Des fourmis dans les jambes et des papillons au ventre, plusieurs anciennes vedettes olympiques ont quitté leur retraite pour tenter leur chance à l'ombre du Big Ben. Des tentatives parfois vaines, mais toutes fortes en émotions. Comme celle de la nageuse Janet Evans, 40 ans, qui a échoué à se qualifier après 15 ans d'absence. «J'étais tellement nerveuse», a-t-elle déclaré. Qu'est-ce qui pousse les sportifs à reprendre le collier?

Le corps usé, fatigué, la volleyeuse de plage Guylaine Dumont a accroché son maillot et ses lunettes de soleil en août 2005. Elle était âgée de 37 ans. Cinq ans plus tard, en 2010, l'appel du jeu a sonné. Elle a même rêvé, brièvement, d'une participation aux Jeux de Londres. Olympienne à 44 ans? Pourquoi pas!

«Je pensais pouvoir effectuer un retour réussi, je le sentais vraiment, confie-t-elle, au téléphone. Quand je mettais les pieds sur un terrain, le naturel revenait au galop. La passion était toujours là. J'avais vraiment un sentiment «thrillant». Je me sentais vivante, dynamique. Mes parents souffraient tous deux du cancer. Je me suis dit: profite de la vie et tente ta chance.»

Depuis son passage aux Jeux d'Athènes en 2004, où elle a terminé 5e avec sa coéquipière Annie Martin, Dumont était restée dans le milieu. La résidante de Saint-Antoine-de-Tilly a notamment agi comme entraîneuse et joueuse aux côtés de Mélody Benhamou, de l'Université de Montréal. Puis, elle a accepté de faire équipe avec la volleyeuse Marie-Christine Mondor, alors en pleine ascension.

Guylaine Dumont dit avoir été inspirée par la nageuse américaine Dara Torres, âgée de 45 ans. La spécialiste de sprint en nage libre a quitté deux fois sa retraite avec grand succès. Elle a annoncé son premier retour en 1999 - après sept ans hors de la piscine - et mis la main sur cinq médailles olympiques à Sydney. Après une seconde retraite de six ans, Torres a de nouveau revêtu son maillot en 2006. Aux Jeux de Pékin, elle est montée sur le podium trois fois, à 41 ans. Ses exploits époustouflants ont incité plusieurs athlètes à effectuer un retour, dont le cycliste Lance Armstrong en 2009. Torres a échoué à se qualifier pour Londres, mais, toujours compétitive, elle a terminé 4e du 50 m des essais américains. «J'en ai fini cette fois, je vous l'assure», a-t-elle déclaré aux journalistes.

Le rêve de Guylaine Dumont a pris fin plus abruptement. «Mon corps n'a pas tenu le coup, j'ai déclaré forfait après quelques tournois. Je me suis blessée au mollet. Je ne voulais pas m'entêter. Je n'avais plus l'énergie pour endurer les souffrances, les visites chez le physio. Si j'avais eu 20 ans, peut-être que j'aurais persisté. J'étais plus orgueilleuse, plus combative.»

Reprendre la compétition à 35 ou 40 ans? Pas toujours facile. «Il peut être particulièrement ardu de reprendre un sport qui demande explosivité, vitesse et force, indique Michel Portmann, professeur retraité au département de kinanthropologie de l'UQAM et président de la Fédération d'athlétisme du Québec. L'athlète doit mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard accumulé sur les autres. La technique est là, mais le corps se dégrade physiologiquement avec les années. Les blessures surviennent. Comme les résultats ne sont pas ceux espérés, les déceptions sont fréquentes. On s'éloigne alors pour de bon.» Les sports d'endurance et les sports techniques, comme le tir à l'arc, pardonnent davantage, selon lui.

Difficile, mais salvateur

Comment expliquer ces retours à la compétition? «Il y a 30 ans, le sport n'était pas ce qu'il est maintenant. Les athlètes amateurs ont aujourd'hui une carrière plus longue, grâce aux techniques d'entraînement améliorées, aux bourses, aux commandites. En contrepartie, la transition est peut-être plus difficile», dit Sylvie Bernier, chef de mission adjointe du Comité olympique canadien. Elle-même a pris sa retraite du plongeon très jeune, à 20 ans, après avoir remporté l'or à Los Angeles. «C'était un choix réfléchi, je m'étais inscrite à l'université. Ç'a néanmoins été pénible. C'est comme si je retombais à zéro, sans identité.»

«Plus on a investi sa vie dans le sport, plus le passage à la retraite risque d'être difficile, confirme le psychologue sportif Bruno Ouellette, qui a conseillé plusieurs olympiens. Les athlètes se sont forgé une identité forte comme sportifs de très haut niveau. Quand ils arrêtent leur sport, une partie d'eux s'éteint. Ils peuvent ressentir un grand vide, ils ont l'impression de manquer de défis, de valorisation, de perdre leur réseau. Certains reviennent donc à ce qu'ils font de mieux.»

