« On m’a volé mes Olympiques ! […] J’aimerais dire que j’en reviens, mais je n’en reviens pas. Ça arrive trop souvent, des décisions comme celle-là. »

Au bout du fil, Hugo Barrette est encore à fleur de peau, plusieurs heures après avoir été éliminé du keirin aux Jeux olympiques de Tokyo dans des circonstances nébuleuses. Pourtant, la journée semblait avoir si bien commencé.

Le Madelinot de 30 ans avait dominé sa vague de qualifications sur la piste du vélodrome d’Izu, franchissant aisément le fil d’arrivée le premier après avoir mené toute la course. Direction : quarts de finale.

Que nenni !

Deux coureurs, le Malaisien Muhamad Sahrom et le Kazakh Sergey Ponomaryov, ont chuté loin derrière. À 100 m de l’arrivée, on a stoppé la course.

Verdict des commissaires : on doit reprendre la vague.

« À 100 m de l’arrivée, à la vitesse où on roule, la course est terminée, explique Barrette, dont l’émotion était encore palpable. Ils ont vu que le Britannique ne passait pas et ils ont tiré le fusil [signalant l’arrêt de la course]. Leur argument était qu’il y avait des débris sur la piste. Mais clairement, il n’y en avait pas : on avait fini !

« On n’arrête jamais la course au keirin. En fait, presque aucune course n’est arrêtée quand il y a un accident. »

Le Britannique, c’est Jack Carlin, qui était troisième, derrière Barrette et le Néerlandais Matthijs Büchli, médaillé d’argent à Rio de Janeiro et champion du monde en 2019. Büchli a même reçu un avertissement, les commissaires le jugeant responsable de l’incident derrière.

« La raison principale pour laquelle il y a une chute, c’est que le monde voulait revenir sur moi. Les gars n’étaient pas capables, ils ont paniqué et sont tombés. C’est ça qui est arrivé, assure Barrette. Je viens de faire 750 m devant tout le monde, et on me dit qu’on reprend la course ? J’étais abasourdi. Dans ma tête, j’avais gagné clairement et facilement cette course, avec une exécution parfaite. »

Dans la ronde suivante, c’est moi qui tombe. Mais un Canadien, on s’en fout. On aurait pu me rouler dessus, quand c’est le Canada, il n’y a aucun problème. Je suis sans mot.

Hugo Barrette

Dans cette reprise, courue à quatre au lieu de six, Barrette s’est retrouvé pris à l’intérieur, mais avec de l’espace pour déborder et espérer coiffer les meneurs. Mais il y a eu contact avec Carlin, et Barrette a lourdement chuté.

  • Hugo Barrette a été victime d’une chute en qualifications.

    PHOTO MATTHEW CHILDS, REUTERS

    Hugo Barrette a été victime d’une chute en qualifications.

  • À peine avait-il terminé sa chute que déjà, la douleur était vive.

    PHOTO KACPER PEMPEL, REUTERS

    À peine avait-il terminé sa chute que déjà, la douleur était vive.

  • Le Madelinot s’est relevé et a pu poursuivre la compétition.

    PHOTO ODD ANDERSEN, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Le Madelinot s’est relevé et a pu poursuivre la compétition.

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« Avec deux tours à faire, quelqu’un passe devant moi et je prends sa roue. Il y a [Carlin] qui est pris à l’extérieur, sa course est terminée et je suis sur le point de refaire la même chose [que dans la première], mais il vient me plaquer ! Il aurait dû être disqualifié, mais la Grande-Bretagne peut s’en sortir avec n’importe quoi. »

C’est plutôt Büchli qui a écopé d’un carton jaune sur la séquence. Au lieu de passer en quarts, il a plutôt été relégué au repêchage, où ses Jeux ont pris fin.

« Ce n’était pas [Büchli]. On l’a vu sur la vidéo au ralenti, c’est absolument [Carlin]. La première chute aussi ! Le Néerlandais non plus n’a pas passé, mais le Britannique s’en sort. Quand tu vois les vidéos, il n’y a aucun doute. […] Aux Olympiques, tu n’es pas capable de t’arrêter une minute pour regarder une vidéo ? C’est terrible. »

La question la plus importante, c’est pourquoi ils ont arrêté la [première] course ? J’étais devant, le Néerlandais deuxième et le Britannique troisième. Ils ont décidé de reprendre la course, ce qui n’arrive jamais. C’est douteux.

Hugo Barrette

Au repêchage, Barrette n’avait plus d’énergie, et en plus, il s’était fracturé une côte dans sa chute.

« Je ne le savais pas au moment de faire le repêchage, mais quand j’ai commencé la course, j’avais de la difficulté à respirer. Je ressens une grande déception, de la tristesse, mais avec du recul, de la frustration ! […] Le keirin, c’est mon évènement. J’étais tellement bien préparé et je l’attendais depuis tellement longtemps.

« Je vais m’en remettre, mais celle-là, elle est très difficile à avaler. C’est une décision qui n’a aucun sens. Aucun sens. […] Je me suis cassé le dos, des vertèbres, tous les os de mon corps ! La fois où j’ai eu le plus mal, c’est en raison de cette décision. C’est comme si on m’avait dit : “On ne veut pas que tu gagnes et on peut faire ce qu’on veut.” C’est tough sur le moral. Le seul point positif est que ma blonde, Kelsey [Mitchell], s’en va en demi-finales. J’étais content pour elle. »

La cycliste de Sherwood Park, en Alberta, a atteint les demi-finales aux dépens de la Québécoise Lauriane Genest, médaillée de bronze du keirin plus tôt cette semaine, au terme d’un quart de finale fratricide entre les deux Canadiennes.

PHOTO ODD ANDERSEN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Kelsey Mitchell (à gauche) et Lauriane Genest

Mitchell, détentrice de la marque mondiale au 200 m lancé, a remporté la première manche de façon stratégique. Elle a laissé Genest mener la course jusqu’au dernier demi-tour de piste. Elle a alors débordé sur l’extérieur, profitant de l’aspiration créée par la Québécoise pour la coiffer à quelques mètres du fil d’arrivée.

Dans la deuxième manche, Mitchell a joué le même tour à Genest, la dépassant au sprint final.

Mitchell accède donc aux demi-finales, qui auront lieu ce dimanche, tandis que Genest se battra pour les positions nos 5 à 8.

« Malheureusement, j’ai dû me battre contre ma coéquipière, avec qui je m’entraîne tous les jours, a dit Mitchell. Nous blaguions souvent que si on devait s’affronter aux Jeux, ce serait préférable que ce soit en finale. Malheureusement, on a dû le faire en quarts. Je suis heureuse de cette victoire. Je suis triste qu’on n’atteigne pas toutes les deux les demi-finales, mais je sais qu’elle va connaître une grosse course [ce dimanche]. »