Deux copains, Mark Oldershaw et Adam van Koeverden, ont remporté respectivement le bronze et l'argent en canoë-kayak, hier, aux JO de Londres. Voici l'histoire de leur rencontre et de leurs réussites.

À 13 ans, Mark Oldershaw était le «prince» du Burloak Canoe Club. Enfant de la balle, fils de l'entraîneur Scott Oldershaw, olympien en 1984, et petit-fils de Bert Oldershaw, triple olympien en 1948, 1952 et 1956. Mark faisait la pluie et le beau temps sur les eaux de la Sixteen Mile Creek, à Oakville, en Ontario.

Puis est arrivé Adam van Koeverden, 14 ans et un pied plus grand. «Il m'a écarté du chemin», dit Mark Oldershaw. «On faisait seulement s'amuser dans l'eau, mais dès le début, il voulait aller vite.»

En racontant la genèse de leur rencontre, hier matin, Oldershaw espérait que van Koeverden soit satisfait de la médaille d'argent qu'il s'apprêtait à recevoir sur le podium installé en bordure du bassin de Dorney Lake, à l'issue de la finale du K1-1000 m. Quelques minutes plus tard, c'était au tour d'Oldershaw de se faire passer une breloque autour du cou pour sa prestation au C1-1000 m. Elle était en bronze, mais elle avait le poids de l'or.

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Aux Jeux d'Athènes, en 2004, Oldershaw était sur les lignes de côté quand van Koeverden, alors âgé de 22 ans, a gagné l'or du K1-500 m et le bronze du K1-1000 m sous la gouverne de son entraîneur de père. Van Koeverden était passé par-dessus une barricade pour sauter au cou de son copain et célébrer ce triomphe inespéré.

À l'époque, Oldershaw, champion du monde junior de 2001, se remettait d'une grave blessure à un poignet. Une tumeur sur un os a nécessité deux opérations. La douleur, insupportable, l'a plongé dans une «agonie complète», a rappelé Scott Oldershaw. «Pendant un an, il n'a probablement pas pu dormir plus d'une demi-heure à la fois.»

Oldershaw a continué à pagayer grâce à une prothèse fabriquée par son frère Adam, aujourd'hui entraîneur-chef au club Burloak. Attachée à son poignet et à un pivot, elle lui permettait de ne pas fermer la main sur le haut de sa rame. Malgré ce handicap, il avait fini quatrième aux championnats canadiens.

Quatre ans plus tard, Oldershaw et van Koeverden se sont retrouvés ensemble aux JO de Pékin. Tandis que le Montréalais Thomas Hall gagnait le bronze en C1-1000 m, Oldershaw s'est arrêté en demi-finale. Cette prestation en deçà de ses attentes lui avait fait remettre en question son avenir dans le sport.

De son côté, van Koeverden, porte-drapeau du Canada à la cérémonie d'ouverture, s'était écroulé au 1000 m avant de sauver les meubles avec le bronze au 500 m. Les deux pagayeurs avaient un compte à régler à Londres.

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À 9 h 38, hier, van Koeverden a été le premier à s'élancer pour sa finale. Étiqueté favori, le champion du monde en titre est parti comme une flèche, fidèle à son habitude. Sauf que le Norvégien Erik Veras Larsen, champion olympique en 2004, était dans un grand jour. Partenaire d'entraînement du Canadien depuis une quinzaine d'années, Larsen a effectué une remontée irrésistible pour le coiffer dans les 200 derniers mètres.

Van Koeverden a juré que la médaille d'argent compensait amplement son cauchemar pékinois: «Je suis très positif. Bien sûr, j'étais venu ici courir pour l'or, mais je n'étais pas le seul. Si j'étais venu pour une médaille, j'aurais fini quatrième.»

Un collègue a demandé au kayakiste d'Oakville s'il était parti trop rapidement. «Non. Ce n'est pas un plan de course. Un seul gars sur toute la planète était plus fort que moi aujourd'hui. Je peux vivre avec ça. Sept milliards de personnes, un gars est meilleur.»

