Il y a de ces moments aux Jeux qui ne se retrouvent pas sur les cartes de pointage. Même la télévision a du mal à leur rendre justice. Ils sont vécus par les quelques centaines de spectateurs qui sont là, au bon endroit, au bon moment, comme hier matin lors de la dernière barre de l'haltérophile québécoise Annie Moniqui.

Annie Moniqui, 22 ans, ne devait même pas aller à Londres. Elle visait plutôt les Jeux de Rio. Puis elle a appris à la dernière minute qu'elle serait du voyage, puisqu'une autre Québécoise qualifiée s'est blessée. L'athlète de la Montérégie a donc fait ses valises et établi ses objectifs: battre son meilleur résultat personnel, un cumulé de 201 kg à l'arraché et à l'épaulé-jeté.

Dans sa catégorie, les moins de 58 kg, les dures à cuire ne manquent pas. Il y a les Chinoises, les Thaïlandaises, qui lèvent des cumulés de 230 kg ou plus, et Moniqui savait qu'elle ne gagnerait pas de médaille. Elle voulait simplement prouver qu'elle avait sa place ici.

Moniqui, 5'2, les cheveux bouclés, fait son entrée sur le plateau un peu après midi pour sa première barre: 85 kg à l'arraché. Elle rate. À son deuxième essai, la jeune haltérophile parvient à soulever la charge, puis manque son troisième et dernier essai, à 88 kg.

Les choses ne vont pas bien. Juste avant de passer à l'épaulé-jeté, elle n'arrive pas à comprendre comment elle a pu rater à 88 kg. «Je réussis tout le temps à l'entraînement», pense-t-elle.

Puis rien ne s'arrange à l'épaulé-jeté. Elle manque ses deux premiers essais à 105 kg. Si elle rate une troisième fois, son résultat ne sera pas complet et Moniqui va finir dans le fond du classement.

Quelques secondes avant sa dernière barre, la foule, qui s'est prise d'affection pour la Canadienne, se met à applaudir. On aperçoit Moniqui à l'écran géant. Elle est nerveuse, déçue, puis au moment de réapparaître sur le plateau, on la voit se parler à voix haute: «Enweye, t'es capable!»

C'est sa dernière barre. La rumeur de la foule grossit. Au moment où elle soulève les 105 kg de fonte, la salle devient silencieuse. Elle porte la barre à ses épaules puis la tient là, tremblante, dans ce qui a semblé une éternité. Quand Moniqui réussit enfin à la monter au-dessus de sa tête, la foule explose. Moniqui sourit, même si elle est déçue.

Elle a levé 190 kg, elle qui visait les 202 kg, et a fini 16e. «Je suis déçue, j'ai fait beaucoup d'erreurs», dira-t-elle après, «mais c'était une belle expérience, je n'avais jamais vu une si grosse foule et ça me prépare pour Rio».

La Chinoise Li Xueying a finalement remporté l'épreuve en cumulant 246 kg. Mais jamais elle n'a fait vivre un frisson à la foule comme Annie Moniqui l'a fait. Ça ne fait pas gagner. Mais c'est aussi ça, le sport.