Mary-Sophie Harvey en sera déjà à ses troisièmes Essais olympiques à partir de samedi à Toronto.

La première fois, en 2012, elle était la plus jeune nageuse de la compétition. Elle avait 12 ans. Elle se souvient de l’ambiance électrisante à la piscine olympique de Montréal pendant les finales. « Wow, je veux faire ça un jour ! s’était-elle dit. Ça m’a donné la piqûre. »

Quatre ans plus tard, malgré ses 16 ans seulement, elle faisait partie des favorites au 200 mètres quatre nages à Toronto. Classée deuxième, elle avait raté la finale par un rang.

« Je pense que j’avais encore un peu de misère à gérer toute la pression, analyse-t-elle aujourd’hui. J’avais besoin d’un retour à la réalité : ‟OK, ce n’est pas si facile que ça, il faut vraiment travailler fort. » Ça m’a aidée à grandir. »

Elle avait vu d’anciennes coéquipières des Mondiaux juniors comme Penny Oleksiak et Taylor Ruck se qualifier pour les Jeux de Rio. « J’étais contente pour elles, mais c’est sûr que ça a été dur de les voir partir alors que j’étais un peu “laissée derrière”. »

Son entraîneur de l’époque, Tom Rushton, ne l’avait pas laissée ruminer sa défaite. Au lendemain de la compétition, elle avait repris l’entraînement tandis que ses coéquipiers bénéficiaient d’une semaine de congé.

Aux championnats nationaux d’Edmonton l’été suivant, Harvey avait vu Oleksiak et compagnie mettre le feu à la piscine de Rio. Avec le décalage horaire, les finales olympiques étaient diffusées sur écran géant en Alberta. « C’était vraiment beau à voir, mais il y avait un petit pincement. J’aurais aimé être avec eux. »

Son souhait s’est réalisé l’été suivant aux Championnats du monde de Budapest, où elle a atteint les demi-finales au 200 m libre.

« Tellement de changements »

N’empêche, le dernier cycle olympique a été truffé de hauts et de bas pour la native de Trois-Rivières : démantèlement de sa structure d’entraînement à Montréal ; exil en Turquie pour suivre Rushton au club professionnel Energy Standard ; blessures aux épaules ; pause de quelques mois ; transfert de club ; participation au circuit professionnel International Swimming League (ISL).

« Il y a tellement eu de changements. Chaque embûche, chaque victoire, chaque défaite m’ont fait grandir. En ce moment, je suis assez sereine face aux Essais, ce qui n’est pas dans mes habitudes. J’ai appris durant ces cinq ans et je sais ce que j’ai à faire. Le travail est fait et il ne me reste plus qu’à m’amuser et à enfin pouvoir reprendre la compétition. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Mary-Sophie Harvey a connu des hauts et des bas lors du dernier cycle olympique.

Les Jeux de Tokyo représentent la prochaine étape logique pour l’athlète de 21 ans.

Comme d’habitude, Harvey vise large à Toronto. Au total, elle est inscrite à six épreuves, à commencer par le 100 m dos samedi, une nouvelle distance qui l’emballe. Grâce à ses coulées dynamiques, elle s’est découvert un intérêt pour le sprint au dos durant les compétitions de l’ISL.

« J’ai assez confiance [pour cette épreuve] même si je ne m’entraînais aucunement pour ça l’an dernier. On l’a intégrée à ma routine et j’aime vraiment ça. »

Elle est consciente que les deux places disponibles seront chèrement gagnées. La double championne mondiale Kylie Masse partira favorite, mais quatre autres concurrentes ont déjà réalisé le standard A de la FINA, dont Taylor Ruck et Margaret MacNeil.

« Ce sera une course serrée, mais j’ai hâte de voir ce que ça va donner. Je vais avoir du plaisir et cette première épreuve va un peu mettre la table pour le reste de ma compétition. »

Le 200 m libre et le 200 m QNI sont les deux autres courses qu’elle aborde avec le plus d’ambitions. Le 200 m papillon, dont elle est tenante du titre et où elle devrait retrouver sa coéquipière Katerine Savard, ainsi que les 400 m et 400 m QNI sont les trois autres rendez-vous à son horaire très chargé.

L’œil du coach

Mary-Sophie, ça fait longtemps qu’elle est sur la scène internationale. Tout ce qui lui manque, c’est une participation aux Jeux olympiques. Elle a quand même eu beaucoup de succès à l’ISL. Elle a cet avantage d’avoir nagé sur la scène internationale cette saison. Ce n’est pas le même genre d’athlète que Katerine. Katerine réagit super bien aux entraînements intenses. Avec Mary-Sophie, il faut vraiment doser. Ce n’est pas toujours facile parce que si tu y vas trop intensément physiquement et mentalement, elle crashe. […] Elle est parmi les quatre premières inscrites dans plusieurs épreuves. Elle a une chance chaque jour. Il s’agit de voir comment elle se comportera d’une journée à l’autre. Il faut rester solide jusqu’à la dernière course. Ça se joue souvent là. Je m’attends à ce qu’elle nage bien et qu’elle se batte pour faire sa place.

Claude St-Jean, entraîneur-chef du club CAMO