(Pékin) Le visage de Kendall Coyne Schofield s’est crispé derrière son masque après la finale olympique de hockey féminin à Pékin.

On a demandé à la capitaine de l’équipe américaine ce que le passionnant match pour la médaille d’or pourrait faire pour l’avenir du hockey féminin.

« Il y a beaucoup de jeunes filles qui regardent à la maison. Le hockey féminin ne peut pas rester silencieux après ces deux semaines », a affirmé Coyne Schofield en larmes.

Le Canada a eu raison des États-Unis 3-2 pour mériter la médaille d’or lors d’une finale divertissante. Mais les Jeux olympiques de 2022 ont mis en évidence la disparité d’investissements et d’engagement envers le hockey féminin dans le monde, une situation aggravée par la pandémie de COVID-19.

Le Canada a dominé ses adversaires 57 buts à 10 à Pékin. Les hockeyeuses ont repoussé leurs limites en grande partie à cause de leurs efforts, de leur faculté d’adaptation en période pandémique, du temps et de l’argent investis par ses joueuses, ses entraîneurs et sa fédération.

Le hockey féminin n’a pas bénéficié du même soutien financier que les ligues et les tournois masculins pendant la pandémie au cours des deux dernières années.

« La pandémie a effectivement mis fin au hockey dans de nombreuses ligues européennes féminines », a écrit Zsuzsanna Kolbenheyer, membre du conseil de la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG), dans un courriel à La Presse Canadienne.

« Cela a eu un impact majeur sur la préparation des joueuses. Les saisons des ligues féminines sont souvent plus courtes que celles des hommes, et donc pour beaucoup, elles n’ont pas eu l’occasion de les reprendre.

« Pour certaines de ces joueuses, cela fait longtemps qu’elles n’ont pas joué au hockey en compétition. »

La plupart des joueuses canadiennes n’ont pas de ligue et elles ont également dû composer avec des confinements en raison de la pandémie.

Parmi les compensations, il y avait le fait d’être plus en forme que jamais, d’utiliser les appels Zoom pour créer un incroyable esprit d’équipe et d’améliorer leur jeu offensif via des discussions virtuelles.

« Ce que Équipe Canada montre sur la glace en ce moment, c’est vraiment ce que le hockey féminin pourrait être à temps plein », a mentionné Danièle Sauvageau, qui a guidé le Canada à la médaille d’or en 2002 et qui analyse des matchs de hockey à la télévision à Pékin.

« L’écart est encore plus grand parce que le Canada s’est amélioré depuis 2018 et que le reste du monde a continué à faire ce qu’il faisait, ce qui n’est pas suffisant. »

Aucun autre pays n’a envoyé une équipe féminine dont les joueuses se sont réunies dès juillet et ont passé six mois ensemble avant Pékin — pas même les États-Unis, dont les joueuses ont été rassemblées en résidence seulement en octobre, après une défaite de 3-2 en prolongation contre le Canada lors de la finale du Championnat du monde, le 31 août.

Les pays européens ont encore moins préparé leurs équipes féminines.

L’annulation du Championnat du monde en avril en Nouvelle-Écosse et son report à Calgary en août ont mis une pression financière supplémentaire sur les fédérations de hockey qui tentaient également de préparer leurs équipes féminines pour Pékin.

« Une partie de cet argent n’a pas été récupérée en raison de la soudaineté et de l’annulation à la dernière minute, puis a dû être dépensée de nouveau pour préparer les équipes pour le mois d’août lorsque le tournoi a été reprogrammé », a expliqué Kolbenheyer, qui préside le comité féminin de la FIHG.

« C’était de l’argent qui aurait été dépensé pour la préparation olympique. En conséquence, les pays n’ont pas passé autant de temps ensemble avant le tournoi en Chine qu’ils l’auraient fait. »

La Finlande, médaillée de bronze, qui a surpris le Canada en demi-finale du Championnat du monde en 2019, a perdu du terrain en partie parce qu’elle n’a pas investi le même temps et la même somme d’argent que le Canada pour sa préparation dans les mois qui ont précédé les Jeux d’hiver.

« Ils sont toujours en train de reconstruire parce qu’ils ne peuvent pas garder les joueuses entre 22 et 26 ans, a laissé entendre Sauvageau. Ils n’ont pas les ressources financières pour les garder. Ces joueuses doivent travailler, s’entraîner, jouer pour leur club et réussir à faire ces camps d’entraînement (nationaux). »

La FIHG a été blâmée pour l’annulation du championnat du monde féminin des moins de 18 ans en janvier pour une deuxième année consécutive, alors que celui masculin des moins de 18 ans a été disputé en 2021.

Le président Luc Tardif précise que le tournoi féminin aura lieu en juin aux États-Unis.

Les évènements féminins des divisions inférieures ont également été annulés en Hongrie, en Autriche et en Turquie en janvier. Ils se joueront cet été dans ces pays, a-t-il ajouté.

Tardif a également ajouté que la FIHG avait distribué cinq millions de francs suisses (6,9 millions CAN) en fonds de développement à tous les pays participants au tournoi olympique féminin de 2022 et à ses tournois de qualification, ce qui représente une augmentation de 60 % par rapport à 2018.

« Je ne suis pas le gars qui ne croit pas au hockey féminin », a affirmé Tardif à Pékin.

Le Canada et les États-Unis ont peut-être investi le plus de ressources dans leurs équipes nationales féminines parmi les 10 pays à Pékin, mais les joueuses qui rentrent chez elles avec des médailles d’or et d’argent autour du cou font toujours face à un avenir incertain lorsqu’il s’agit d’une ligue qui leur permettrait de joueur à longueur d’année.

La majorité est membre de l’Association des hockeyeuses professionnelle (PWHPA), née des cendres de la disparition de la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF).

Les restrictions pandémiques ont entravé les matchs hors-concours et les tournois qu’elles jouent pour mobiliser le soutien d’une ligue qui paie un salaire décent et assure le soutien que les hommes obtiennent.

Ainsi, après s’être données corps et âme à leurs rêves olympiques, les Nord-Américaines sont de retour à la poursuite de la ligue qu’elles envisagent.

Elles espèrent que le match pour la médaille d’or à Pékin a montré au monde ce que cette ligue pourrait être.

« Nous espérons obtenir le respect que nous méritons », a conclu l’attaquante canadienne Blayre Turnbull.