(Zhangjiakou) Il suffit d’accélérer le pas au centre national de ski de fond de Zhangjiakou pour sentir les effets de l’altitude. Imaginez sur le parcours particulièrement pentu.

La Suédoise Mahja Dahlqvist, médaillée d’argent au sprint individuel en style libre mardi soir (heure locale), en a payé le prix. « J’ai vomi cinq fois après la course », a raconté celle qui a terminé derrière sa compatriote Jonna Sundling, qui s’est montrée à la hauteur de son statut de championne mondiale.

Peut-être inspirées par la Grande Muraille de Chine qui serpente en surplomb, les deux Suédoises ont eu le meilleur sur l’Américaine Jessie Diggins, qui a remporté sa deuxième médaille olympique après l’or au relais sprint à PyeongChang, en 2018. L’athlète du Minnesota, dont la mère est native de Senneterre, a encore éclairé de son sourire cette compétition disputée sous les projecteurs.

« Je veux juste avoir du plaisir, en particulier quand il y a beaucoup de pression, a confié Diggins en conférence de presse. C’est là que je suis à mon mieux, quand je me laisse savourer le moment et que j’essaie d’aller à ma vitesse maximale. Je tentais de me dire : vous savez quoi ? Je suis là, à essayer de faire de mon mieux, c’est la seule chose que je peux contrôler, alors pourquoi ne pas sourire, tu es aux Jeux olympiques ! »

C’est un peu ce que s’est dit Laura Leclair, qui a disputé sa première course aux Jeux à l’âge de 25 ans. Elle s’est classée 58e des qualifications, à plus de 10 secondes de la 30e place qui lui aurait donné accès aux rondes éliminatoires.

« Les vagues auraient été un objectif assez difficile à atteindre, a admis la fondeuse de Chelsea, un peu nerveuse à cette première expérience. Je voulais juste profiter de l’atmosphère et de ma première course aux Jeux olympiques pour pouvoir tout donner et savourer le moment. »

Elle a parlé d’un « objectif de vie », du « summum de [sa] carrière ». Son amie Cendrine Browne, avec qui elle a fondé le mouvement Féminaction destiné aux jeunes fondeuses, a manqué la coupe par moins d’une seconde. Elle s’est classée 35e.

« Je suis vraiment satisfaite de ma course, j’ai bien skié dans le parcours, conformément au plan que je m’étais fait dans ma tête, a confié celle qui avait pris le 20e rang samedi au skiathlon. C’est sûr qu’être à une seconde de me qualifier, ça fait un peu de peine. »

C’est mon meilleur résultat de sprint à vie. Je ne peux pas trop me plaindre.

Cendrine Browne

Quarantième à 1,79 seconde de la 30e place, Olivia Bouffard-Nesbitt, originaire de Morin-Heights, était plus circonspecte.

« Aujourd’hui, il y avait un objectif et c’était d’atteindre le top 30, a tranché la recrue olympique de 29 ans. Ça fait longtemps que j’ai fait un sprint à ce niveau, mais il faut quand même avoir des attentes. [Être] 31e ou 71e, ça ne change pas grand-chose pour moi. Ce n’est pas un top 30. En même temps, je suis fière d’être là. Je pense que j’ai bien skié, il me manquait juste deux secondes sur le parcours. »

Dahria Beatty a été la seule Canadienne à se rendre en quart de finale, où elle a pris le cinquième rang d’une première vague relevée. La Yukonaise, 25e au total, espérait se glisser parmi les quatre premières afin d’être repêchée pour la demi-finale.

« J’ai seulement perdu à la ligne sur la photo d’arrivée, a noté celle qui s’exprime très bien en français. Mais je pense que je me suis bien battue. Mes skis étaient vraiment vites et je suis fière de mon effort. »

Kalebo chauffé par Pellegrino

Chez les hommes, Johannes Hoesflot Klaebo, invisible au skiathon (40e), a été à la hauteur de son statut de favori. Mais le Norvégien en a eu pour son argent avec l’Italien Federico Pellegrino, qu’il avait devancé beaucoup plus facilement à PyeongChang.

