(Tokyo) « La plus décorée ! » Kylie Masse a été la toute première à rappeler à Penny Oleksiak ce qu’elle venait d’accomplir à la toute fin du relais. La nageuse canadienne le savait très bien. Cette idée lui trottait derrière la tête depuis ses deux quatrièmes places.

Penny OIeksiak est donc maintenant seule au sommet. Avec l’aide de ses amies.

Elle est devenue l’athlète du Canada la plus médaillée de l’histoire des Jeux olympiques, dimanche matin, au Centre aquatique de Tokyo.

Oleksiak a mis la touche finale au relais 4 X 100 mètres quatre nages pour propulser son équipe sur la troisième marche du podium derrière l’Australie et les États-Unis.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Penny Oleksiak

Troisième au moment de l’échange avec Maggie Mac Neil, qui a encore été fumante, Oleksiak n’a pas eu à réussir de retour miracle, simplement à garder la Chine (4e) à distance.

Elle a maintenant sept médailles à son actif, soit une d’or, deux d’argent et quatre de bronze, ce qui lui permet de surpasser la patineuse de vitesse Cindy Klassen et la patineuse/cycliste Clara Hughes, qui en détiennent six chacune. La Torontoise n’a que 21 ans.

Une longue heure après la fin de l’épreuve, Oleksiak s’est présentée devant les journalistes avec sa précieuse médaille autour du cou.

« Je ne sais même pas quoi dire, a-t-elle réagi. Je suis simplement reconnaissante d’avoir ces filles, ce groupe d’entraînement, ce staff et tout ce soutien que l’on a au Canada. Tu peux finir première, tu peux finir huitième, ils vont t’aimer, peu importe. J’adore cela. Ça veut tout dire de savoir que tu as ce soutien. Ça enlève un peu de pression et permet de vraiment te concentrer sur ta course. »

Kylie Masse, Sydney Pickrem et Mac Neil ont commencé à se prendre par les épaules. Oleksiak a déployé ses longs bras pour toutes les entourer. Un beau moment de communion.

« C’est fantastique que ça pouvait être dans les relais que je gagne deux médailles. Parce que j’étais un peu nerveuse à mes deux dernières courses. Sachant qu’on pouvait le faire semble, ça rend le moment encore plus savoureux. »

Masse, qui ajoute donc une troisième médaille à sa collection tokyoïte, a parfaitement lancé le relais au dos. L’athlète de 25 ans a pris sa revanche sur l’Australienne Kaylee McKeown, la tenante du titre du titre individuel qu’elle a battue par 11 centièmes. Le ton était donné.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Maggie Mac Neil, Sydney Pickrem, Kylie Masse et Penny Oleksiak

Très nerveuse, Sydney Pickrem, préférée à Kelsey Wog qui avait disputé l’épreuve individuelle, représentait le principal point d’interrogation de ce quatuor. Comme en préliminaires, la native de la Floride s’est acquittée de sa tâche de façon honnête, touchant au mur au troisième rang derrière les États-Unis et l’Australie. Pas de surprise là.

Mac Neil, médaillée d’or de l’épreuve individuelle, a remis le Canada sur les rails grâce à une portion de papillon magistrale. Son virage et sa coulée lui ont permis de refermer l’écart avec les meneuses. Quand Oleksiak a plongé, elle était à moins d’une seconde de l’Australie et du deuxième rang. Une prestation magistrale.

Oleksiak (52,26 sec) n’a rien pu faire contre Cate Campbell (52,11 sec) qui a réussi à battre l’Américaine Abbey Weitzel sur la touche. Par un dixième, l’Australie est montée sur la plus haute marche du podium pour la première fois depuis 2008. Oleksiak a suivi à exactement une seconde de l’or pour procurer au pays le premier podium dans cette épreuve depuis 1988. Historique.

« D’avoir ces filles dans le même couloir que moi, les meilleurs au monde, j’avais sensiblement cette médaille derrière la tête pendant toute la course, a confié Oleksiak. Je me disais : je nage avec trois des meilleures nageuses au monde. Pourquoi m’en faire ! »

Ça fait quoi de passer à l’histoire ? « Je ne sais pas, on verra en revenant à Toronto… »

Mais encore ?

« Honnêtement, je n’y pensais pas au début des Jeux olympiques. Quand j’ai eu ma sixième, il y avait un peu de pression sur mes épaules pour obtenir cette septième dans les deux autres épreuves. J’y pensais vraiment : va chercher cette septième, va chercher cette septième. J’ai fini quatrième dans deux courses, ce qui a fait un peu mal. Honnêtement, à ce point-ci, je l’avais accepté. Si je pars d’ici avec six médailles olympiques, j’en suis plus qu’heureuse. »

Oleksiak a rappelé que le cycle depuis Rio a souvent été pénible. « J’ai passé à travers l’enfer et j’en suis revenue ces deux ou trois dernières années », a-t-elle résumé, soulignant qu’elle avait subi une blessure au dos qui l’avait tenue hors de l’eau à quelques reprises dans la dernière année.

Le temps de 3 min 52 s, 60 sec est un record national qui surpasse celui réussi aux Mondiaux de 2019, où les Canadiennes avaient aussi enlevé le bronze.

Taylor Ruck (dos) et Kayla Sanchez (crawl), qui avaient nagé les préliminaires, ont également reçu une médaille, leur deuxième de ces JO. Pour Mac Neil, il s’agissait d’une troisième médaille, une de chaque couleur.

Dans l’épreuve masculine, l’équipe canadienne de Markus Thormeyer, Gabe Mastromatteo, Josh Liendo et Yuri Kisil, ont pris le septième de la finale remportée par les Américains de Caeleb Dressel.

Comme à Rio en 2016, l’équipe canadienne a conclu les JO avec une moisson de six médailles dans la piscine, toutes gagnées par des femmes. Le programme tokyoïte comprenait cependant trois nouvelles épreuves (1500 m femmes, 800 m hommes et relais mixte), dans lesquelles le Canada ne s’est pas imposé.

Quatre quatrièmes places, dont deux par Oleksiak individuellement et au relais, ont ponctué ce parcours presque inattendu en raison de l’accès restreint aux piscines au pays pendant la pandémie.

Les jeunes femmes, toutes au début de la vingtaine, ont parlé longtemps, évoquant Paris 2024, où elles s’attendent à être « impossibles à arrêter ». L’histoire ne fait que commencer à s’écrire.