(Tokyo) Pour un peu, on croirait un arrêt de bus. C’est plutôt un de ces micro-postes de police de quartier qui sont une des signatures de la sécurité publique japonaise.

On appelle ça un kōban. Celui à côté de notre hôtel, dans le quartier Ikebukuro, est vraiment minuscule. Il ne « contient » qu’un seul agent. Il passe toute la journée derrière la vitre. À force de le voir presque immobile chaque fois qu’on passe devant, on ne sait plus si c’est lui qui nous surveille ou nous qui l’examinons dans son vivarium.

Les Japonais les voient parfois comme des agents sympathiques et inoffensifs qui s’occupent des objets perdus, des chats errants et des passants égarés, mais ce sont de vrais policiers, même si on embauche pour ces postes surtout des recrues et des préretraités.

J’ai vu une femme aller faire une déposition.

En principe, en plus d’être le relais des commissariats pour les crimes « sérieux », ils s’occupent des petits délits et servent de présence rassurante dans les rues des villes nippones, qui sont déjà parmi les plus sûres au monde. Il y en a partout, partout, partout.

On a déploré 319 homicides dans tout le Japon en 2019, ce qui inclut quatre morts par arme à feu. La même année, on a rapporté 687 meurtres au Canada pour une population trois fois plus petite. C’était 16 425 aux États-Unis – et là-dessus, 87 % avaient été commis par arme à feu.

Si on les rapporte par habitant, ces taux placent les États-Unis à 5,4 meurtres pour 100 000 habitants ; le Canada, réputé sûr, a un taux trois fois moins élevé (1,7) ; mais le Japon se situe à 0,3.

Il y aurait beaucoup à dire sur la criminalité non rapportée, en particulier la violence conjugale. Ou sur la criminalité organisée souterraine des yakuzas.

Il n’en reste pas moins que le Japon est un champion de la sécurité publique, ce qui impressionne énormément les législateurs étrangers, comme les touristes, qui ne craignent jamais de se faire voler.

Devant les instances internationales, le Japon vante en particulier ces petits postes de quartier qui n’ont l’air de rien, mais qui sont très intégrés à la vie locale, et qui sont une clé de leur succès.

L’ancien ministre de la Sécurité publique Serge Ménard, de passage à Tokyo pour une conférence internationale sur le crime, avait été séduit par le concept, et en a fait la promotion au Québec. De fait, plusieurs pays se sont plus ou moins inspirés de cette police de proximité.

Mais il ne s’agit évidemment pas que de construire un cabanon à police et d’y planter un agent. Toute la culture policière est différente, le rapport à l’autorité et, détail non négligeable, il y a peu d’armes à feu en circulation dans le pays.

« Les policiers sont vus ici comme bienveillants, me dit un Québécois résidant de longue date d’une banlieue de Tokyo. Le policier du kōban près de chez nous a été remplacé par un nouveau, et il est venu sonner à notre porte pour se présenter, faire connaissance et nous dire de ne pas hésiter à aller le voir si nous avions besoin d’aide.

« La police n’est pas vue comme une menace, elle contrôle très peu et les interactions sont beaucoup moins stressantes qu’au Canada. Je suis toujours surpris quand je retourne au Québec de voir à quel point la police est répressive, notamment pour la sécurité routière. »

Et la culture, ça s’importe plus difficilement…