(Zhangjiakou) Avant sa première descente en finale, Elizabeth Hosking a annoncé à son entraîneur qu’elle exécuterait le 1080, son saut le plus difficile.

« Si tu le fais, atterris-le », lui a répondu Brian Smith.

« Je vais l’atterrir. »

Quelques secondes plus tard, la planchiste de Mille-Isles a réussi la manœuvre dans l’immense demi-lune de Secret Garden, jeudi matin (heure de Pékin). Son score de 73 points lui a permis de s’installer au cinquième rang avant les deux derniers essais.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Elizabeth Hosking avait terminé au 19rang à PyeongChang.

Elle a fait encore mieux à sa deuxième descente (79,25), sa meilleure à vie, exactement ce qu’elle souhaitait pour ses deuxièmes Jeux olympiques.

Ce ne fut pas le podium espéré – elle s’est classée sixième –, mais cela relève presque de l’anecdote.

Intimidée à sa première expérience à PyeongChang (19e), où l’adolescente de 16 ans était la plus jeune représentante de toute la délégation canadienne, elle a cette fois eu le sentiment d’appartenir à l’élite de sa discipline. Même l’Américaine Chloe Kim, médaillée d’or pour la deuxième fois et immense vedette de son sport, lui avait témoigné son admiration après les qualifications de la veille.

« J’admets que j’étais quand même très nerveuse au début de la compétition », a confié l’athlète de 20 ans au moment où Kim s’exécutait une dernière fois sous le soleil de Zhangjiakou.

« Je voulais être capable d’atterrir ma descente avec le 1080. De l’atterrir une deuxième fois et même d’améliorer mon score, c’est vraiment juste incroyable. »

Hosking a terminé à 9 points de la médaillée de bronze, la Japonaise Sena Tomita. L’Espagnole Queralt Castellet, aînée de cette finale à 32 ans, a gagné l’argent grâce à un deuxième essai fantastique.

« Je voulais le podium, mais j’ai fait tout ce que je pouvais, s’est félicitée la Québécoise. Je le veux encore. Je pense que ça a même allumé une petite flamme en moi. Je ne suis pas près de terminer, je veux des podiums, je veux revenir aux Jeux olympiques et avoir une médaille. »

Brooke Dhondt, l’autre Canadienne en finale, s’est elle aussi distinguée avec une 10e place. Âgée de 16 ans, l’Albertaine est la plus jeune membre de toute l’équipe canadienne à Pékin, comme Hosking quatre ans plus tôt.

Deux « amies » célèbres

La native de Longueuil a vécu une semaine éprouvante au parc à neige Genting. Son entraîneur a d’abord été placé en isolement pendant quelques jours après avoir été un contact rapproché d’un cas positif de COVID-19. Ses entraînements sont loin de s’être déroulés comme elle le souhaitait.

Après une chute à son premier saut en qualifications, Hosking s’est reprise de façon spectaculaire à sa descente ultime. Cela lui a valu les félicitations de Kim, impressionnée par la « force mentale » de sa rivale canadienne.

« Cette fille-là est incroyable, même comme personne », a dit Hosking au sujet de la Californienne d’origine coréenne. « Je ne sais pas si on est amies, c’est à elle de le dire, mais je l’admire beaucoup et je suis heureuse d’être dans une demi-lune avec elle. »

Chose certaine, Hosking a une autre amie maintenant célèbre : Ailing Eileen Gu, médaillée d’or du grand saut en ski acrobatique. La Chinoise d’origine américaine est venue assister à la finale de la planche à neige, avant son entraînement en descente acrobatique, où elle figure comme favorite pour l’or le 14 février (comme en demi-lune le 18 février). Elle a fait une chaleureuse accolade à Kim, une amie.

Un peu plus tard, Hosking a salué Gu quand elle est passée en ski, suivie de près par son entourage. Elles se sont rencontrées lors d’un souper à Saas-Fee, où les deux s’entraînaient en octobre.

Une aventure humaine

L’entraîneur Brian Smith n’avait que deux mots pour qualifier la prestation de sa protégée en Chine : « mission accomplie ».

« Il y a eu un déclic, s’est-il réjoui. Comme entraîneur, on souhaite que ça se fasse. Peu importe ce que je lui fais comme discours de motivation, ce que j’essaie de lui dire : ah non, c’est correct, respire. Ce sont des mots. Mais à un moment donné, il faut que ça se fasse à l’interne. Elle doit prendre la décision elle-même de contrôler tous ces facteurs. »

« Comme on peut voir, elle l’a démontré non seulement à elle, mais à moi et à toute la planète. »

Encore plus important, Hosking a vécu une aventure humaine pendant sa quinzaine. Smith et sa femme Catherine Parent, qui est aussi sa gérante, sont ses entraîneurs depuis qu’elle a 10 ans. Elle fait en quelque sorte partie de la famille.

Mardi, elle a demandé à Smith de lui trouver un crayon Sharpie gris. Il pensait qu’elle voulait inscrire un mot sur sa planche de fabrication québécoise (Utopie MFG). C’est finalement à l’intérieur de l’une de ses mitaines qu’elle a écrit ceci : « For little Parent-Smith ».

Elle l’a dévoilée à la caméra après sa première descente des qualifications. Le mot s’adressait au deuxième enfant à venir du couple en juin.

Après l’avoir flashé à la caméra pour Parent, elle l’a montré à Smith pour la première fois à la fin d’une entrevue avec La Presse à l’issue des qualifications. Les deux se sont tombés dans les bras dans la zone mixte, les yeux mouillés.

« Es-tu sérieuse ? lui a dit le coach. Sais-tu à quel point tu es un bon être humain, de penser à d’autres gens dans un moment comme aujourd’hui ? Tu ne penses pas pantoute à toi, tu penses à ta famille ? À 20 ans, c’est hallucinant. »

« Ça m’a touché énormément parce que je sais à quel point elle est importante dans ma vie, a ajouté Smith à La Presse. J’ai vu à quel point moi aussi, j’étais important dans sa vie. »

« Marraine de cœur » du futur bébé, Hosking a été impliquée dès le début. « On voulait lui amener de la douceur avant les Jeux, a expliqué Smith. Lui donner quelque chose à espérer même après les Jeux olympiques. Que ce ne soit pas juste : les Jeux se terminent, ta vie se termine. »

Mardi, Catherine Parent, qui est restée au Québec, a passé une échographie. Il paraît que le bébé faisait un « high five » sur la photo. La technicienne a réussi à déterminer le sexe, mais ne l’a pas dévoilé à la mère.

Elle a déposé la réponse dans une enveloppe. Ce sera Elizabeth qui l’ouvrira à son retour au pays pour annoncer la nouvelle aux parents.

« On voulait lui montrer que la vie peut être douce, qu’il peut y avoir beaucoup de bonheur, beaucoup de plaisir autre que juste ça, a dit Smith en pointant la demi-lune. Ça aide à mettre les choses en perspective. »