Marie-Pier Boudreau-Gagnon et sa bande avaient les yeux rougis à l'issue du programme technique jeudi, la première des deux étapes de la finale en équipe. Et le chlore n'était sans doute pas en cause. Julie Sauvé a dû les encourager à s'approcher des journalistes. «Avancez-vous les enfants», a dit l'entraîneuse-chef à ses oisillons.

La question tombe, presque cruelle: «Qu'est-ce qui vous a traversé l'esprit à la vue de votre pointage de 94,400?» La réponse est unanime: «Encore?»

Oui, encore le «mosus de 94», pour citer Élise Marcotte, la plus dégourdie de la troupe. Malgré la thématique du soccer et leurs casques décorés en ballond rond; malgré l'entrée dans l'eau la plus originale où elles simulaient un tir de pénalité; malgré le plaisir évident de la foule, dans laquelle s'était faufilée Kate Middleton.

Les nageuses n'ont pu faire mieux que la quatrième position, le chiffre maudit qui leur colle à la peau depuis quatre ans. Et de surcroît, elles doivent combler un écart de 1,8 point au programme libre vendredi pour rejoindre les Espagnoles, qui étaient gonflées à bloc par leur médaille d'argent surprise chez les paires.

À croire que les huit Québécoises sont masochistes de vouloir poursuivre dans une discipline où les juges semblent faire la loi. Leur sport est-il «arrangé»?

«Ta ta taaannn, ironise Élise Marcotte, imitant la musique d'un téléroman. On ne se prononcera pas là-dessus.»

Un style trop éclaté?

Les Russes (98,100) et les Chinoises (97,000) se sont hissées au premier et second rang respectivement grâce à des prestations techniquement impeccables et nettement plus conventionnelles que le numéro de l'équipecanadienne. Synchro Canada n'a pas raflé de médaille depuis les Jeux de Sydney en 2000.

Julie Sauvé devrait-elle adopter un style plus classique afin de renouer avec le podium?

Ce serait un grand pas en arrière, a répondu celle qui s'était coiffée d'une casquette de paillettes dorées.

«Nous faisons évoluer la nage synchro depuis dix ans, répond l'entraîneuse. Oui, nous sommes très avant-gardistes. Mais à un moment donné, il faut que ça change.»

Les «enfants» de Julie disaient déjà se concentrer sur le programme libre d'aujourd'hui qui a été conçu avec l'aide du Cirque du Soleil. «C'est notre bébé, on en est tellement fières, dit Élise Marcotte, entourée de ses collègues. On a hâte de le présenter aux juges. Et si on ne peut pas les conquérir, on sait qu'on aura l'appui des spectateurs.»

Les filles auront gardé un sourire crispé durant toute l'entrevue. Nous les croisons à nouveau une demi-heure plus tard, cette fois-ci avec la famille. Les masques ont tombé. Loin des lentilles, les larmes coulent à flots.

Si jamais elles arrivent à arracher la médaille de bronze aux Espagnoles vendredi, ce sera comme monter sur la plus haute marche du podium.