Même si la pandémie a bouleversé son quotidien, la nageuse Aurélie Rivard est demeurée concentrée sur ce qu’elle pouvait contrôler. À la veille de ses troisièmes Jeux paralympiques, l’athlète s’élancera dans l’eau les yeux fixés sur un objectif : ses temps de course.

La Presse a rencontré l’athlète par visioconférence avant son départ pour Tokyo. Aurélie Rivard détaille une année de préparation olympique semée d’embûches, en direct d’un camp d’entraînement à Vancouver.

« On est au bout, et je n’en reviens pas encore qu’on soit passé au travers », lance la nageuse de 25 ans, originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu. Au bout d’une préparation olympique pas comme les autres.

« Une des choses que la pandémie m’a forcée à apprendre, c’est de ramener à tout ce que je peux contrôler, c’est-à-dire moi », affirme celle qui a vu ses méthodes d’entraînement bouleversées. « Mes objectifs pour Tokyo ne sont pas basés sur des médailles, ils sont basés sur des temps, parce que c’est la seule chose [sur laquelle] je sais que j’ai le contrôle. »

PHOTO TINO HENSCHEL, FOURNIE PAR NATATION CANADA

Aurélie Rivard

En mars 2020, deux semaines avant les essais olympiques, le Québec annonçait le confinement quasi complet de sa population. L’athlète était alors au sommet de sa forme.

La première semaine, je suis passée par toutes les gammes d’émotions. Les premières journées, on parlait déjà d’un report des Jeux et c’était la pire chose au monde. Une semaine plus tard, c’était la meilleure des nouvelles.

Aurélie Rivard

Aurélie a dû « apprendre à décrocher ». Dépourvue d’équipement d’entraînement, elle a gardé la forme avec ce qu’elle avait sous la main. Elle n’a pas eu accès à une piscine avant juin 2020.

Après des mois hors de l’eau, le retour à la piscine n’a pas été de tout repos. « Je pense que j’ai commencé à bien me sentir en octobre. Pour donner une idée, les dimanches, on est en congé tout le temps, puis le lundi, ça paraît », évoque-t-elle.

Pendant environ un mois et demi, le coach de la nageuse ne pouvait être avec elle sur le bord de la piscine. Un maximum de deux coéquipiers avaient l’autorisation de se trouver avec Aurélie dans la piscine. Conserver sa motivation s’est révélé un immense défi.

Une épée de Damoclès pendait constamment au-dessus de la tête des athlètes : celle d’un reconfinement.

J’essayais d’y aller au jour le jour. De me lever le matin puis de penser que c’était la dernière journée que j’allais avoir accès à la piscine.

Aurélie Rivard

L’arrêt des compétitions a aussi nui au moral de l’athlète. « On a dû changer nos méthodes de validation. D’habitude, ç’aurait été les compétitions, les voyages. Là, il fallait se fier sur nous-mêmes », dit-elle, en soulignant ne pas avoir vu ses rivales depuis deux ans.

Aux Jeux paralympiques de Rio, en 2016, l’athlète a remporté trois médailles d’or et une d’argent. Elle a raflé l’or aux épreuves du 50 mètres libre, du 100 mètres libre et du 400 m libre, ainsi que l’argent au 200 mètres QNI (quatre nages individuelles).

Aurélie Rivard a battu quatre records canadiens lors de ces jeux, faisant d’elle le porte-drapeau du Canada à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Rio.

Pour Tokyo, l’athlète s’est fixé des objectifs de temps pour chacune des épreuves.

Je serais quand même hypocrite de dire que je ne pense pas à mes titres. C’est sûr que je veux défendre mes trois médailles, mais je ne veux pas me concentrer sur la médaille, c’est trop relatif, surtout avec une année de pandémie.

Aurélie Rivard

Après les Jeux paralympiques de Tokyo, Aurélie a l’intention de prendre une pause. Elle ne met pas une croix sur un quatrième cycle olympique, mais ne s’y engage pas non plus.

Un parcours hors de l’ordinaire

Aurélie Rivard ne fait pas partie de celles qui souhaitaient dès le départ devenir une championne paralympienne.

À l’âge de 11 ans, une entraîneuse locale l’a vue nager et l’a initiée au sport de compétition. Un an plus tard, elle proposait à Aurélie de tenter de se qualifier pour les Jeux paralympiques.

La jeune nageuse a adoré. « En juin 2009, je connaissais à peine le sport ; en mars 2010, j’étais rendue au Texas à faire les qualifications pour l’équipe nationale. Ç’a été très vite », résume-t-elle.

La nageuse a participé à ses premiers Jeux paralympiques à Londres en 2012, alors qu’elle était âgée de 16 ans. Elle y a gagné une médaille d’argent.

Elle a été décorée de sept médailles aux Championnats para-pan-pacifiques de Cairns, en 2018. En 2019, elle a raflé cinq médailles aux Championnats du monde de paranatation de Londres, soit deux d’or, une d’argent et deux de bronze.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Les nageurs Valérie Grand’Maison, Benoît Huot et Aurélie Rivard à leur retour des Jeux paralympiques de Londres, en août 2012

En septembre 2020, Aurélie Rivard a été sacrée athlète féminine de l’année au niveau international au 47e gala Sports Québec.

La nageuse a un handicap de la main gauche du nom d’agénésie. C’est-à-dire que sa main ne s’est pas complètement formée dès son stade embryonnaire. Elle a vu un modèle dans le nageur Benoît Huot, qui est aujourd’hui son ami.

En toute humilité, elle croit que la visibilité des Jeux paralympiques constitue un meilleur moyen de se faire connaître, et qu’ainsi, un jeune puisse éventuellement s’identifier à elle.

« Si je peux faire ça pour un jeune, parce que je sais à quel point ça change la donne, ce serait le fun », conclut Aurélie Rivard.