Tonya Verbeek rêvait de l'or. Quand elle est entrée dans l'arène bariolée de drapeaux japonais, parcourue par le tremblement de la foule hostile, elle a gardé la tête haute. La lutteuse en avait vu d'autres.

Devant elle, la Japonaise Saori Yoshida, neuf fois championne du monde, deux fois championne olympique, vaincue deux fois dans toute sa carrière. La finale était une reprise de celle de 2004 à Athènes. Verbeek l'avait perdue. À sa médaille d'argent, la Canadienne avait alors trouvé un arrière-goût d'échec.

Jeudi, au Centre ExCel de Londres, l'Ontarienne de 34 ans a dû gagner ses trois premiers matchs pour se rendre en finale. Dire qu'après les Jeux de Pékin, où elle a remporté le bronze, sa deuxième médaille olympique, elle avait annoncé sa retraite. Et la voilà qui se battait pour l'or!

Verbeek a «tout donné», comme le veut la formule éculée qui fait office de slogan au Comité olympique canadien. Mais le jour où Saori Yoshida sera une troisième fois battue n'est pas encore arrivé. Portée par la foule, agressive, la lutteuse de 29 ans a remporté les deux manches.

Après sa victoire, Yoshida a fait un salto arrière. La foule a rugi et le Japon, tellement dominant en lutte, prenait la médaille d'or dans la catégorie des 55 kg. Une fois le coup de la défaite encaissé, Tonya Verbeek a esquissé un sourire: cette médaille d'argent qu'elle venait de gagner n'avait pas le même goût qu'à Pékin.

«J'ai huit ans de plus et j'ai vécu plusieurs hauts et plusieurs bas depuis dans ma carrière. Je m'étais dit en arrivant à Londres que peu importe le résultat, je serais heureuse. Là, je suis heureuse!», a-t-elle lancé après avoir reçu sa médaille.

«Je suis fière de ma carrière et je ne changerais rien», a-t-elle ajouté.

Ce troisième podium - argent à Athènes, bronze à Pékin, argent jeudi - fait d'elle la lutteuse la plus décorée de l'histoire olympique canadienne, hommes et femmes confondus.

Comme prévu, elle a annoncé qu'on ne la reverrait plus aux Jeux olympiques. Verbeek compte participer aux Championnats du monde à l'automne, puis se consacrer à l'entraînement.

«Je l'ai affrontée souvent, souvent, et elle m'a toujours donné du fil à retordre, a commenté respectueusement Saori Yoshida en japonais. C'est une excellente rivale. Elle a été une force spirituelle dans le sport. Je la remercie beaucoup.»

Une passion sur le tard

La rencontre entre Verbeek et la lutte a eu lieu sur le tard. Elle avait 16 ans quand la voix du directeur de la petite école secondaire de Beamsville, en Ontario, a retenti dans les haut-parleurs: «L'équipe de lutte recrute.»

Le coup de foudre a été immédiat et les sacrifices, énormes. Que serait-elle devenue aujourd'hui sans la lutte? «J'aurais probablement une poignée d'enfants. Mais je vais m'y mettre maintenant.»

La mâchoire carrée, les oreilles en chou-fleur, Verbeek a même la tête d'une lutteuse. «Je suis accro à la lutte. C'est un sport physique, de force, d'agilité. Mais ce n'est pas un sport brutal: c'est aussi un sport tactique, il faut penser, et penser clairement.»

La retraite de cette pionnière de la lutte féminine au pays, jumelée à celle de Martine Dugrenier et de Carol Huynh, va créer un grand vide. Mais les entraîneurs ont assuré jeudi qu'il y avait une relève montante nombreuse et talentueuse au Canada.

Ces jeunes lutteuses auront-elles le désir de vaincre de Verbeek? Lorsqu'on lui demande ce qu'elle veut laisser comme souvenir, elle hésite un instant, réfléchit, puis lance: «Celui d'une fille qui n'abandonnait jamais. Je veux qu'on se souvienne de moi comme d'une fille qui se battait jusqu'à la fin.»