(Zhangjiakou) « Où se trouve la piste de ski de fond ? » Le chauffeur d’autobus ne comprend rien. Les deux bénévoles, croisés dans la rue, hésitent. Seul 1 % de la population chinoise maîtrise assez bien l’anglais pour tenir une conversation et ça se voit (et s’entend) aux Jeux.

« Avez-vous du sel et du poivre ? » « Je cherche le centre de presse. » « Dans combien de temps la prochaine navette ? » Même aux questions les plus simples, la plupart des bénévoles dans les montagnes de Zhangjiakou n’arrivent pas à répondre aux questions des athlètes, des équipes sportives et des journalistes.

La solution ? Les Chinois et les étrangers communiquent le plus souvent avec… leur téléphone. Ils écrivent leurs questions dans une application de traduction et présentent le texte à leurs interlocuteurs. Certains bénévoles demandent aussi aux visiteurs de dicter leurs questions à leur appareil afin d’en obtenir la signification en mandarin.

Au kiosque des cartes SIM des Jeux olympiques, des cartes qui donnent accès à l’internet sans censure, une employée détonne. Elle parle un anglais impeccable.

On lui demande si elle peut accorder une entrevue à un média franco-canadien concernant les Chinois et la langue anglaise.

« Oh, no, no, no. Je dois demander à mon supérieur », répond la femme protégée par un masque, une visière et une fenêtre de plexiglas.

Devant notre insistance, elle entreprend de demander une autorisation à son patron. Cinq minutes passent. Puis dix. L’espoir d’obtenir une entrevue se dissipe. Puis, la femme avec sa veste aux couleurs des Jeux olympiques sort de son kiosque, s’approche et dit avec des yeux souriants : « Je peux répondre à vos questions. »

Shen Yuxi parle l’anglais le plus clair de toute la vallée de Zhangjiakou. « Je fais actuellement une majeure en langue anglaise », explique celle qui étudie à l’Université d’études étrangères de Pékin.

« J’ai commencé à m’intéresser à l’anglais à un très jeune âge. Quand j’étais petite, ma mère me faisait écouter de la musique en anglais. On regardait aussi les nouvelles en anglais », raconte la femme de 24 ans qui obtiendra son diplôme dans deux ans.

La toute menue Shen Yuxi explique que l’enseignement de l’anglais est meilleur dans les grandes villes que dans les régions rurales. Aussi, les parents des milieux urbains accordent une plus grande importance à l’apprentissage de la langue de Shakespeare pour leurs enfants, soutient-elle.

PHOTO ÉMILIE BILODEAU, LA PRESSE

Zhu Anqi parle un anglais approximatif.

Sa collègue Zhu (on prononce Ju) Anqi parle un anglais plus approximatif. Depuis qu’elle a terminé son cours en commerce, il y a huit ans, elle a peu d’occasions de pratiquer la langue à part avec un ami américain.

« Quand moi j’allais à la maternelle, on n’apprenait pas l’anglais. Mais maintenant, on initie déjà les enfants à la langue », explique la femme de 29 ans. « Maintenant, les enfants apprennent l’anglais beaucoup plus tôt. »

L’anglais est enseigné à partir de la troisième année du primaire en Chine, mais de plus en plus d’écoles commencent les cours plus tôt.

« Je pense que les gens réalisent que c’est nécessaire d’apprendre l’anglais, poursuit-elle. Nous avons besoin de communiquer avec les autres. »

L’anglais en progression

L’anglais semble en effet gagner du terrain en Chine. Education First (EF), une entreprise d’écoles de langues, publie depuis 2011 un classement d’une centaine de pays, selon leur « indice de compétence en anglais ». Les compétences de la Chine sont passées de « faibles » à « modérées » entre 2018 et 2019.

L’entreprise suédoise estimait d’ailleurs, en 2018, que la demande pour les cours particuliers d’anglais était en augmentation de 22 % par année, en Chine. « La transition de la Chine d’une économie manufacturière à une économie basée sur la connaissance nécessite davantage de personnes ayant de solides compétences en communication en anglais », expliquait EF.

Or, l’été dernier, le gouvernement chinois a interdit les leçons privées pour les enfants. Pas seulement celles d’anglais, mais aussi de mathématiques et de chinois.

L’objectif de cette loi est notamment de réduire le stress chez les élèves, mais surtout, d’offrir un accès plus égal à l’éducation. Parce que seuls les parents les plus aisés sont en mesure de payer des cours particuliers à leurs enfants et, ainsi, leur donner de meilleures chances d’accéder à des études supérieures.