(Tokyo) Christine Girard a vécu un moment magique chez elle, mardi matin, lorsqu’elle a suivi en direct la compétition d’haltérophilie où Maude Charron a été sacrée championne olympique dans la catégorie des 64 kg.

Pour la première championne olympique canadienne en haltérophilie, la cérémonie du podium avait une dimension bien spéciale. Car personnellement, elle n’a pu goûter à ce plaisir puisque sa médaille d’or lui a été remise six ans après les Jeux de Londres à la suite de la disqualification des deux haltérophilies qui l’avaient devancée.

« Je dois avouer que quand j’ai vu Maude sur la première marche du podium à écouter l’hymne national, je l’écoutais moi aussi très attentivement debout dans mon salon, a raconté Girard en soirée, mardi. C’est un gros baume au cœur de voir que tous les efforts pour rendre notre sport propre ont fait leur chemin et que les athlètes qui méritent les médailles les reçoivent au bon moment. »

PHOTO EDGARD GARRIDO, REUTERS

Maude Charron a été sacrée championne olympique dans la catégorie des 64 kg.

Et Girard a trouvé très généreux que Charron ait une pensée pour elle à la toute fin de sa compétition. Quand elle a pris une option sur la médaille d’or à son avant-dernier essai, la Rimouskoise s’est dit que ce serait bien de le faire enfin sur la scène des Jeux en reconnaissance de la contribution de Girard.

« Je trouve ça généreux de sa part. Mais il ne faut pas se le cacher, aujourd’hui, c’est vraiment la journée à Maude, même si ça me fait un petit velours qu’elle ait pensé à moi, a poursuivi la double Olympienne, également médaillée de bronze à Pékin en 2008.

« Elle a réussi une compétition incroyable, elle a été très déterminée, très concentrée. Elle a pris toutes les bonnes décisions pour être au sommet de sa forme au bon moment. »

Selon Girard, c’est un ensemble de qualités qui ont permis à Charron de briller.

« Je pense que ce qui a fait la différence au-delà des années d’entraînement, ç’a été sa détermination et son intensité, ses capacités mentales qui lui ont permis de revenir dans le bon chemin après avoir manqué son premier lever à l’épaulé-jeté – à 128 kg. C’est une situation vraiment stressante pour les athlètes et elle est revenue avec brio, affichant un calme exemplaire. C’est une athlète exceptionnelle non seulement physiquement, mais mentalement aussi. Je pense que c’est ça qui a fait la différence. »

Bien entendu, ce titre olympique d’une athlète issue d’un système qui a depuis longtemps mis de l’avant les valeurs d’un sport « propre » contribue à réconcilier avec une discipline trop souvent entachée par des scandales de dopage et de corruption. L’haltérophilie joue d’ailleurs son avenir au programme olympique à Tokyo.

« Je fais partie de plusieurs comités antidopage et je vois que la situation s’améliore, dit-elle. On a entrepris un changement de culture à l’intérieur du sport et ça prend du temps, il faut être patient. Mais les Canadiens, nous avons déjà une longueur d’avance à ce niveau.

« Surtout, je vois que nos efforts en ont valu la peine. Maude m’a prouvé que j’avais raison de m’investir et d’y croire. J’envisage l’avenir de notre sport avec beaucoup d’espoir. Et avec une relève comme Maude qui performe aussi bien, ça m’encourage. »

Et ne comptez pas sur Girard pour être nostalgique quand elle voit ce que Charron est en train de vivre à Tokyo.

« Je n’aurais jamais la chance d’avoir une remise de médaille aux Olympiques. Mais ma remise était spéciale à sa façon, j’étais entourée de ma famille, et de mes amis, ce que Maude n’a malheureusement pas eu la chance », a confié Girard, soulignant que ses enfants étaient présents à cette cérémonie, ce qui est plutôt inhabituel pour une haltérophile.

« C’est à l’image de mon histoire. Ça explique mon rôle au niveau de la lutte contre le dopage. Je ne suis pas nostalgique de ce que je n’ai pas eu, je suis reconnaissante de ce que j’ai eu. Et je suis très reconnaissante à Maude de m’avoir permis de vivre ça, comme tous les autres Canadiens d’ailleurs. »