(Tokyo) Dès la présentation des plongeurs, son cœur s’est emballé et ses jambes se sont mises à flageoler. Cédric Fofana ne s’en est jamais remis.

Invité surprise dans l’équipe canadienne, l’espoir de 17 ans a vécu une véritable déconvenue à sa première participation aux Jeux olympiques, concluant les préliminaires du tremplin de 3 m au 29e et dernier rang, à plus de 60 points de son plus proche concurrent.

Tétanisé par l’ampleur de l’évènement, l’adolescent originaire de Québec a même reçu une note de 0 pour un plongeon raté à la quatrième ronde, un trois et demi renversé qu’il n’a pas pu exécuter après un mauvais saut d’appel. Il a carrément fait un plat sur le dos.

Bref, ce fut une journée à oublier pour Fofana, qui aurait évidemment préféré vivre un autre genre d’expérience, même s’il n’avait aucun objectif précis.

« Ce n’est pas du tout à ça que je m’attendais parce que ça fait un mois que les pratiques vont bien, comme vraiment bien, a-t-il déclaré avec un sang-froid remarquable après sa déconfiture. En camp d’entraînement à Toronto, et ici ensuite, j’étais très satisfait presque tous les jours de ce que je faisais. C’est sûr que de commencer mon “rêve” olympique de cette manière-là, c’est un peu décevant. Mais il y en aura d’autres, je suis confiant. »

« Tellement nerveux »

Fofana avait pourtant l’air détendu durant l’échauffement, riant des badineries d’un plongeur avec une bénévole. Mais ses nerfs l’ont lâché juste avant le début de la compétition présentée au Centre aquatique de Tokyo, lundi après-midi.

Son hésitation sur son premier plongeon, un double périlleux et demi arrière, était palpable. Ce fut son meilleur.

J’étais tellement nerveux. On dirait que je n’étais juste pas capable de mettre ça de côté et de me dire : “il en reste cinq et on continue”. Je pense juste que ça va venir avec le temps sur le circuit international.

Cédric Fofana

Plus jeune plongeur au 3 m après le Mexicain Osmar Olvera Ibarra (9e), le Québécois a remporté les essais olympiques canadiens à la fin de juin à Toronto.

Son talent saute aux yeux depuis son jeune âge. « Il avait du rythme, une ligne incroyable quand il s’allonge pour entrer dans l’eau, de belles positions, de la flexibilité et il était intéressé et travaillait dur », a énuméré l’un de ses premiers entraîneurs au club ARO de Québec, Dany Boulanger, joint au téléphone avant la compétition.

À 13 ans et demi, Fofana est parti s’entraîner à l’Institut national du sport au Stade olympique, sous la gouverne de César Henderson. En 2018, il a remporté une médaille de bronze au 3 m aux Championnats du monde juniors dans la catégorie 14-15 ans, une première canadienne depuis Alexandre Despatie, qui avait réussi un triplé en 2002.

Après le 3 m dimanche, Jennifer Abel soulignait la « prestance magnifique » de son coéquipier et le « facteur wow » qu’il dégage. « C’est un plongeur qui va aller loin », a affirmé la double médaillée olympique.

À la fin de l’épreuve, dominée par les Chinois, Fofana a reçu de gros câlins de l’Italienne d’origine québécoise Sarah Jodoin Di Maria.

« Elle m’a dit de pleurer si j’en avais envie. De laisser aller ça, de vivre le moment. D’apprendre et de continuer à aller de l’avant. »

« Notre faute »

Chose certaine, Fofana devra retourner à la table à dessin. Croisé après la compétition, le directeur technique de Plongeon Canada n’est pas passé par quatre chemins pour décrire sa prestation : « Gênant ».

Il n’y a pas moyen d’enjoliver la réalité : c’était gênant pour lui, c’était gênant pour nous. Mais la faute n’est pas la sienne, c’est la nôtre. Il était mal préparé pour cette compétition.

Mitch Geller, directeur technique de Plongeon Canada

Le directeur indique que son organisation doit prendre « ses responsabilités » et déterminer ce qui a mené à cette contre-performance.

« Cela n’est en aucune façon un reflet de son talent. Il est l’un des jeunes plongeurs les plus talentueux que le Canada n’a jamais vus. Ce qui rend particulièrement tragique pour lui de connaître cette expérience aux Jeux olympiques. »

Fofana « doit comprendre qu’il a fait ce qui lui a été demandé », a insisté Geller. Travail technique et gestion des émotions sont deux facettes qui devront être renforcées chez l’athlète pour éviter des fluctuations dans ses performances. Sans pour autant tout modifier, considérant son jeune âge.

« Il doit reconnaître l’immense potentiel qu’il possède. Il faut simplement ajouter des éléments qui vont lui donner la stabilité voulue. Parce qu’il a la force, la vitesse et la flexibilité. »

Geller veut lui donner le temps nécessaire pour y arriver, quitte à ne pas le renvoyer en compétition d’ici là.