L’haltérophile Kristel Ngarlem n’a pas croisé les judokas depuis au moins trois semaines à l’Institut national du sport (INS) du Québec. Normal, ils étaient partis en compétition au Qatar.

À leur retour, ils ont dû observer une quarantaine à la maison. Après 14 jours cloîtré chez lui, Antoine Valois-Fortier avait très hâte de sortir mercredi. « Il y a de quoi virer fou », avouait le médaillé olympique de 2012 la veille.

Pour s’encourager, il pouvait se comparer aux joueurs de tennis cloués dans leur chambre d’hôtel à Melbourne en prévision des Internationaux d’Australie.

« Je suis quand même à la maison, j’ai une petite cour, je sors prendre l’air cinq minutes. Je ne veux pas dramatiser, mais ça fait un peu prisonnier qui a droit à sa sortie ! C’est assez drôle dans ce sens-là. »

Aussi bien en rire parce que cette quarantaine est très cher payée par rapport au bénéfice qu’il en a tiré. Au Tournoi des maîtres de Doha, Valois-Fortier n’a combattu en tout et pour tout que… 29 secondes. Le temps pour son premier adversaire mongol de procéder à un étranglement qui l’a forcé à l’abandon.

« C’est d’autant plus tranchant quand tu fais cinq tests [de dépistage de la COVID-19] dans la même semaine, que tu t’isoles à l’hôtel à l’arrivée et que tu fais une quarantaine au retour. Tout ça pour 30 secondes de tournoi raté. C’est plus dur à avaler, un peu. Ça fait malheureusement partie de la réalité en ce moment. »

Valois-Fortier attendait le résultat d’un autre test subi mercredi avant de pouvoir réintégrer la bulle de l’INS au Stade olympique. Le lieu et la date de son prochain tournoi sont nébuleux. « Peut-être en Israël dans trois, quatre semaines », a-t-il avancé.

« On n’achètera pas nos billets ! »

Ngarlem, qui devrait donc revoir le judoka dans le gym sous peu, est dans le même flou. Chaque jour, elle actualise le site internet de la Fédération internationale d’haltérophilie pour s’assurer que sa prochaine compétition, les Championnats sud-américains à Cali, sont toujours au calendrier.

D’abord prévu en septembre dernier, l’évènement a été reporté en novembre, puis en décembre, avant d’être reprogrammé du 12 au 16 mars. « On n’achètera pas nos billets la semaine prochaine ! », a pouffé l’haltérophile rosemontoise, mercredi.

Dans le contexte, la périodisation et la planification avec son entraîneur Jean-Patrick Millette sont très complexes. Le duo vise un premier pic de performance aux Championnats panaméricains, agendés du 18 au 25 avril en République dominicaine, et un deuxième aux Jeux olympiques, à la fin de juillet.

L’absence des judokas a fait réfléchir Ngarlem. « Si on part pour la Colombie, je ne pourrai aller à l’INS pendant deux semaines en revenant, a-t-elle calculé. Ça nous amène pratiquement au 1er avril. Deux semaines sans haltérophilie, ce n’est pas dans les normes. Ce n’est vraiment pas idéal pour repartir à la mi-avril avec deux autres semaines de quarantaine au retour. Ça enlève beaucoup de préparation dans l’optique d’aller aux Jeux olympiques cet été. »

Elle pense également aux risques de contracter la COVID-19. À part quelques compétitions virtuelles l’été dernier, elle n’a pas « levé » dans une vraie rencontre depuis la Coupe du monde de Rome, il y aura un an samedi. Troisième au combiné chez les moins de 76 kg, elle avait réalisé un record personnel de 134 kg à l’épaulé-jeté.

Malgré le brouillard actuel, l’athlète de 25 ans parvient à maintenir un bon moral grâce aux installations et aux conditions dont elle bénéficie à l’INS.

Il y a des hauts et des bas, mais ce n’est pas trop mal. C’est l’incertitude qui est plus difficile à gérer. Au niveau de l’entraînement, l’objectif reste le même : me rendre à Tokyo.

Kristel Ngarlem

Meaghan Benfeito, elle, n’a pas plongé en compétition depuis le 29 février 2020 à la Série mondiale de Montréal. En l’absence de l’équipe chinoise, signal de la menace de ce nouveau coronavirus encore méconnu à l’époque, elle avait gagné l’or. Mais un dernier plongeon raté l’avait empêchée de réaliser son dernier standard olympique au 10 m individuel.

Onze mois plus tard, elle croise les doigts pour s’aligner à la Coupe du monde qui doit se dérouler en avril… à Tokyo.

Avec sa coéquipière Caeli McKay, elle tentera de qualifier le Canada à l’épreuve synchro. « On se concentre là-dessus pour le moment à l’entraînement, a expliqué la triple médaillée olympique. Sinon, j’essaie de ne pas penser au reste. C’est un stress de plus. »

La dernière compétition de la canoéiste Laurence Vincent Lapointe remonte au 2 juin 2019 à la Coupe du monde de Duisbourg. Un test antidopage positif, dont elle a été exonérée, lui a valu une suspension provisoire de six mois jusqu’en janvier 2020.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La canoéiste Laurence Vincent Lapointe

Actuellement en stage d’entraînement en Colombie-Britannique, elle se prépare pour des sélections nationales à la mi-mars, même si elle croit qu’elles seront reportées.

Des Championnats panaméricains sont programmés au début d’avril à Curitiba, au Brésil, où plus de 200 000 personnes sont mortes de la COVID-19 et un nouveau variant du virus suscite la crainte. Le président de la confédération panaméricaine de canoë-kayak, João Tomasini Schwertner, a succombé le 17 janvier à la COVID-19 après avoir passé 30 jours aux soins intensifs dans un hôpital de Curitiba.

Rien de rassurant pour la tenue du championnat, où Vincent Lapointe espère qualifier le biplace olympique pour le Canada. Au pire, se dit la multiple médaillée d’or aux Mondiaux, le pays obtiendra une dérogation dans cette épreuve pour Tokyo. En attendant, elle ne sent pas qu’elle a perdu son temps.

« Ça a été une année où j’ai bâti des choses, amélioré ma technique, travaillé sur mes bases, a-t-elle énuméré. Pour aller vite, tu dois comprendre comment tu rames techniquement. Ça faisait un bout que je n’avais pas eu l’occasion de faire ça. »

« Nous livrerons bataille »

Pendant ce temps à Lausanne, le Comité international olympique maintient le cap sur l’organisation des Jeux à Tokyo l’été prochain.

En conférence après une réunion de la commission exécutive mercredi, le président Thomas Bach a affirmé qu’aucun des 7000 évènements organisés par les fédérations internationales dans la dernière année n’avait produit de foyers d’éclosion.

« La question n’est pas de savoir si les Jeux se tiendront, mais comment ils le seront, a-t-il martelé. Nous ne voulons pas détruire le rêve olympique de quiconque. C’est pourquoi nous livrerons bataille pour et comme des athlètes olympiques. »

L’horloge du décompte dans la capitale nipponne est rendue à 176 jours.