À peine cachée par ses cheveux, la cicatrice qui lui ceint presque tout le haut du front est impressionnante. Au-delà des stigmates, ce sont surtout les séquelles psychologiques de son accident que le plongeur Alexandre Despatie aura à surmonter d'ici aux Jeux olympiques de Londres, dans quatre semaines.

Un peu plus de trois semaines après s'être frappé le front sur le tremplin lors d'un entraînement en Espagne, Despatie n'a toujours pas recommencé à exécuter ses plongeons de compétition. Même s'il fait tout en son possible pour ne pas regarder trop loin devant, il ne peut s'empêcher d'anticiper la première fois où il va exécuter le triple saut périlleux et demi retourné.

«Oui, j'y ai pensé. C'est certain que je vais avoir une crainte quand le temps va venir», a confié Despatie lors de sa première sortie publique depuis sa grave blessure. «Je pense que la bonne nouvelle, c'est que je n'ai aucun souvenir de ce qui est arrivé!»

Devant un contingent médiatique d'une rare ampleur pour un athlète olympique québécois, Despatie a réitéré son désir ferme de participer à ses quatrièmes Jeux olympiques. La médaille d'or, seule récompense qui manque à son riche palmarès, il n'y pensera qu'à la fin de la compétition, où il visera à donner le meilleur de lui-même «dans les circonstances».

«C'est difficile à croire à ce point-ci, mais je dois garder le sourire, je dois continuer de m'amuser, de faire ce que j'aime, qui est de plonger», a répété le triple champion du monde.

Remis de sa commotion cérébrale depuis plus de deux semaines, Despatie n'est retourné à l'eau que depuis vendredi. Il a commencé par de simples entrées à l'eau à partir de la plateforme de 3 mètres. Ont suivi des doubles sauts périlleux et demi avant depuis le tremplin de 1 mètre. Ces exercices ne lui ont causé aucun souci sur le plan cérébral.

«Ce qui est un peu étrange, c'est que j'ai perdu toute sensation sur le dessus de ma tête», a expliqué l'athlète de 27 ans avant d'ajouter: «La cicatrice ne pose aucun problème. À l'entraînement, je reprends un peu le train normal. Les rotations et tout ça, ça ne change rien. C'est plus ce qui se passe à l'intérieur de la tête qui va être important.»

Plus que sa tête, ce sont les douleurs dorsales qui ont ralenti Despatie jusqu'ici. Les impacts de l'accident se sont fait ressentir dans son dos, une région sensible pour lui depuis plusieurs années. «Quand tu as mal au dos, c'est très difficile d'appliquer la force dont tu as besoin», a rappelé Mitch Geller, chef des opérations techniques à Plongeon Canada. «Il était très inquiet, très frustré. Mais il a subi un examen de résonance par imagerie et il n'y avait aucun problème.»

Sans se fixer d'échéancier précis, Despatie espère être en mesure d'exécuter ses six plongeons de compétition deux ou trois semaines avant le début de sa première épreuve à Londres, le 6 août. Dans un monde idéal, ce serait lors d'un stage préparatoire en Italie, pour lequel il s'envole lundi.

«Je dois rester positif, sinon je ne m'en sortirai pas, a-t-il dit. Je ne dirais pas que c'est rose chaque jour, que tout est super tout le temps. Il y aura des jours plus difficiles. Mais toute une équipe m'entoure et j'ai tous les outils dont j'ai besoin pour avoir du succès.»

Le trois et demi retourné représentera un obstacle psychologique. Mais le quadruple saut périlleux et demi avant risque d'être encore plus délicat à intégrer. Le Québécois n'a encore jamais réalisé ce saut en compétition internationale et il le juge essentiel pour espérer monter sur la plus haute marche du podium.

Habitué aux retours dramatiques, Despatie refuse d'établir des comparaisons avec les JO de Pékin, où il s'était fracturé un pied quatre mois avant de gagner la médaille d'argent. Ni de se comparer à «une légende» comme Greg Louganis, qui avait arraché l'or à Séoul après s'être frappé la tête sur le tremplin en préliminaires.

Despatie a cependant indiqué ceci: «Il ne faut jamais sous-estimer le coeur. J'adore mon sport. J'adore les Jeux olympiques. C'est pourquoi je suis assis ici et que je vous dis que je vais y aller. Parce que j'aurais pu tout aussi bien décider de rester à la maison.»

«Ça, ça n'a pas changé. Comme je l'ai dit depuis le début, tout va dépendre de ce qui va se passer aux Jeux olympiques, a-t-il dit. Pour le moment, j'adore encore plonger.»