Après Alex Harvey, le déluge ? Quatre recrues olympiques chercheront à démontrer le contraire aux Jeux de Pékin.

(Zhangjiakou) Antoine Cyr a un allié de taille pour ses premiers Jeux olympiques. Presque chaque jour, il échange avec Alex Harvey pour lui faire part de ses impressions sur les parcours du centre national de ski de fond de Zhangjiakou, qui s’annoncent très sélectifs.

« Même Alex est un peu fébrile pour nous », a témoigné Cyr, 23 ans, en marge d’une séance d’entraînement, mercredi matin.

« Alex a été une idole pendant longtemps. Il a ensuite été un coéquipier et un mentor. Maintenant, je pense que je peux dire que c’est un ami et un mentor. Je l’utilise à toutes les occasions. On se texte beaucoup. On parlait des parcours tantôt. Il les connaît. Je lui ai envoyé des photos. On en a parlé un peu. »

Que lui a conseillé l’ancien champion du monde ? « Ça, je ne peux pas en discuter… Non, non, je te niaise ! »

Harvey l’a invité à moduler son effort sur un circuit pentu comme celui-là. « Aussi, il a tellement couru contre Bolshunov, Iivo Niskanen, Cologna. Il connaît leur façon de skier. Je me sers de ça, je pose des questions, j’essaie de savoir leur stratégie un peu à l’avance. »

À la retraite d’Harvey en 2019, plusieurs observateurs s’inquiétaient de l’avenir immédiat du ski de fond canadien. À commencer par l’entraîneur Louis Bouchard, qui s’attendait à quelques années de vaches maigres après le départ de son protégé.

Force est de constater que de bien belles choses se sont passées depuis.

Rémi Drolet, par exemple, a disputé sa première Coupe du monde à Québec au moment où Harvey faisait ses adieux, en mars 2019. Un an plus tard, le natif de Rossland, en Colombie-Britannique, a terminé 4e du 30 km aux Championnats du monde juniors en plus de contribuer à une médaille d’argent historique pour le Canada au relais.

À 21 ans, ce fils de parents québécois participera à ses premiers Jeux. « Il est trop tôt dans ma carrière pour essayer de gagner des médailles ou des trucs comme ça », a prévenu Drolet mercredi.

J’aimerais savoir que je suis d’un bon niveau et que je suis capable de me mesurer aux meilleurs skieurs dans le monde.

Rémi Drolet

Étudiant en mathématiques et en physique à Harvard, Drolet a pris une pause d’un an afin de tenter sa chance pour Pékin. Protégé de Dave Wood, qui a entraîné les médaillées olympiques Beckie Scott et Sara Renner, il considère Harvey comme un modèle.

« Il est certainement inspirant. Une fois que quelqu’un l’a fait, ça aide beaucoup parce que tu vois que ce n’est pas impossible et que tu pourrais peut-être atteindre ce niveau-là un jour si tu continues de travailler. »

Drolet cible particulièrement le 15 km classique du 11 février. De façon générale, « un top 10 serait vraiment incroyable ».

« Croire en ses chances »

Olivier Léveillé accompagnait Drolet lors du relais médaillé d’argent de 2020. Un an plus tard, il a réalisé un véritable coup d’éclat en remportant le bronze au 10 km style libre. Il est ainsi devenu le premier médaillé canadien à des Mondiaux juniors depuis Alex Harvey, qui a réussi le coup trois fois.

Lui aussi s’inspire d’Harvey, qu’il croise à l’occasion sur les pistes du mont Sainte-Anne.

« Dans les sports comme le ski de fond, où le Canada n’est pas dominant, le plus grand défi est de croire en ses chances, a fait remarquer Léveillé, également une recrue olympique. D’avoir quelqu’un qui l’a fait avant nous, ça permet d’y croire encore plus. De confirmer qu’il y en a qui y sont arrivés et que nous aussi, on peut le faire. »

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Les athlètes à l’entraînement

Pensionnaire du Centre national d’entraînement Pierre Harvey (CNEPH) depuis 2019, Léveillé, originaire de Sherbrooke, est un bénéficiaire direct de l’héritage d’Alex.

« La structure a été implantée en grande partie grâce à lui. C’est d’un très haut niveau. Les traces de son passage nous aident au quotidien. »

Trentième du 15 km classique et dix-septième de la poursuite à la Coupe du monde de Ruka, en début de saison, Léveillé aimerait rééditer l’exploit à Pékin.

« Je ne dois pas perdre de vue que je suis jeune. À 20 ans, je serai l’un des plus jeunes sur la ligne de départ ici. Peu importe si ça va bien ou mal, je ne dois pas oublier que j’ai plusieurs années devant moi. […] C’est certain que de me situer dans le top 30, ce serait incroyable. Ce serait mon objectif ambitieux, mais réaliste. »

Mon objectif le plus fou, ce serait un top 20, comme j’ai fait à Ruka.

Olivier Léveillé

À l’instar de Léveillé, Cyr s’est distingué en Finlande, assurant sa qualification pour Pékin avec une brillante 11place au 15 km classique et une 12position, le lendemain, à la poursuite de 15 km.

Déçu de ne pas avoir pu prendre part au Tour de ski, qui « aurait été la préparation ultime », Cyr estime avoir profité d’un dernier stage à Silver Star, en Colombie-Britannique, où l’altitude est comparable à celle du centre de Zhangjiakou (1650 m). « À part pour le froid et le vent ici, on retrouvait les mêmes conditions. »

Le Gatinois cible spécialement le 15 km classique, le skiathlon de 30 km et le relais sprint, épreuve où il a fini septième aux derniers Mondiaux avec Graham Ritchie, 23 ans lui aussi et quatrième recrue olympique de l’équipe masculine à Pékin.

« J’ai un objectif de performance en tête. Pour ma préparation mentale, je ne l’ai pas dit encore, je le garde pour moi. Je te tiendrai au courant pour te faire savoir si j’ai réussi ou pas ! »

« All in »

De Saint-Ferréol-les-Neiges, un téléspectateur intéressé suivra assurément les courses. Alex Harvey, qui a participé à ses premiers Jeux à Whistler à 21 ans, est le premier à applaudir la relève.

« À mes dernières saisons d’entraînement, je côtoyais les jeunes lorsque j’étais au mont Saint-Anne et je sais qu’ils sont vraiment all in pour le sport, a témoigné Harvey dans un courriel. Je ne suis pas surpris de leur progression parce que je sais que les athlètes qui sont avec Louis au CNEPH bénéficient des mêmes philosophie et structure d’entraînement et de la même infrastructure de services que les miennes à l’époque.

« Après, c’est clair que je suis impressionné de voir la rapidité avec laquelle ils ont atteint le niveau du top 12 mondial. Dans un sport comme le ski de fond, rien n’est magique ; des résultats comme ceux que les jeunes ont eus en début de saison sont simplement la suite logique de leurs efforts et de l’infrastructure qui les appuie. »