Michel. On ne saura peut-être jamais tout ce qui s'est dit, mais quelques heures plus tard, l'entente était signée. Un communiqué officiel a été envoyé en fin de journée annonçant que Pascal et Bute allaient s'affronter le 25 mai. «Jean Bédard est intervenu et c'était le bon moment parce que les choses n'avançaient plus, note Yvon Michel. Il l'a fait de la bonne façon, avec tact et ça n'a certainement pas nui.»

«Finalement le rêve devient réalité. Il ne faut pas me remercier pour ça, parce que ça fait longtemps que je le veux, ce combat. Il faut remercier Lucian Bute. Il est embarqué là-dedans sans regarder en arrière», dit Jean Pascal.

Le boxeur tient aussi à exprimer sa gratitude à Jean Bédard pour le souper. «En passant, il a réglé l'addition. J'aimerais vraiment lui dire merci!», rigole-t-il.