Les Jeux olympiques ne sont pas simplement le théâtre d'une course aux médailles. Ils sont également le lieu d'une course entre les fédérations sportives canadiennes, qui se font la lutte pour les enveloppes réservées au sport amateur.

Des médailles comme celles du judoka Antoine Valois-Fortier et de l'haltérophile Christine Girard peuvent avoir d'importantes répercussions sur le financement de leurs sports, alors que les mauvais résultats risquent d'enfoncer un peu plus des fédérations déjà mal en point.

L'aviron en tête

Les autorités du sport amateur au Canada ne s'en cachent pas: l'argent va aux plus forts. À nous le podium (ANP), qui distribue des dizaines de millions de dollars chaque année, établit aux quatre ans une hiérarchie très précise des disciplines.

«En haut, il y a l'aviron, le plongeon, le canoë-kayak. Nous regardons les médailles obtenues aux Jeux et les perspectives de médailles à long terme, explique Anne Merklinger, directrice d'À nous le podium. Nous sommes là pour encourager la performance et augmenter les succès olympiques. C'est notre mandat.»

Le sport le plus financé par ANP est l'aviron, qui a reçu près de 14 millions au cours des quatre dernières années. Pendant la même période, le plongeon a touché 7,8 millions, l'athlétisme 8,7 millions et la natation 9,3 millions.

À l'autre extrême, la boxe a reçu 175 000$, tandis que le volleyball masculin et l'haltérophilie ont tous deux touché 165 000$. D'autres sports ne reçoivent aucune aide d'ANP, comme le badminton ou le water-polo masculin.

Liste des priorités

Avec une telle disparité, les fédérations sportives ont tout intérêt à monter dans la liste des priorités d'À nous le podium. Puisque l'organisme révise la hiérarchie des sports après les Jeux olympiques, on comprend pourquoi les résultats à Londres auront un impact direct sur le soutien financier des athlètes.

«On a une médaille! J'espère que ça va donner beaucoup de sous à notre sport après, a d'ailleurs déclaré, mardi, Guy Marineau, entraîneur de Christine Girard, qui venait de gagner la première médaille canadienne en haltérophilie depuis 28 ans. Parce que malheureusement, il y en a tout le temps moins, et les entraîneurs, on n'est pas payés pour notre travail!»

Pour les entraîneurs et les autorités sportives, une médaille olympique n'est plus simplement une bonne nouvelle; il s'agit désormais d'une garantie financière. L'effet peut être immédiat. Par exemple, Anne Merklinger n'écarte pas un changement de statut pour le judo canadien, dont le blason a été redoré mardi par Antoine Valois-Fortier, qui lui a donné sa première médaille en 12 ans.

Le potentiel de médailles

«On regarde le potentiel de médailles à long terme, notamment pour les Jeux de 2016. Quand on voit des athlètes comme Antoine, c'est certain qu'on est tenté d'investir davantage», explique la directrice d'À nous le podium.

Le judo a reçu 1,8 million au cours des quatre dernières années. Ces fonds ont surtout servi à payer des entraîneurs, des tournois internationaux et des camps à l'étranger.

«À nous le podium représente la majorité de notre financement. C'est clair: sans son aide, je ne serais pas à l'emploi de Judo Canada, on n'aurait pas huit judokas à Londres et on n'aurait pas gagné une médaille, lance Nicolas Gill, entraîneur national de Judo Canada. C'est aussi simple que ça.»

L'envers de la médaille

Mais ce droit de vie ou de mort sur le sport d'élite a aussi ses mauvais côtés. L'envers de la médaille? Le cercle vicieux créé lorsqu'un sport perd son financement. Ses résultats finissent par en souffrir, et il retrouvera difficilement le succès qui pourrait le réhabiliter auprès d'ANP.

Par exemple, À nous le podium a décidé d'arrêter le financement de l'escrime en 2010. «Il y a des limites à nos budgets, et on doit prendre des décisions difficiles, explique Mme Merklinger. Après deux ans d'appui à l'escrime, nous avons constaté qu'ils ne faisaient pas les progrès espérés. On ne voyait pas les perspectives de résultats.»

À Londres, quatre des cinq escrimeurs canadiens ont perdu lors de leur premier combat; l'autre, Monica Peterson, s'est arrêtée dès le deuxième tour. Plusieurs ont dit s'être sentis délaissés par le pays. «Je n'ai pas reçu un sou en trois ans, a dit le fleurettiste Étienne Lalonde Turbide, qui s'est dégoté un entraîneur italien prêt à l'encadrer gratuitement. Alors simplement me rendre à Londres est un accomplissement.»

Après sa défaite douloureuse d'hier contre la Polonaise Aleksandra Socha (15-7), la sabreuse Sandra Sassine a elle aussi déploré le manque d'appui. «Faire de l'escrime au Canada est très difficile. On manque de financement, on manque de stabilité. Mais j'ai encore espoir que ça s'améliore dans les prochaines années.»