(Pékin) La neige n’était pas encore retombée après une super finale spectaculaire en bosses et Mikaël Kingsbury faisait déjà face à des questions concernant son avenir.

Dans un sport aussi exigeant pour le corps que les bosses, il est rare qu’un athlète connaisse une longue carrière et qu’il demeure au sommet de la hiérarchie vers la fin de celle-ci. Après avoir gagné l’argent à l’âge de 29 ans aux Jeux olympiques de Pékin, Kingsbury peut-il réellement espérer pouvoir retourner au sommet du podium dans quatre ans aux Jeux olympiques de Milan et Cortina d’Ampezzo ?

« J’ai toujours la passion pour mon sport, la motivation de performer. Chaque fois que je suis dans le portillon de départ, je suis prêt à tout pour gagner », a dit Kingsbury en visioconférence, un peu plus de 12 heures après avoir été battu par le Suédois Walter Wallberg dans sa tentative de défendre son titre olympique acquis en 2018 à PyeongChang.

J’adore ce que je fais. C’est certain que je ne rajeunis pas, mais j’ai une superbe équipe autour de moi qui va m’aider à être capable de performer jusqu’à 33 ans si je me rends jusqu’en 2026. Mais j’y vais un an à la fois.

Mikaël Kingsbury

Visiblement fatigué, Kingsbury disait ne rien regretter de sa descente en super finale.

Le préparateur mental de Kingsbury, Jean-François Ménard, a tenu à rappeler lors d’un entretien avec La Presse Canadienne que le bosseur québécois avait brillamment exécuté la descente prévue.

« Il faut faire attention. S’il avait sous-performé, fait des erreurs et qu’il avait terminé deuxième, ce serait un scénario différent, a souligné Ménard, également auteur du bestseller L’olympien au bureau. Mais avec la performance qu’il a offerte, c’est une médaille pleinement méritée. »

Ménard a souligné qu’il était normal que Kingsbury soit déçu de ne pas avoir gagné l’or. Il a toutefois ajouté que Kingsbury ressentait aussi beaucoup de fierté après être devenu le premier homme à gagner trois médailles olympiques en bosses. La Norvégienne Kari Traa a accompli l’exploit du côté féminin.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une source de motivation

Kingsbury était âgé de 25 ans quand il a triomphé à PyeongChang. Depuis l’ajout des bosses au programme olympique en 1992, l’âge moyen du vainqueur est de 23 ans, mais seulement Janne Lahtela (27 ans en 2002), Alexandre Bilodeau (26 ans en 2014) et Kingsbury étaient âgés de plus de 22 ans quand ils ont remporté l’or olympique.

Jean-Luc Brassard, champion olympique en 1994, a mis un terme à sa carrière à l’âge de 30 ans, tandis que Bilodeau a accroché ses skis à l’âge de 26 ans, quelques semaines après être devenu le premier et seul skieur à avoir défendu avec succès son titre olympique en bosses en 2014.

« La santé sera la chose la plus importante », a admis Kingsbury, qui a 101 podiums à son palmarès en Coupe du monde, dont 71 victoires.

En vieillissant, il faut être intelligent avec son volume, sa manière de faire les choses.

Mikaël Kingsbury

De son côté, Ménard, qui travaille avec Kingsbury depuis sept ans, a souligné que le résultat aux Jeux de Pékin pourrait servir de motivation à Kingsbury. Il a d’ailleurs raconté que Kingsbury avait mis les bouchées doubles après une troisième place surprise aux Championnats mondiaux de ski acrobatique en Espagne en 2017.

« Il était tellement dérangé par le résultat. Le kid a de l’orgueil », a affirmé Ménard.

« Il est tellement obsédé à vouloir comprendre ce que ça prend pour s’améliorer, a-t-il ajouté au sujet de son protégé. Il est tellement curieux. Tant que ça va l’allumer, il va continuer. Il aime son style de vie et il est encore dominant. »

Célébrer en famille

Après ce qui a probablement été une courte nuit de sommeil, Kingsbury a admis qu’il avait bien hâte de rentrer au Québec afin de revoir sa famille et de célébrer sa médaille d’argent.

Voulant à tout prix éviter d’être privé d’une participation aux Jeux de Pékin en raison d’un contrôle positif à la COVID-19, le skieur acrobatique de Deux-Montagnes s’était créé une petite bulle très étanche au cours des dernières semaines.

« Je m’ennuie de tout le monde. J’ai hâte de rentrer à la maison, a dit Kingsbury. J’ai fait beaucoup de sacrifices au cours des derniers mois pour me rendre ici en santé, pour être certain d’être négatif à tous les tests. J’ai hâte de pouvoir montrer la médaille que je vais recevoir ce soir [dimanche soir].

« J’avais écrit leur nom [des membres de sa famille] sur mon casque. Je voulais qu’ils soient avec moi de cette manière puisqu’ils ne pouvaient pas venir à Pékin. C’était spécial de leur parler après la compétition. Ils sont fiers de ce que j’ai accompli. »

Ménard a souligné que Kingsbury était un « gars de famille » et qu’il aura besoin d’un peu de temps pour remettre les choses en perspective à la fin de la saison avant de recommencer à regarder devant. Il est toutefois clair dans son esprit que Kingsbury a démontré aux Jeux de Pékin qu’il était toujours l’homme à battre en bosses, même s’il n’était pas celui qui était monté sur la plus haute marche du podium.

« Depuis notre arrivée en Chine, il a fait ça comme un pro, a affirmé celui qui travaille aussi notamment avec Maxence Parrot, Éliot Grondin et Valérie Maltais aux Jeux de Pékin. Je l’ai rarement vu aussi à son affaire, concentré et discipliné. Il avait un plan tous les jours pour bien gérer son énergie.

« Je peux dire qu’avec ce que j’ai témoigné de Mikaël dans les derniers mois et ici à Pékin, pour moi, c’est encore lui le meilleur, et de loin. […] Ce qu’il a accompli au cours des dernières années démontre qu’il a encore du gaz dans le réservoir. »

Mais si c’était le chant du cygne pour Kingsbury aux Olympiques, le « King des bosses » aura malgré tout ajouté une autre page d’histoire à sa légende.