Klaebo a évoqué les dernières semaines particulièrement « stressantes », alors qu’une éclosion de COVID-19 a secoué l’équipe en préparation en Italie. Son entraîneur a dû rester à la maison.

PHOTO LINDSEY WASSON, REUTERS

Johannes Hoesflot Klaebo

« On a fait du mieux qu’on a pu pour se préparer, a souligné le prodige de 25 ans, triple médaillé d’or en 2018. Ça a été un peu un bingo pour savoir si on allait se trouver sur la ligne de départ. La pression a été dure à soutenir. C’était presque la même chose à PyeongChang. Je suis donc habitué. On l’a gérée du mieux qu’on a pu. »

Alex Harvey estime que les Norvégiens « paient le prix à ces Jeux pour avoir diminué le nombre de jours passés en altitude » dans le dernier cycle olympique.

« En revanche, les effets de l’altitude sont moins importants en sprint que dans les épreuves de distance, a analysé, de Québec, le retraité. Reste que Klaebo a vraiment dû travailler fort pour gagner l’or. »

À 32 ans, Pellegrino était particulièrement émotif après cette deuxième médaille d’argent olympique de suite. Il connaissait la pire saison de sa carrière après s’être entraîné avec un groupe de l’équipe russe dans la dernière année.

« J’ai commencé à rêver à cette course il y a huit ans. Le rêve s’est construit une étape à la fois. La dernière année a été très difficile. C’est incroyable pour moi d’accomplir cela. »

Pellegrino a chaudement remercié les Russes de l’avoir accueilli avec son compatriote Francesco De Fabiani (35e). Alexander Terentev, du Comité olympique russe, a d’ailleurs remporté le bronze.

Les trois Canadiens éliminés

Sans grande surprise, aucun des trois Canadiens n’a atteint le tableau éliminatoire. L’Ontarien Graham Ritchie, 23 ans, est passé le plus près avec le 34e temps, à six dixièmes du 30e échelon.

Le Sherbrookois Olivier Léveillé, 20 ans seulement, a payé de ses efforts de dimanche au skiathlon, où il avait pris le 31e rang. Il a enregistré le 54e chrono des qualifications.

« Je suis un peu déçu de ma course aujourd’hui. C’était un peu un coup de dé avec le gros skiathlon que j’ai fait dimanche. Je n’ai pas su rebondir comme j’aurais aimé. C’est un parcours super rapide. Les gars super puissants qui n’ont pas fait le 30 km ont eu un avantage. »

Manifestement très déçu de sa 56e place, Antoine Cyr ne s’est même pas arrêté devant les journalistes. Il avait retrouvé son calme quand il s’est entretenu au téléphone avec son entraîneur Louis Bouchard peu de temps après être passé en trombe dans la zone mixte.

« Il a réagi sur le coup parce que c’est un compétiteur, l’a défendu Bouchard, de Saint-Ferréol-les-Neiges. Il s’attendait à mieux. Antoine est plus un sprinteur qu’Olivier, mais il n’est encore jamais passé dans le top 30 en Coupe du monde. Il est passé très proche à plusieurs reprises. »

L’entraîneur estime que son protégé « a frappé un mur à cause de l’altitude » pendant le skiathlon où il a abouti au 42e échelon. « Il a sauté durant la course. Il est allé profondément et ça a été difficile de récupérer de ça. »

Certaines parties du parcours de Zhangjiakou sont situées à plus de 1700 m au-dessus du niveau de la mer. Quand bien même les Canadiens ont effectué un stage dans ces zones en Colombie-Britannique, les effets sont variables d’un athlète à l’autre, a noté Bouchard.

« C’est vraiment difficile de prévoir comment ton corps va réagir. Parfois, ça peut être complètement différent sur une période de 12 ou 24 heures. Tu dois y croire, et Antoine se concentre déjà sur le 15 km classique [de vendredi]. »

Le 10 km classique féminin, auquel prendra part Cendrine Browne, est programmé jeudi à 15 h (heure locale).