Quand van Koeverden est allée embrasser sa mère, il lui a dit que la médaille n'était pas de la bonne couleur. Elle lui a répondu: «Je m'en fiche.»

Occupé à mettre son fils Mark à l'eau, Scott Oldershaw a dû se contenter de regarder l'épreuve de van Koeverden sur un écran, à l'autre extrémité du bassin. «C'était une bonne course, a-t-il jugé. Il est allé pour la victoire, mais les dernières centaines de mètres n'étaient simplement pas là, contrairement à ce qui s'est passé durant toute la saison. Il y a un peu de déception. On était venus pour l'or.»

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Un peu avant 9 h 56, avant de se placer sur la ligne pour la finale du C1-1000 m, Mark Oldershaw a frotté son nom de famille, inscrit sur le bord de son embarcation. Son héritage olympique, espérait le canoéiste de 29 ans, allait lui porter chance, lui qui n'était jamais monté sur le podium en grand championnat.

En 1948, aux JO de Londres de l'après-guerre, son grand-père Bert avait pris le cinquième rang du C1-1000 m. Mark a hérité de la petite rame en bois qu'il avait utilisée pour cette course disputée à Henley, sur la Tamise. Bert l'avait fait autographier par tous ses concurrents. Mark a décroché ce précieux souvenir du mur de sa chambre pour l'apporter à Londres.

Le flambeau de Bert a été repris par Dean, Reed et Scott, ses trois fils, qui ont représenté le Canada en canoë-kayak aux JO dans les années 70 et 80. Ils n'ont jamais réussi à surpasser leur père, mort en 2006.

À l'inverse de van Koeverden, Mark Oldershaw a démarré la course de façon conservatrice. Sixième à 250 m, cinquième à 500 m... Comme toujours, c'est là qu'il s'est posé la question: «Est-ce que je devrais arrêter ça?»

«Tout le monde est exténué, mais tu penses que c'est juste toi», a-t-il expliqué au sujet de ce point de rupture. «C'est très dur, ça fait mal et ça fera encore plus mal à chaque autre coup de rame. Puis tu penses aux quatre dernières années, aux 20 dernières... J'ai mis tellement de travail dans ça. Si je ne le fais pas, qu'est-ce que ça va avoir donné? Tu baisses la tête et tu fonces...»

Au dernier coup de reins, Oldershaw savait que deux rivaux le devançaient. Ce n'est qu'en se retournant vers la gauche qu'il a compris. Il devenait le premier Oldershaw médaillé olympique. Ému, il a posé le front sur sa main.

«C'est une de ces médailles de bronze qui signifient presque autant que l'or», a souligné Scott, tout en contenance. «Il y en a que oui, il y en a que non. Celle-là est tout en haut, parmi toutes les médailles qui sont gagnées. Elle est spéciale pour lui.»

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Quand Oldershaw et van Koeverden se sont croisés dans la zone mixte, avec chacun leur médaille au cou, ils ne se sont pas dit grand-chose. Une solide accolade, deux tapes sur les épaules ont suffi. La fierté était commune.

Van Koeverden a rappelé l'âpreté d'une discipline comme le canoë, «infiniment plus difficile que le kayak». «Mark est un bien meilleur athlète que moi. Ce sont des ballerines et des secondeurs de ligne dans un seul corps...»

Oldershaw tenait encore sa rame. Il se promettait de la faire signer et de la remettre un jour à son petit-fils... ou à sa petite-fille.

Parce qu'il est temps que le canoë féminin fasse son entrée aux JO. «Dans un ou deux Jeux olympiques, j'espère qu'il y aura une canoéiste canadienne à mes côtés, a-t-il espéré. Elle devrait pouvoir gagner la médaille d'or que je n'ai pas été capable d'aller chercher.»