(Tokyo) La sprinteuse olympique biélorusse Krystsina Tsimanouskaya a reçu un visa humanitaire de l’ambassade de Pologne à Tokyo, selon un responsable du ministère polonais des Affaires étrangères.

« La Pologne fera tout ce qui est nécessaire pour l’aider à poursuivre sa carrière sportive. La Pologne est toujours synonyme de Solidarité », a expliqué sur Twitter le vice-ministre des Affaires étrangères, Marcin Przydacz.

L’athlète avait récemment allégué que des dirigeants biélorusses avaient tenté de la forcer à rentrer chez elle, où elle craignait de ne pas être à l’abri d’un gouvernement autocratique qui a récemment été accusé d’avoir détourné un avion afin d’arrêter un journaliste dissident.

La Fondation pour la solidarité du sport biélorusse a déclaré à l’Associated Press que le groupe lui avait acheté un billet d’avion pour Varsovie pour le 4 août.

L’impasse actuelle a apparemment commencé après que Tsimanouskaya ait critiqué la façon dont les dirigeants géraient son équipe – déclenchant une réaction foudroyante des médias d’État de son pays, où les autorités répriment sans relâche les critiques du gouvernement. La sprinteuse a affirmé sur son compte Instagram qu’elle avait été inscrite au relais 4 x 400 m même si elle n’avait jamais participé à l’épreuve.

Tsimanouskaya a ensuite apparemment été emmenée à l’aéroport, mais a refusé de monter à bord d’un vol pour Istanbul et a plutôt demandé de l’aide à la police. Dans un message filmé diffusé sur les réseaux sociaux, elle a également demandé l’aide du Comité international olympique.

« On m’a mise sous pression et ils ont tenté de me faire quitter le pays par force, sans mon consentement », a dit la sprinteuse âgée de 24 ans.

La succession d’évènements a mené à un problème de politique internationale lors de Jeux olympiques davantage axés sur des enjeux opérationnels, comme le maintien de la sécurité pendant une pandémie et la gestion de l’opposition généralisée au Japon quant à la tenue de l’évènement.

Le gouvernement autoritaire biélorusse a ciblé sans relâche toute personne exprimant même légèrement sa dissidence depuis qu’une élection présidentielle il y a un an a déclenché une vague de manifestations populaires sans précédent. Et il est également allé à l’extrême pour arrêter ses critiques, y compris le récent détournement d’avion que les responsables européens ont qualifié d’acte de piraterie aérienne.

Dans ce contexte, Tsimanouskaya a craint pour sa sécurité lorsqu’elle a observé la campagne contre elle dans les médias d’État, selon la fondation sportive, qu’elle a également contactée pour obtenir de l’aide.

« La campagne était sérieuse et c’était un signal clair que sa vie était en péril en Biélorussie », a dit Alexander Opeikin, un porte-parole du groupe activiste, lors d’une entrevue avec l’Associated Press.

Les médias d’État ont continué lundi de s’en prendre sévèrement à Tsimanouskaya. Les présentateurs de la chaîne de télévision Biélorussie 1 ont estimé que sa décision de demander l’asile est un « coup bas » et un « acte dégoûtant », et ont qualifié sa performance aux Jeux olympiques d’« échec ».

Le fait que des athlètes demandent l’asile lors d’évènements sportifs mondiaux n’a rien de nouveau. La situation était particulièrement fréquente pendant la guerre froide, mais s’est également reproduite occasionnellement au cours des décennies qui ont suivi. Pas moins de 117 athlètes ont fait défection aux Jeux olympiques de Munich en 1972, par exemple, selon les reportages de l’époque. Au moins quatre Roumains et un Soviétique associés aux Jeux olympiques ont fait défection aux Jeux de Montréal en 1976. Et les athlètes cubains ont eux aussi souvent fait de même.

En soulignant la gravité des allégations, plusieurs groupes et pays ont dit vouloir aider la sprinteuse. La Pologne et la République tchèque ont offert leur aide, et le ministère japonais des Affaires étrangères a déclaré qu’il travaillait avec le Comité international olympique et les organisateurs des Jeux olympiques de Tokyo.

Le CIO, qui a eu des conflits avec le Comité national olympique biélorusse (CNOB) avant les Jeux de Tokyo, a affirmé être intervenu.

« Le CIO […] enquête sur la situation et a demandé des clarifications au CNOB », ont dit les responsables olympiques dans un communiqué.

Devant l’ambassade de Pologne lundi, deux femmes biélorusses en exil qui vivent à Tokyo ont offert leur soutien à la sprinteuse. Ils ont agité un drapeau qui était un mélange de la bannière de l’opposition et du drapeau japonais.

Le ministre tchèque des Affaires étrangères Jakub Kulhanek a également tweeté que la République tchèque lui avait offert l’asile.

« Si elle décide de l’accepter, nous ferons notre maximum pour l’aider », a-t-il écrit.

Le Comité national olympique biélorusse est dirigé depuis plus de 25 ans par le président Loukachenko et son fils Viktor.

Tous deux ont été bannis des Jeux olympiques de Tokyo par le CIO, qui a enquêté sur les plaintes d’athlètes selon lesquelles ils auraient fait l’objet de représailles et été intimidés depuis août dernier à la suite des manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle contestée du pays.

Une porte-parole de l’équipe olympique biélorusse n’a pas répondu à une demande de commentaire.

En mai, les autorités biélorusses ont été accusées d’avoir détourné un avion de ligne vers Minsk afin d’arrêter le journaliste et militant Raman Pratasevich et sa petite amie russe.

L’aîné Loukachenko avait prétendu qu’un avion de chasse avait été dépêché pour forcer l’avion à atterrir en raison d’une alerte à la bombe, mais les responsables de l’Union européenne avaient plutôt dénoncé ce qu’ils estimaient être un acte de piraterie aérienne.

Raman Pratasevich, qui dirigeait une chaîne sur une application de messagerie utilisée pour organiser des manifestations contre le régime de Loukachenko, a quitté son pays natal en 2019. Il a été accusé d’avoir organisé des manifestations de masse et est assigné à résidence en attendant son procès.

Dans la foulée des évènements de lundi, Tsimanouskaya a raté les préliminaires olympiques du 200 mètres auxquelles elle devait participer. Elle a déjà représenté la Biélorussie lors de la première journée des épreuves sur piste vendredi au stade national de Tokyo. Elle s’est classée quatrième dans sa course de premier tour au 100 mètres, chronométrant 11,47 secondes, et n’a pas avancé.