La patineuse Kalyna Roberge, 25 ans, peut en témoigner. Elle a tiré sa révérence officiellement en octobre 2011, après 18 ans dans le sport. Après des Jeux difficiles à Vancouver, elle a décidé d'accrocher ses patins, sans réellement parler de retraite. Elle a profité de cette pause pour construire sa maison et se consacrer à ses études en éducation à l'enfance. Puis, elle a finalement repris l'entraînement au printemps 2011. «Le patin me manquait, mais était-ce le sport ou la vie autour? Je voulais vérifier. Après deux mois, j'étais revenue à un très bon niveau. Ça augurait bien, mais je me suis rendu compte que je n'avais plus l'étincelle. Je n'avais plus rien à prouver», confie l'ancienne championne mondiale du 500 m et double médaillée olympique au relais. La future maman, qui accouchera en septembre, a coupé les ponts. «Je n'aime pas qu'on me parle de patin. Je considère que c'est mon ancienne vie. C'est difficile de définir son identité hors de la glace. Je souhaite que l'on apprenne à connaître la personne que je suis maintenant, la femme plutôt que la patineuse.»

D'autres savourent intensément leur retour. C'est le cas du nageur australien Ian Thorpe, détenteur de cinq titres olympiques. Après une retraite de quatre ans et demi, il a tenté sans succès de se qualifier pour les Jeux de Londres. «Quand j'ai pris ma retraite, j'avais

l'impression de détester mon sport. Je ne parvenais plus à gérer les à-côtés de la natation et la place que cela prenait dans ma vie. La plus belle récompense que je tire de ce retour, c'est d'être revenu à mon sport et de l'adorer à nouveau», a assuré Thorpe à l'AFP. Il souhaite poursuivre sa carrière malgré cet échec.

«On juge les athlètes qui reviennent en fonction des résultats obtenus par le passé, la pression est immense. On oublie que de revenir à quelque chose qu'on aime, c'est merveilleux», dit Bruno Ouellette. Il fait référence au nageur Mark Spitz qui, 17 ans après la fin de sa carrière en 1972, a décidé de reprendre la compétition. «Un come-back pitoyable», selon le journal L'Équipe. «Les athlètes doivent revoir leurs objectifs. La réussite ne doit pas être vue seulement en terme de résultats, mais selon la façon de triper dans la vie qu'ils ont choisie, croit plutôt le psychologue. Malheureusement, quand tu t'appelles Ian Thorpe, ce n'est pas très valorisé.»

«Les athlètes qui reviennent au sport se souviennent des bons feelings, mais oublient à quel point c'est difficile d'être parmi les meilleurs du monde, affirme Pierre Lafontaine, entraîneur-chef et directeur général de Natation Canada. Quand tu arrêtes, tes rivaux continuent d'avancer. Tu veux voir si tu peux aller chercher plus de jus dans le fruit? Pourquoi pas! J'ai remarqué que les athlètes qui reviennent nagent pour de nouvelles raisons. Toute leur vie, ils ont nagé pour leurs parents, leurs coachs, leurs amis. Quand ils reviennent, ça devient un objectif personnel.»

Sortie d'une retraite de trois ans, la nageuse française Laure Manaudou, qui sera des Jeux de Londres, voit son sport d'un nouvel oeil. «La natation n'est plus toute ma vie, seulement une partie. La naissance de ma fille a beaucoup changé ma vie. Nager est aujourd'hui un véritable plaisir pour moi», a dit sur TF1 la championne olympique de 2004 et triple championne du monde.

Guylaine Dumont regardera les JO sur son petit écran. Désormais, elle se tient loin du sable et des filets. «Surtout parce que je crains de me blesser.» Mère de deux filles de 6 et 11 ans, elle est consultante en préparation mentale auprès d'athlètes, conférencière et thérapeute en relation d'aide. Elle ouvrira son cabinet privé en septembre. «J'aurai toujours le feu sacré, mais j'ai vraiment l'impression d'avoir tourné la page, dit-elle, sereinement. Mon retour m'a aidée à passer à autre chose, je n'aurai pas de regrets. C'est terminé une fois pour toutes.»

Des ex-retraités à Londres

Après s'être retiré en 2000, l'archer français Sébastien Flute, champion olympique à Barcelone (1992), sera de l'aventure à Londres. Même chose pour les volleyeuses de plage américaines Misty May-Treanor et Kerri Walsh, retraitées après leur titre aux Jeux de Pékin. La nageuse australienne Libby Trickett, plusieurs fois championne mondiale et olympique, sera à la piscine après une absence d'un peu moins d'un an.

PHOTO BLOOMBERG

Dara Torres