Plusieurs minutes après avoir « quasiment engueulé la foule » en célébrant sur la glace, dixit Laurent Dubreuil, Gregor Jelonek s’est laissé gagner par d’autres émotions en se déchaussant au banc des entraîneurs au milieu de l’anneau.

Antoine Gélinas-Beaulieu, 22e de ce 1000 mètres historique vendredi à l’Ovale national de Pékin, a retrouvé son coach pour le prendre dans ses bras. Jelonek a fondu en pleurs.

« C’est quand même incroyable de voir l’émotion, a noté Dubreuil un peu plus tard. Gregor me coache depuis que j’ai 16 ans et 9 mois. Quel athlète peut en dire autant ? Plusieurs personnes m’ont déjà dit que je mérite cette médaille. Gregor aussi la mérite comme coach. C’est vraiment spécial de partager ça avec lui. »

Qualifiant le 500 mètres d’« erreur de parcours », Jelonek était persuadé que son protégé serait en mesure de se reprendre.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Laurent Dubreuil et Gregor Jelonek

« Je savais qu’il allait rebondir, a assuré l’entraîneur, la voix éraillée. Je n’étais même pas nerveux aujourd’hui. J’étais calme. Laurent est bon là-dedans. Il a une force de caractère incroyable. »

Cette médaille est le fruit d’une collaboration de 13 ans, a rappelé Jelonek, qui, lui, exerce son métier depuis 27 ans, après une carrière de patineur qui l’a conduit aux JO de Calgary, en 1988.

« Laurent n’était pas le même à 18, 19 ou 20 ans. Son évolution personnelle, là où il est dans la vie en ce moment… Ça prend de la maturité [pour réussir cela], qu’elle soit physique ou mentale. »

Ça fait 27 ans que je coache des athlètes dans la pluie et la neige. On a toujours cru en nous même si beaucoup de monde ne nous croyait pas capables de développer [de bons patineurs] à Québec. Je suis super fier de la façon dont les athlètes réagissent. Personnellement, c’est une grande réussite.

Gregor Jelonek, entraîneur de Laurent Dubreuil

Inauguré à la fin de l’été dernier, le Centre de glaces, à Québec, n’aura servi à Dubreuil que dans la dernière ligne droite qui l’a mené à cette médaille d’argent. Le nouvel équipement lui permettra de prolonger sa carrière.

« J’ai dû me battre contre les éléments, voyager comme un malade pour faire des camps. Si je suis capable de gagner une médaille dans ce contexte, ceux qui grandiront avec l’anneau le seront en maudit. »

Dubreuil a reconnu l’héritage de Gaétan Boucher, un « surhumain » dont les exploits lui étaient racontés par ses parents, Ariane Loignon et Robert Dubreuil, deux coéquipiers à l’époque.

« Ce qu’il faisait était incroyable. Je suis loin d’être bon comme Gaétan. J’ai une médaille d’argent, il en a deux d’or, une d’argent et une de bronze. Si je peux en inspirer quelques-uns comme Gaétan a inspiré une génération, ça va être ça de gagné. »

Âgé de 29 ans, Dubreuil souhaite patiner « encore longtemps », mais surtout être un « leader positif ».

« J’espère avoir une longue carrière comme Charles Hamelin, qui doit être l’idole de tous les autres gars dans l’équipe [de courte piste] en ce moment. Si je suis capable de jouer un rôle similaire – encore une fois, je suis bien moins bon que Charles Hamelin –, ça va être ça de pris. »

Un tel bonheur partagé, ils n’ont pas l’intention d’attendre trois autres décennies pour en revivre.