À côté de moi dans le train, un homme que je présume africain. Il a une accréditation dans le cou. Ce doit être un journaliste.

- D'où venez-vous?

- Du Soudan.

- Et vous couvrez quoi?

- Athlétisme.

- Ah, oui, j'ai vu un Soudanais hier aux demi-finales du 800 m, comment s'appelle-t-il déjà?

- C'est moi.

- Oh...

Il s'appelle Abubaker Kaki, il a 23 ans et c'est un des hommes les plus rapides sur Terre. Record du monde junior, deux fois champion du monde du 800 m en salle, médaille d'argent aux championnats du monde l'an dernier, derrière le Kényan David Rudisha, réputé intouchable sur la distance.

Il a été découvert lors d'un cross-country scolaire en 2004, en pleine guerre civile, après que sa famille eut déménagé à Khartoum.

«De janvier à octobre, je ne suis pas au Soudan, je vis à Stockholm et je fais des compétitions.» Il est allé faire un tour au Kenya, cet hiver, s'entraîner en altitude, dans la cour de Rudisha. Il a comme entraîneur Jama Aden, un Britannique d'origine somalienne.

«Il entraîne aussi Makhloufi, qui a gagné l'or hier au 1500 m... J'espère une médaille moi aussi.»

Il fait un grand sourire. Je lui souhaite bonne chance. Il sort du train et se mêle incognito aux passagers de retour du Parc olympique, immense athlète, anonyme dans la foule comme dans le train pour St. Pancras.