(Zhangjiakou) Que faisiez-vous le lundi 2 mai 2011 ? Laurent Dubreuil, lui, s’en souvient. Et ce n’est pas parce que c’est le jour où les Américains ont fait exécuter Oussama ben Laden.

À cette date, le patineur de vitesse a commencé son tout premier carnet d’entraînement. « C’est un peu comme mon journal intime, mais je me sens plus viril en l’appelant mon carnet d’entraînement ! », a dit en souriant le patineur de vitesse à la veille de son départ de Pékin, où il dispute ses deuxièmes Jeux olympiques.

Dubreuil s’est mis à coucher sur papier tout ce qui entoure son entraînement à la suggestion de ses parents, les patineurs Ariane Loignon et Robert Dubreuil, qui faisaient de même durant leur carrière qui les a menés aux Jeux.

« Ils me harcelaient presque pour que je le fasse. Non, ils m’en vantaient les mérites. Beaucoup. À un moment donné, j’ai cédé. »

Depuis ce 2 mai 2011, date de la reprise d’une saison d’entraînement qui le conduira jusqu’au titre mondial junior au 500 m, il n’a jamais sauté une journée dans son carnet. Ah si, une fois, il l’a oublié pour un voyage en Grèce avec sa blonde. « Même en saison morte, je le remplis tous les jours. »

Il note tout : le détail des séances sur glace et en gymnase, oui, mais aussi ses heures de sommeil, son poids, son humeur, son état d’esprit, les caprices de sa fille, etc. Tout ce qui peut influencer ses performances sportives.

« Si je suis fatigué avec l’entraînement, ce n’est pas nécessairement parce que je me suis entraîné fort. Ça peut être parce que j’ai mal dormi, qu’il fait chaud, que j’ai des allergies, de l’asthme ou beaucoup de cours en fin de session universitaire. »

Depuis 2011, il a rempli plus d’une douzaine de calepins de la marque française Clairefontaine. « Toujours le même modèle de 287 pages. Quand je vais à la librairie, je vide la tablette. J’ai différents toc ; si je devais changer de cahier, ce serait vraiment, vraiment frustrant pour moi. Ma blonde pense que je suis un peu Asperger… »

PHOTO FOURNIE PAR LAURENT DUBREUIL

Un des carnets d’entraînement de Laurent Dubreuil

Sa seule règle d’or : il ne se ment jamais à lui-même. « Sinon, je ne pourrais pas faire confiance à ce que j’ai écrit. L’exercice n’aurait plus aucune valeur. »

Parce que Dubreuil se réfère régulièrement au passé. Au terme de la saison de Coupe du monde, en décembre, il trouvait qu’il n’avait assez de ressort au 1000 m. Le spécialiste du 500 m a relu ce qu’il avait fait les mois précédents. Il a comparé ses observations à une époque où il avait plus de succès sur la distance.

« J’ai tiré la conclusion que j’étais peut-être un peu trop gros et qu’il me manquait un peu de forme générale. J’avais peut-être trop réduit le volume d’entraînement et les intervalles plus longs. Ça commençait à paraître au 1000. »

Le sprinteur a donc perdu de 3 à 4 lb pour faire passer son poids à 186 lb avant son départ pour la Chine. Une course d’entraînement à Québec l’a convaincu d’avoir adopté la bonne approche.

« C’était vraiment bon, je suis très content. Toute la différence était dans le dernier tour. J’avais de l’énergie dans le dernier virage. Je ne me suis pas senti comme ça de l’année [au 1000 m]. Même l’an passé, en fait. »

Après sa quatrième place crève-cœur au 500 m, le patineur de Lévis a juré de mettre sa déception derrière lui dès le lendemain pour se concentrer sur le 1000 m, disputé vendredi à l’Ovale national de patinage de vitesse de Pékin. Aux Championnats du monde de 2020, il s’est classé sixième du 500 m avant de remporter le bronze au 1000 m. L’an dernier, il a profité de deux faux départs d’un sérieux rival pour ajouter le bronze au 1000 m après l’or sur la plus courte distance.

« Ce n’est pas fini, a prévenu Dubreuil après le 500 m à Pékin. C’est sûr que ma meilleure chance est passée, mais il y a deux ans, j’avais été capable de causer une surprise au 1000 après une déception au 500. Pourquoi pas encore cette année ? Dans tous les cas, je vais juste faire de mon mieux et on verra si ce sera assez. »

Quoi qu’il arrive, il remplira la page du vendredi 18 février 2022.