(Los Angeles) Personne n’incarne mieux la planche à neige que Shaun White : l’Américain, en quête d’un quatrième sacre aux Jeux de Pékin avant de prendre sa retraite, possède non seulement le plus beau palmarès de son sport, mais en demeure à 35 ans la superstar, versant business comme rock’n roll.

Médaillé d’or à Turin-2006, Vancouver-2010 et PyeongChang-2018, celui qu’on surnomme « Red Zeppelin » pour sa chevelure rousse, aux boucles longtemps comparables à celle de Robert Plant-voix haut perchée de Led Zeppelin-jusqu’à ce qu’il les coupe, a annoncé samedi que cette cinquième sortie olympique serait sa dernière.

Pour les spécialistes des sports extrêmes, les JO revêtent cependant moins d’importance que les Winter X Games, où White a décroché 13 médailles d’or. Personne n’a fait mieux depuis.

À son palmarès également deux autres victoires aux Summer X Games. Oui. Aux X Games d’été. Car non content de briller à 1080 ° au-dessus de la neige, Shaun White excelle aussi en skateboard sur le bitume. Il est en effet le premier sportif à avoir participé et gagné lors des deux évènements.

Vivre, rêver, s’envoler, virevolter sur une planche, avec ou sans roulettes, n’a pourtant pas tenu à grand chose pour cet originaire de San Diego, ville californienne plutôt férue de surf, la passion de son père Roger, employé au service des eaux de San Clemente (Californie), qui a choisi le prénom de son fils en hommage au Sud-Africain Shaun Tomson, star des vagues dans les années 1970.

Malformation cardiaque

Cadet de quatre enfants, White est né le 3 septembre 1986 avec une tétralogie de Fallot, une rare malformation cardiaque congénitale qui a nécessité deux opérations à cœur ouvert avant l’âge d’un an et une troisième plus tard.

Pas de quoi l’empêcher de goûter aux sensations fortes, puisqu’il monte sur son premier snowboard à six ans, encouragé par ses parents.

« Ils ne m’ont imposé aucune limite. J’ai foncé pour réaliser mon rêve, sans me soucier de rien », résume-t-il en 2017 dans l’émission Jimmy Kimmel Live, au cours de laquelle il rassure l’animateur qui venait d’apprendre que son fils était atteint de la même maladie.

Très vite, Shaun White se distingue, puisqu’il n’a que sept ans lorsque la marque Oakley devient son premier sponsor. De nombreux partenariats lucratifs se succéderont, au point que ses revenus nets sont aujourd’hui estimés à 60 millions de dollars.

Car le jeune phénomène, qui a participé à 13 ans à ses premiers Winter X Games, a tenu ses promesses, se forgeant un palmarès inégalé, de la première de ses treize médailles d’or glanée trois ans plus tard à Aspen, la Mecque des sports extrêmes, jusqu’à son troisième sacre olympique à 31 ans, en passant par ses quatre victoires dans des épreuves de Coupe du monde.

Sa domination quasi-permanente pendant quinze ans est aussi marquée par ce score parfait de 100 points obtenu en 2012, aux X Games de Tignes.

62 points de suture

« Bankable », il s’invite au cinéma (Sexe entre amis en 2011), participe à diverses émissions télévisées, prête son nom et son image à une licence de jeux vidéo.  

Mais ce qui lui procure presque autant de frissons que la planche à neige, c’est la guitare électrique. Il sort un album avec le groupe Bad Things, se produit au festival Lollapalooza… Une embardée rock ternie par une plainte pour harcèlement sexuel dont il fait l’objet en 2016, de la part de la batteuse du groupe. Un accord financier est finalement conclu.

White ne traverse pas sa meilleure période, d’autant que sportivement il n’est plus le meilleur, depuis son faux pas en 2014 aux Jeux de Sotchi (4e). Il confiera d’ailleurs ne s’être « jamais remis » de cet échec, expliquant « c’est comme tomber d’un vélo, vous avez des cicatrices qui restent ».

Des cicatrices, il s’en occasionne littéralement au visage en octobre 2017, après une chute très lourde face contre le rebord d’une demi-lune à l’entraînement, qui nécessite la pose de 62 points de suture. Mais il en faut plus pour que White renonce à sa passion, puisqu’il est couronné quatre mois plus tard à PyeongChang.

Et ce n’est pas la COVID-19, contracté en décembre dernier, qui allait le priver d’un ultime défi à Pékin. Car, dit-il, si « certains attachent un snowboard à leurs pieds, très peu l’attachent à leur âme ».