(Tokyo) Combien peut-on faire entrer de camionnettes japonaises dans un Ford F-150 ?

À vue de nez, je dirais trois. Mais c’est peut-être quatre.

Ces mini-camions et camionnettes sont aux véhicules nord-américains ce que la caille est au dindon. D’ailleurs, comme par hasard, on les appelle « kei ».

En d’autres mots, c’est une bestiole apparentée, mais format réduit et, disons-le, infiniment plus mignonne.

Il va de soi que les rues étroites des villes japonaises ne sont pas faites pour les monstres qui envahissent nos routes. Même les camions à ordures de Tokyo viennent en différents formats plus ou moins compacts pour circuler librement. Ils réjouissent l’œil par leur élégance et leurs couleurs étincelantes.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Un camion à ordures dans le quartier Ikebukuro

Pour en revenir aux « kei », il semble qu’ils ne répondent pas aux normes de sécurité nord-américaines et, pour cette raison, ne peuvent circuler sur la voie publique chez nous. Dommage, me direz-vous, ils sont tellement cute. Oui et non…

En 2011, quand je suis venu couvrir le tsunami, je me suis retrouvé de manière tout à fait loufoque au volant d’un de ces kei pick-ups.

Nous étions dans les environs de Sendai, zone la plus touchée par cette catastrophe qui a tué près de 20 000 personnes. J’y ai rencontré deux « gaijins », comme on appelle les expatriés au Japon. Un Canadien et un Américain qui travaillaient à Tokyo et s’étaient connus en jouant au hockey dans une ligue de garage japonaise.

Toujours est-il que les deux types, trouvant que les secours officiels n’arrivaient pas assez vite pour les sinistrés, avaient loué un de ces mini pick-ups et en avaient chargé l’arrière de bouteilles d’eau, de couches pour bébé, de lait maternisé et d’autres produits de première nécessité.

Quand la journée a pris fin, ils m’ont offert de me ramener à Tokyo. Pourquoi pas ? J’étais arrivé en avion par Yamagata, dans les montagnes, l’aéroport de Sendai et la gare étant fermés, le retour s’annonçait compliqué.

J’étais donc entre ces deux gars larges d’épaules et écartés de jambes sur cette banquette étroite. Au bout de deux heures, l’Américain, qui conduisait, cognait dangereusement des clous. Les deux gars ont décidé de changer de place.

Sauf que le Canadien mesurait 1, 95 m. Comme passager, ça allait. Mais comme conducteur, rien à faire, même en faisant de l’origami avec, ses jambes débordaient de partout. Les banquettes dans ces jolis keis ne reculent pas, en tout cas pas beaucoup.

Bon, ben… On fait quoi ?

Je me souviens encore des deux visages qui se tournent vers moi vers minuit dans le stationnement du Fukushima Truck Stop : désolé mon vieux, c’est toi qui chauffes…

– Mais… c’est la conduite à gauche, moi, je…

– Bah ! Y a rien là, c’est de l’autoroute tout le long. Tu vas voir !

L’Américain s’est endormi, penchant sa tête tantôt sur mon épaule, tantôt sur celle de son ami, qui me criait à chaque bosse due au tremblement de terre : « Attention, ralentis ! » Et moi chaque fois : « Hon ! Excuse, j’avais pas vu… »

Tout ça pour dire que sept heures à trois gars de six pieds dans ce sympathique véhicule m’a donné comme qui dirait une vue « de l’intérieur ».

C’est pas tout, dans la vie, la « cutitude ».