Le Canada se prépare à envoyer à Londres sa plus importante délégation olympique depuis 1996 en judo. Et le Québécois Sergio Pessoa est peut-être celui qui peut le mieux réussir sur les tatamis anglais. Portrait d'un judoka ambitieux... mais malchanceux.

On peut dire que Sergio Pessoa fils est né sous l'étoile olympique. Son judoka de père s'apprêtait à partir représenter le Brésil aux Jeux de Séoul quand il est venu au monde, en septembre 1988. «Il est né deux semaines avant que je parte pour les Jeux!» se rappelle Sergio Pessoa père.

Vingt-quatre ans et une émigration au Québec plus tard, le petit Sergio est devenu grand, a son passeport olympique en poche et représente le plus grand espoir canadien en judo.

«Il a été malchanceux, il a subi pas mal de blessures dernièrement, alors c'est trop tôt pour prédire où il finira à Londres, explique l'entraîneur-chef de l'équipe nationale de judo, Nicolas Gill. Mais si un Canadien gagne une médaille, il y a de bonnes chances que ce soit lui.»

Gill s'y connaît en médailles. Celle de bronze qu'il a remportée en 1992 à Barcelone et celle d'argent méritée huit ans plus tard à Sydney sont les dernières pour le Canada en judo. Depuis, c'est le calme plat.

Tous s'entendent pour dire que Pessoa pourrait mettre fin à la disette. S'il est en forme. Car le judoka de Montréal a subi un cycle olympique cauchemardesque. L'athlète de 24 ans a subi deux blessures majeures en l'espace de six mois: une dislocation de la hanche en décembre 2010 et un déchirement du ligament croisé antérieur du genou gauche en juin 2011.

Ces blessures sont délicates pour tout athlète. Si celle au genou est commune en judo, celle à la hanche relève de l'anomalie. «Ça arrive parfois au football, presque jamais en judo. Quand mon médecin à Montréal a vu ça, il m'a dit: «Tabarnouche! comment tu t'es fait ça?»», raconte Pessoa en riant, lors d'un entretien cette semaine avec La Presse.

Le judoka a été malchanceux. «Durant les deux dernières années, je n'ai pu faire du judo que pendant un an», dit-il. Mais il n'a jamais été question d'abandonner l'objectif Londres. Sergio Pessoa a fait son retour à la compétition en février dernier. Dans un tournoi relevé en Allemagne - «l'un des plus difficiles de la saison» -, il a fini cinquième. Puis il s'est assuré d'une qualification pour les Jeux quelques semaines plus tard.

À quel niveau se situe-t-il? Le Canada peut-il rêver d'une médaille en judo cet été? Les Championnats panaméricains qui ont débuté hier à l'Université McGill devraient répondre à ces questions. Le tournoi est la dernière étape des qualifications pour Londres. Et même s'il a déjà la sienne en poche, Pessoa entend faire de son mieux alors qu'il est en action aujourd'hui.

«En fin de semaine, je prends ça au sérieux. Les Jeux sont dans trois mois. Je veux avoir le meilleur résultat, assure-t-il. Ça va être un bon test. Les Mexicains, les Vénézuéliens ne sont pas qualifiés et vont se battre vraiment fort. Ça va être un bon niveau de compétition.»

Même son de cloche du côté de Gill. «Les championnats en fin de semaine vont nous démontrer où il en est. Il a déjà battu tous ceux qui seront là en fin de semaine. Il va être le favori, à la maison, prévient l'entraîneur national. On saura où il en est rendu avant les Jeux.»

Une histoire de famille

Sergio Pessoa a été initié au judo par son père à l'âge de 4 ans. Onze ans plus tard, la famille a quitté le Brésil. Le travail l'a d'abord menée au Nouveau-Brunswick. Puis l'ancien olympien brésilien s'est vu offrir un poste d'enseignant au club de judo Shidokan, à Notre-Dame-de-Grâce. Les Pessoa ont refait leurs valises, pour Montréal cette fois.

«Les Jeux ont toujours été l'objectif», raconte Sergio Pessoa père, qui entraîne encore son fils aujourd'hui. Il l'accompagnera d'ailleurs à Londres cet été. «Pour moi, c'est tout une victoire. Ça reflète le travail qui a été fait depuis qu'il a 4 ans», dit-il fièrement.

Le fils marche dans les pas de son père, mais n'en fait pas une obsession. Lorsqu'on lui demande le résultat de celui-ci aux Jeux de Séoul, il hésite. «Je ne sais pas trop. Il me l'a dit, mais j'ai oublié. Sixième?», hasarde-t-il. Le paternel a fini neuvième.

Mais quand on lui demande ce qu'il espère accomplir à Londres, Pessoa n'hésite plus. «Je ne vais pas juste à Londres pour participer. Je veux monter sur le podium, lâche-t-il. Je m'entraîne fort et je suis de plus en plus confiant. C'est sûr que j'ai été à l'écart du sport pendant des mois, mais pour moi, c'est possible de gagner une médaille.»

Pour réussir pareil exploit, il lui faudra être en forme. Mais comme le souligne Nicolas Gill, il lui faudra aussi une bonne dose de chance: «Le tirage va jouer un rôle important. S'il tombe contre le futur médaillé d'or à son premier combat, ça pourrait être difficile...»

Après une année de malchance, Sergio Pessoa espère qu'à Londres, enfin, son étoile olympique brillera un peu pour lui.

Photo André Pichette, La Presse

Sergio Pessoa fils avec son père.

Nom: Sergio Pessoa fils

Âge : 24 ans

Sport : Judo (60 kg)

En un coup d'oeil :

Cinquième au Grand Prix Düsseldorf, en Allemagne, en février dernier, une compétition rassemblant certains des meilleurs espoirs olympiques.

Champion canadien 2009

Défait le champion du monde en titre Ruben Houkes lors du Mondial 2009.

À savoir : Né à São Paulo d'un père judoka, il immigre au pays à l'âge de 15 ans. Il a depuis appris le français et étudie les finances à l'Université Concordia.