Bruny Surin a « littéralement sauté dans les airs » quand le Comité olympique canadien (COC) lui a confirmé ce qu’il désirait de tout cœur depuis un bon moment : être chef de mission d’une équipe olympique canadienne.

Son souhait sera exaucé aux Jeux olympiques de Paris en 2024. « C’est un gros cadeau, une belle mission, c’est comme un rêve qui se réalise », a affirmé l’ex-sprinteur québécois à l’annonce de sa nomination à la Maison olympique canadienne de Montréal, vendredi matin.

Devant sa conjointe Bianelle Legros et sa fille Katherine, Surin, tout sourire, a enfin pu enfiler la veste canadienne et se libérer d’un secret qu’il conservait depuis déjà des mois.

« C’est un honneur et un rôle que je vais exercer avec beaucoup d’enthousiasme et que je vais prendre très au sérieux », a-t-il promis au micro.

J’ai été dans le sport pendant 18 ans. J’ai appris et j’ai vécu de bons et de mauvais moments, mais j’ai pu garder l’équilibre grâce au soutien de mon entourage. Je veux partager ce que j’ai appris le plus possible avec la nouvelle génération. Je veux être leur porte-parole, leur mentor, celui qui va être derrière eux, pour les encourager et être disponible pour eux en route vers les Jeux.

Bruny Surin

Âgé de 54 ans, Surin a pris part à quatre JO en tant qu’athlète. Il a gagné la médaille d’or au relais 4 x 100 m à Atlanta, en 1996, avec Robert Esmie, Glenroy Gilbert et Donovan Bailey, l’un des plus grands moments de l’histoire olympique canadienne.

Il a d’abord participé à l’épreuve de saut en longueur à Séoul, en 1988, avant de se consacrer exclusivement au sprint. Quatrième au 100 m à Barcelone, en 1992, le Montréalais a conclu sa carrière olympique en 2000, à Sydney, où il s’est arrêté en demi-finale, stoppé par une blessure à une cuisse.

Deux fois vice-champion mondial du 100 m en 1995 et en 1999, ses plus hauts faits d’armes individuels, le natif de Cap-Haïtien a également été deux fois champion du monde en salle au 60 m.

Après sa retraite en juillet 2002, il est devenu agent d’athlètes pendant une douzaine d’années. Il s’est lancé dans les affaires et la philanthropie avec une fondation homonyme. Il est aussi un conférencier recherché un peu partout dans le monde.

Surin estime que toutes ces expériences le serviront bien dans son nouveau rôle au cours des deux prochaines années.

Je peux voir toutes les facettes. Ce sont des jeunes qui ont un rêve qui arrivent aux Jeux olympiques. Certains seront certainement nerveux. D’autres ont un potentiel de médaille. Ce sont toutes des situations différentes que j’ai vécues. Les bons comme les mauvais moments. En toute humilité, je pense pouvoir avoir une bonne relation avec eux et je comprends aussi leur situation.

Bruny Surin

Le nouveau chef de mission entend aller à la rencontre du plus d’athlètes possible avant le début des JO, sans les « envahir » et tout en accordant une attention particulière à leur entourage. « Je veux leur demander, par exemple, quelle est la situation optimale pour qu’ils puissent performer au meilleur de leur potentiel en arrivant à Paris. »

Il a déjà développé une complicité avec certains des quelque 225 futurs représentants canadiens à Paris, dont le sprinteur Andre De Grasse. Il s’attend à ce que le sextuple médaillé olympique améliore le record canadien du 100 m, qu’il détient avec Bailey depuis 1999, avant les JO de Paris.

« En même temps, ça fait cinq ans que je dis à tout le monde qu’il va le battre ! À Tokyo, je lui ai dit : “Qu’est-ce que tu attends ?” […] C’est sûr que j’aimerais voir Andre le battre, peut-être même cet été aux Championnats du monde, ne sait-on jamais. »

Droit de parole

Malgré son nouveau rôle, Surin promet de conserver le franc-parler qui l’avait mené à écorcher le sprint canadien pendant une certaine période.

« Tu me connais depuis toutes ces années… Je ne suis pas ici pour être une marionnette. Je ne suis pas ici non plus pour tout changer la baraque. C’est sûr qu’il y aura des conversations [à l’interne]. Je ne vois pas ce rôle-là comme celui d’un politicien. »

Richard Pound, membre du Comité international olympique, voit en Surin un excellent porte-parole pour les athlètes canadiens.

PHOTO KERSTIN JOENSSON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Richard Pound

« Il s’exprime bien et il est très connu, surtout en France, a noté l’avocat québécois. C’est comme si les Français l’ont choisi ! »

Pound avait remis la médaille d’or à Surin et à ses coéquipiers relayeurs à Atlanta en 1996. « Je leur avais dit avant la cérémonie : “Les gars, je ne sais pas si nous sortirons d’ici vivants ce soir, mais qu’est-ce que vous avez botté des derrières américains !” »

Surin succède à l’ancienne rameuse Marnie McBean, chef de mission pour les JO de Tokyo en 2021, et à Curt Harnett, qui avait occupé la même fonction à Rio en 2016. L’ex-cycliste avait remplacé le skieur Jean-Luc Brassard, qui avait démissionné pour protester contre la gestion de l’affaire du président déchu Marcel Aubut par les dirigeants du COC.

Surin faisait partie des candidats pour remplir le rôle de chef de mission à Tokyo. Devant la qualité de son dossier, le comité composé de la présidente Tricia Smith, du chef de la direction David Shoemaker et de la commission des athlètes a décidé de le nommer d’emblée pour Paris 2024.

C’est la bonne personne, au bon endroit, au bon moment. Ç’a été un choix unanime.

Eric Myles, chef du Sport du Comité olympique canadien, qui travaillera en étroite collaboration avec Bruny Surin

La présidente du COC, Tricia Smith, a été témoin du charisme de Surin aux JO de la jeunesse de Buenos Aires, où il a occupé le rôle de chef de mission en 2018.

« Il est tellement fantastique avec les athlètes et tout le monde. Il attire les gens. Il marchait dans la rue avec Eric et les gens l’approchaient. Il saura inspirer les athlètes et il sera un chef merveilleux. »

Surin, Smith et le chef du Sport s’envolent dimanche soir pour Paris dans le cadre de la Global Sports Week, un forum réunissant tous les acteurs du sport international, les 10 et 11 mai, à l’Accor Arena, là où se tiendront des matchs de basketball et les épreuves de gymnastique en 2024, dans 811 jours.