Par un concours de circonstances, j’ai couvert plus de la moitié des médailles canadiennes à Tokyo. À mes 10es Jeux olympiques, cela doit être un sommet personnel. Un gars de CBC m’a « battu », mais il avait un chauffeur, alors ça ne compte pas.

Je n’espère pas une médaille, mais je boirais bien une IPA bien fraîche, ce qui était strictement interdit au restaurant d’où je reviens avec des collègues de Radio-Canada. On a bu de la bière sans alcool. Faut bien se désaltérer quand il fait 30 degrés à 19 h. La sympathique serveuse n’avait pas suivi les JO à la télé, sinon un peu de soccer.

Je suis revenu par les rues commerciales d’Ikebukuro. Seul étranger à travers une nuée de Tokyoïtes masqués qui rentraient à la maison à l’approche du couvre-feu.

Attendez, Alexandre revient du supermarché. Oh que oui ! Il a ramené de l’IPA locale. On peut toujours se fier à notre super « chef de liaison COVID ».

Des médailles, donc, il y en a eu à la pelle pour l’équipe canadienne. Un total inespéré, m’a juré le chef des sports du Comité olympique canadien, Eric Myles. C’était l’autre soir à l’athlétisme. Il était descendu des tribunes pour remettre un drapeau unifolié à Mo Ahmed.

Le médaillé d’argent du 5000 m en avait déjà trouvé un. Même si le Stade olympique était vide, il en faisait le tour avec une joie communicative. Il avait invité son ami Justyn Knight, septième, à l’accompagner. Belle fraternité des coureurs de fond.

Je les ai retrouvés dans les entrailles surchauffées du stade. L’un après l’autre a raconté la bagarre qui s’était déroulée sur la piste. L’Ougandais Joshua Cheptegei, dominant, en avait été l’arbitre. Les deux Canadiens n’ont pas eu froid aux yeux.

Ahmed a expliqué comment il s’était intéressé aux Jeux olympiques : « Oh yeah, man, c’était à Athènes, en 2004. Je devais avoir 10 ou 11 ans. Je regardais Bekele, Hicham El Guerrouj, ces batailles-là. Je voulais faire ça, y’a know what I mean. Et quand je dis faire ça, je veux dire que je voulais courir aussi vite qu’eux. Et monter sur le podium exactement comme eux. Je ne sais pas combien de gens pensaient que je ne pouvais pas y arriver. Mais j’ai toujours cru en moi. »

Rien à enlever à Damian Warner, porte-drapeau méritoire, ou à Andre De Grasse, mais la médaille d’Ahmed est la plus belle du Canada en athlétisme.

La natation, mon dada, a encore produit ses feux d’artifice. Je retiens les deux médailles d’argent de la dossiste Kylie Masse, mais surtout l’or de Maggie Mac Neil au 100 m papillon, elle qui était septième au virage. Deux jeunes femmes brillantes à l’énergie palpable.

Même chose à la gymnastique, où j’ai découvert la grâce et l’aplomb d’Ellie Black. Sur la poutre et devant le micro. Dans mes vieux jours, je pourrai raconter à mes petits-enfants que j’ai vu virevolter Simone Biles au moins une fois. Même diminuée, elle a été à la hauteur de son statut.

PHOTO VINCENT THIAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Antoine Valois-Fortier (en blanc) et le Grec Alexios Ntanatsidis

Le judo a été ma découverte des Jeux. La stratégie, l’épuisement physique, le respect entre adversaires. J’ai eu le privilège de couvrir le tournoi d’Antoine Valois-Fortier, digne héritier de son mentor Nicolas Gill, qui lui a rendu un hommage mérité.

Déçu mais serein après sa défaite au deuxième tour, Valois-Fortier a accueilli Catherine Beauchemin-Pinard, qui venait de passer à la demi-finale. Il l’a prise dans ses bras pour lui dire que sa journée ne faisait que commencer. Une transmission du témoin en direct.

Au plongeon, à part le podium de Jennifer Abel et Mélissa Citrini-Beaulieu en synchro, ce fut déception par-dessus déception.

Le prometteur Cédric Fofana s’est effondré au 3 m. Il a rencontré les médias avec un aplomb remarquable pour un adolescent de 17 ans. En espérant que cette mauvaise expérience ne l’affecte pas trop.

J’ai fini ça au canoë avec Laurence Vincent-Lapointe. Elle a eu chaud – nous aussi – mais elle a quitté le bassin du canal de la Forêt avec deux médailles au cou. Son parcours a été sinueux et parfois brumeux, mais elle ne les a pas volées.

Mention au cycliste Michael Woods et à ses amis Guillaume Boivin et Hugo Houle. Cette brillante cinquième place au circuit de Fuji vaut bien des médailles. Chapeau bas aussi à Lauriane Genest, la surprise québécoise de ces JO.

Le décompte des Jeux de Paris de 2024 est déjà rendu à 1082 jours. Aussi bien dire demain matin. En espérant que ceux-ci ne se déroulent pas encore dans une ville sèche.