(Tokyo) Le journal japonais Asahi Shimbun a demandé mercredi l’annulation des Jeux olympiques de Tokyo, moins de deux mois avant le début des compétitions.

Il s’agit du premier grand journal japonais à affirmer son désaccord avec la tenue des Jeux. D’autres médias régionaux ont déjà soutenu qu’ils étaient contre la présentation de l’évènement, au moment où le mouvement d’opposition prend de l’ampleur au Japon.

Cette prise de position pourrait avoir des conséquences pour le journal, puisqu’il est l’un des médias partenaires dans la présentation des Jeux, qui ont été reportés à cette année en raison de la pandémie de COVID-19.

« Nous ne croyons pas qu’il soit rationnel d’accueillir les Olympiques dans la ville cet été » a déclaré le journal dans un éditorial intitulé : « Nous demandons au PM Suga d’annuler les Jeux ».

« La perte de confiance envers le gouvernement national insouciant, le gouvernement de Tokyo et les différentes parties prenantes impliquées dans l’organisation des Jeux ne fait que grandir, a ajouté le journal dans son éditorial.

« Nous demandons au premier ministre (Yoshihide) Suga de prendre en compte les circonstances actuelles et de décider d’annuler l’évènement cet été. »

Asahi a une circulation matinale de 5,16 millions de copies et de 1,55 million pour son édition du soir. Il est le quotidien ayant le deuxième plus haut tirage au monde, derrière Yomiuri Shimbun.

En dépit de cet éditorial, rien ne laisse croire que le Comité international olympique (CIO) ou le comité organisateur local ont l’intention d’annuler les Jeux. Mais l’opposition gagne du terrain au pays, où seule une faible proportion de ses habitants a reçu ses deux doses de vaccin anti-COVID-19.

Le président et chef de la direction du Comité organisateurs des Jeux de Tokyo, Toshiro Muto, a déclaré mercredi avoir pris connaissance de l’éditorial d’Asahi, sans davantage réagir.

Asahi est l’un des quelque 70 commanditaires olympiques nationaux ayant versé près de 3,5 milliards US au budget du comité organisateur. C’est aussi l’un de la demi-douzaine de journaux commanditant l’évènement.

« Il est naturel que différents médias aient une vision différente », a dit Muto, ajoutant que les commanditaires locaux continuent d’offrir leur appui aux JO.

Le Canadien et membre senior du CIO Richard Pound a déclaré à l’agence Jiji Press la semaine dernière que la date limite pour annuler les JO était à la fin de juin.

« Avant la fin de juin, nous devons vraiment savoir si oui ou non, nous allons de l’avant », cite Jiji.

Le British Medical Journal a demandé le mois dernier d’étudier sérieusement la question de la tenue des Jeux. Les autorités médicales locales ont également exprimé des doutes, tandis que le milliardaire Masayoshi Son a suggéré le week-end dernier que le CIO obligeait le Japon à tenir les Olympiques.

« Présentement, plus de 80 % des Japonais veulent que les Olympiques soient reportés ou annulés », a déclaré Son, le fondateur, président et chef de la direction de SoftBank Group, également propriétaire de l’équipe de baseball SoftBank Hawks.

« Qui oblige la tenue (de cet évènement) et de quel droit ? », a-t-il ajouté.

Asahi a aussi critiqué le CIO, le qualifiant de « vertueux », en plus de fustiger son vice-président John Coates. La semaine dernière, Coates s’est fait questionner à savoir si les Jeux auraient lieu même si les villes hôtesses étaient toujours en état d’urgence.

« Absolument, oui », avait-il répondu.

Le quotidien assure qu’il y a un énorme fossé entre les propos de Coates et les sentiments de la population nippone.

« Malgré sa taille et son commercialisme démesurés — en plus de plusieurs autres problèmes —, les Olympiques ont toujours la cote en raison de l’empathie à l’endroit de ses idéaux. […] Quelle est la réalité maintenant ? », a demandé Asahi.

Mardi, le gouvernement japonais a nié que l’avertissement du gouvernement américain à leurs ressortissants d’éviter de se rendre au Japon aurait un impact sur les Jeux.

Le Japon a officiellement dépensé 15,4 milliards US pour organiser les prochains Jeux d’été, tandis que le CIO recevra des milliards de dollars en droits de télédiffusion, qui représentent environ 75 % de ses revenus.

De récents sondages ont estimé qu’entre 60 et 80 % des Japonais préféreraient que les Jeux n’aient pas lieu dans leur pays cet été, en raison de la pandémie de COVID-19.

De plus, les villes de Tokyo et d’Osaka sont toujours en état d’urgence à cause de la recrudescence du nombre de cas de coronavirus. Cet état d’urgence sera probablement prolongé au-delà du 31 mai, date à laquelle il devait initialement prendre fin.

Les organisateurs et le CIO, citant régulièrement l’Organisation mondiale de la santé, disent que les Jeux peuvent être sécuritaires malgré la présence de 15 000 athlètes olympiques et paralympiques s’amenant au Japon, en plus de dizaines de milliers d’officiels, commanditaires, diffuseurs et journalistes.

Les partisans étrangers ont déjà été interdits d’accès et les organisateurs doivent annoncer en juin si quelque partisans que ce soit sera admis sur les sites olympiques.

La journaliste de l’Associated Press Mari Yamaguchi a contribué à cet article.