À l'été 2008, le kayakiste Hugues Fournel en a fait des allers-retours entre la résidence familiale de Dorval et l'aéroport Montréal-Trudeau. Il servait alors de chauffeur plus ou moins officiel de plusieurs membres de l'équipe canadienne de canoë-kayak qui s'arrêtaient chez lui avant de partir pour les Jeux olympiques de Pékin. Parmi le groupe, sa soeur aînée, Émilie, qui s'apprêtait à participer à ses premiers JO, ainsi que sa mère, son beau-père et sa petite soeur.

Hugues est resté au pays pour poursuivre son entraînement et tenter d'accéder à l'équipe nationale pour la première fois. «Je pense que j'ai donné au moins 18 lifts pour l'aéroport à plein de monde qui allait aux Jeux olympiques, mais c'est moi qui n'y allais pas... J'avais-tu le goût, tu penses, d'y aller, aux Jeux?»

Quatre ans plus tard, Hugues Fournel raconte l'anecdote avec un sourire dans la voix. L'athlète de 23 ans est à Duisbourg, en Allemagne, où il disputera à partir d'aujourd'hui la deuxième Coupe du monde de la saison. Si tout va bien, il pourrait y assurer sa qualification pour les JO de Londres au K2200 mètres, nouvelle épreuve olympique qui remplace le 500 m.

La semaine dernière, en Pologne, Fournel et son partenaire Ryan Cochrane, de la Nouvelle-Écosse, ont fait un pas de géant vers leur sélection en prenant le troisième rang.

Ce premier podium en Coupe du monde confirme le travail accompli lors de l'entraînement hivernal en Floride et d'un stage inédit au Portugal, en mars. «Je dois avouer que ça fait un grand bien pour la confiance et le moral, a dit Fournel en entrevue téléphonique depuis l'Allemagne plus tôt cette semaine. On est passés proche deux fois l'an dernier, mais réussir un podium lors de l'année olympique, c'est complètement différent. C'est le moment pour le faire.»

Plus que le podium, c'est la marge de quatre dixièmes de seconde sur les gagnants, les Français Arnaud Hybois et Sébastien Jouve, et de quatre centièmes sur les médaillés d'argent, les Britanniques Liam Heath et Jonathan Schofield, qui a procuré les plus grandes émotions aux kayakistes canadiens. L'an dernier, ils concédaient en moyenne sept dixièmes aux champions du monde français.

Rien n'est acquis pour autant. Le Canada est limité à un seul équipage de K2 pour Londres. Fournel et Cochrane, qui pagaient ensemble depuis 2009, s'impliquent donc dans une lutte avec le duo de 1000 m des vétérans Richard Dober fils, de Trois-Rivières, et Steve Jorens, de Candiac.

Ces derniers ont dû se contenter du 10e rang en Pologne, mais ont atteint la finale A hier à Duisbourg. La paire qui obtiendra le meilleur résultat à l'une ou l'autre des Coupes du monde sera choisie pour Londres. En clair, Dober et Jorens devront monter sur le podium aujourd'hui en Allemagne pour espérer déloger Fournel et Cochrane. «L'une des premières choses qu'on s'est dites après notre podium est qu'il ne fallait pas s'emballer et se reposer sur nos lauriers, prévient Fournel, qui voue le plus grand respect à ses coéquipiers. On va faire comme si rien ne s'était passé et qu'on était à égalité.»

À l'image de son frère, Émilie Fournel, membre du K4 à Pékin, doit se battre pour la seule place disponible en kayak monoplace. Elle a terminé septième sur 500 m en Pologne. Sa rivale Geneviève Beauchesne-Sévigny a pris le huitième rang sur 200 m. La gagnante devra cependant attendre l'allocation finale des quotas, à la mi-juin, pour savoir si le Canada recevra une invitation pour les JO. Dans un monde idéal, frère et soeur s'envoleraient ensemble pour Londres.