(Pékin) On circule dans Pékin un peu comme au zoo sauvage de Saint-Félicien, où les animaux sont dans la nature et les spectateurs, enfermés. Sauf que c’est nous, les orignaux.

La ville est là, de l’autre côté de la vitre, qui nous regarde, pendant qu’on nous conduit en troupeau sur les sites.

L’hôtel est notre pacage. On l’a entouré de clôtures métalliques, avec double cadenas. Le bus arrive, les employés ouvrent les cadenas. Font glisser la porte. Pendant que le bus se gare dans l’entrée, ils referment la porte, remettent les cadenas. Nous montons à bord. Ils redécadenassent, rouvrent encore la clôture.

Personne, jamais, ne sort d’ici autrement, sauf en taxi tout aussi scellé, et trois semaines ne suffiront pas à creuser un tunnel vers la vie pékinoise.

Même les correspondants qui habitent à Pékin, les journalistes et employés chinois qui pourraient venir en métro doivent habiter dans un hôtel clôturé de la bulle.

Un joli parc, grande esplanade en face du centre des médias, est accessible, pour nous donner quelques mètres carrés d’espace et une impression de liberté de mouvement.

On peut y apercevoir une seule espèce d’oiseau : la pie bavarde, réputée supérieurement intelligente. Mais soit à cause de l’hiver, soit à cause du climat politique, soit par pur esprit de contradiction, elle n’est pas bavarde du tout et se tait obstinément.

Elle se pose sur une branche, nous observe d’un œil torve et, pas stupide, s’envole au-delà des clôtures, fureter dans la cité interdite, nous laissant, jaloux, dans notre cage olympique.