Au-delà de la quarantaine qui l’a privée de piscine au cours des deux dernières semaines, la plongeuse Jennifer Abel regrette surtout l’absence de compétitions dans la dernière ligne droite avant les Jeux olympiques de Tokyo, qui s’ouvrent dans deux mois.

Au moment où le gouvernement Legault jetait un peu de lest dans les restrictions sanitaires, mardi, Jennifer Abel terminait une quarantaine de deux semaines à la maison. Un pied dans l’ancien monde, l’autre dans le nouveau, du moins celui qui est espéré.

« Les Jeux arrivent, je veux m’entraîner ! », s’est exclamée la plongeuse, le ton badin, au téléphone mardi. « C’est certain que c’est long. En fait, si les Jeux n’étaient pas si près, ce ne serait pas si mal. Tout a l’air amplifié parce que les Jeux arrivent bientôt. Les Essais olympiques aussi. Et je ne peux pas m’entraîner. »

Selon toute vraisemblance, les plongeurs canadiens sont les seuls à avoir dû observer une telle quarantaine à leur retour de la Coupe du monde de Tokyo, présentée au début du mois.

« Ça ne m’angoisse pas vraiment par rapport aux autres, a précisé Abel. C’est vraiment par rapport à moi-même. »

Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai la chance d’avoir de l’équipement à la maison [poids libres, elliptique, tapis roulant] qui me permet de continuer à m’entraîner. Reste que je ne suis pas à la piscine pour perfectionner mes plongeons.

Jennifer Abel

L’athlète de 29 ans a pu repiquer une tête, mercredi, à l’Institut national du sport du Québec, où Plongeon Canada a son centre d’entraînement.

Sans trop se presser et en se donnant de la marge, Abel estime qu’elle aura retrouvé tous ses moyens d’ici quatre semaines, soit à mi-chemin avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques.

« Je risque d’être raquée et de ressentir de petites tensions. Je ne veux pas non plus trop pousser et me blesser. »

Après le confinement de trois mois de l’an dernier, la médaillée de bronze olympique a eu besoin de deux mois pour revenir à son meilleur niveau. Elle sait donc à quoi s’attendre et compose bien avec l’incertitude actuelle.

« Je n’ai pas le choix, non ? J’ai accepté la situation, vraiment. Je me suis dit que ça ne servait à rien de me battre contre ça. Je ne peux pas faire autrement, malheureusement. À Tokyo, je serai à mon mieux avec ce que j’aurai pu avoir. »

Besoin de compétitions

Son principal regret est l’annulation de toutes les compétitions à partir de mars 2020 jusqu’à la Coupe du monde de Tokyo, où elle a gagné l’argent en synchro avec Mélissa Citrini-Beaulieu et fini cinquième au tremplin de 3 m individuel.

PHOTO ISSEI KATO, ARCHIVES REUTERS

Au début du mois de mai, Jennifer Abel (à droite) et sa coéquipière Mélissa Citrini-Beaulieu ont remporté la médaille d’argent lors de l’épreuve synchro au tremplin de 3 m.

Elle a noté que les Américaines, entre autres, avaient bénéficié de la poursuite du très compétitif circuit universitaire de la NCAA. « On voyait qu’il y avait moins de poussière sur leurs épaules que sur les miennes ! »

Après ses deux quatrièmes places crève-cœur aux Jeux de Rio, la Montréalaise a aligné une série de 20 compétitions internationales où elle est montée sur le podium, de 2017 à 2020. La pandémie a donc stoppé net cette lancée qui s’annonçait idéale pour les Jeux de Tokyo.

Je suis une athlète qui a besoin des compétitions pour s’améliorer. Je ne suis pas le genre de plongeuse qui va vraiment s’améliorer dans les pratiques. En un sens, on m’enlève tous mes gadgets !

Jennifer Abel

Pour l’aider à faire face aux « défis » d’une telle interruption, Abel s’est adjoint les services de la psychologue sportive Penny Werthner, l’été dernier. Très réputée, la doyenne de la faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary a travaillé entre autres avec la skieuse Mélanie Turgeon. Elle a aussi accompagné la plongeuse Émilie Heymans avant sa médaille d’argent à la tour aux Jeux de 2008, les premiers d’Abel, qui avait alors 16 ans.

« Pendant sa performance à Pékin, je trouvais qu’Émilie était vraiment solide mentalement. J’avais envie d’avoir cette solidité-là. »

Abel estime avoir expérimenté les bienfaits de sa nouvelle collaboration pendant la Coupe du monde de Tokyo. Après sa médaille d’argent en synchro derrière les Chinoises, elle a raté son troisième plongeon à l’épreuve individuelle. Elle a carrément arrêté son saut d’appel avant de le reprendre. Cette faute lui a coûté une trentaine de points et une chance de se battre pour le podium.

« J’ai été contente de voir que mes quatrième et cinquième plongeons ont été vraiment bons, les meilleurs de tout mon séjour au Japon. Quand j’y repense, ça me motive. Je suis prête à retourner au laboratoire. »

Si seulement elle peut continuer à y avoir accès.

Le « défi » des Essais

En vertu de sa médaille d’argent aux derniers Championnats du monde, Abel sait depuis l’été 2019 qu’elle est qualifiée pour les Jeux de Tokyo au 3 m synchro avec Mélissa Citrini-Beaulieu. Pour l’épreuve individuelle, elle devra vraisemblablement passer par les Essais olympiques prévus à Toronto à la fin de juin. En toute franchise, elle ne raffole pas de ce scénario qui l’obligera à interrompre son entraînement à deux semaines de son départ pour la capitale japonaise. La Rosemontoise y voit une étape dans sa courbe de progression vers les JO. « J’aurais vraiment aimé avoir tout le temps qui me reste à être au Stade ou en camp et vraiment travailler sur les petites choses qui me manquent, a-t-elle exposé. En même temps, je vois ça un peu comme un défi. »