(Tokyo) Penny Oleksiak était dans les gradins pour cette finale du 100 m papillon. Depuis sa médaille d’argent à Rio, une blessure l’a incitée à mettre cette épreuve de côté.

Pas de soucis, le Canada avait une remplaçante de choix. Son nom : Maggie Mac Neil. Son palmarès : championne mondiale en titre.

Avec une finale dense au possible, ce n’était pas évident que la nageuse de London, qualifiée sixième, puisse rééditer l’exploit aux Jeux olympiques de Tokyo, lundi matin (heure locale).

Eh bien, elle l’a fait, et ce, grâce à un retour… oleksiesque.

S’élançant au côté de Sarah Sjöstrom, tenante du titre et dauphine de la Canadienne aux Mondiaux, Mac Neil a donc connu un départ bien moyen. Étrangement, seule la Suédoise a fait pire.

La Canadienne de 21 ans a viré septième, exactement comme Oleksiak à la finale du 100 m qu’elle a remportée à Rio.

Tout s’est passé sous l’eau par la suite. Mac Neil a enclenché son ondulation dévastatrice – 15 déhanchements, précisément – pour se replacer dans la course, noyant Sjöstrom dans sa vague en émergeant de l’eau.

Son style efficient, très profilé en surface, a fait le reste. La pauvre Américaine Torri Huske flirtait avec le record mondial de Sjöstrom, mais a fini par casser pour aboutir au quatrième rang, à un centième du bronze.

Mac Neil a réussi une fin de course parfaite pour reprendre la Chinoise Zhang Yufei (55,64 s) et l’Australienne Emma McKeon (55,72 s), respectivement médaillées d’argent et de bronze. Sur la dernière longueur, elle a battu tout le monde par au moins une demi-seconde.

Le temps de la médaillée d’or, une première pour le Canada depuis Oleksiak : 55,59 s. Troisième performance de l’histoire, à 11 centièmes de la référence mondiale de Sjöstrom, qui revient cependant d’une fracture à un coude.

Mac Neil venait de se passer la médaille au cou quand elle s’est présentée devant les journalistes, masque au visage et un soupçon de buée dans les lunettes.

« Pour le résultat, c’est plus que j’espérais à ce moment-ci », a assuré celle qui avait gagné l’argent au relais la veille. « Je voulais seulement profiter de l’expérience et avoir du plaisir. C’est ce que j’ai fait aujourd’hui. Je suis donc fière de ça. J’ai essayé de ne pas être si nerveuse et être détendue. C’est comme ça que je suis au mieux. »

La notion de plaisir est revenue à quelques reprises dans le point de presse. Mac Neil s’est appliquée à ne penser qu’à elle, à oublier les espoirs créés par son titre mondial.

« J’arrivais avec une cible dans le dos. C’est tellement difficile que je n’avais pas d’attentes. Aux Championnats du monde, j’étais relativement inconnue. C’était un avantage. Ici, je voulais bien faire pour moi, ma famille, mes amis et mes coéquipiers qui sont à la maison. Seulement, cette pression additionnelle rend ça un peu plus challengeant. J’essayais donc de me concentrer à avoir du plaisir. »

Au sujet de sa course, elle ne connaissait même pas son temps, ni où elle se situait au virage.

« J’ai vu quelques adversaires quand j’ai tourné, mais à part cela, je ne pouvais voir personne durant la course. Je fais ma propre course, ce qui m’aide à avoir plus de plaisir. J’ai ma propre stratégie spécifique qui fonctionne pour moi. J’essaie de m’en tenir à ça. »

Partir ses courses de façon prudente fait partie de ses habitudes. « J’adore avoir plus de temps pour me mettre en marche, a noté l’étudiante à l’Université du Michigan. Fluidité, force et essayer de rester avec les autres au début. Ensuite, juste travailler le segment sous l’eau. Le deuxième 50 mètres est toujours ma portion favorite [sweet spot] et là où je me sens le plus à l’aise. »

Voilà la recette pour devenir seulement la troisième championne olympique canadienne de l’histoire en natation, après Oleksiak et Anne Ottenbrite, titrée au 200 m brasse à Los Angeles en 1984.

Mac Neil a volontiers accepté d’interrompre l’entrevue pour suivre sa jeune coéquipière Summer McIntosh en plein finale du 400 m libre.

« Come on, Sums ! », a-t-elle répété tandis que le phénomène de 14 ans livrait bataille aux deux grandes favorites, l’Américaine Katie Ledecky et l’Australienne Ariarne Titmus.

Troisième avec une longueur à faire, McIntosh a fléchi sur le dernier 50 mètres, cédant le bronze par un peu plus d’une seconde à la Chinoise Li Bingjie.

« Pas mal pour une fille de 14 ans ! s’est exclamée Mac Neil. Sérieusement, c’est ma partenaire de chambre et c’est fantastique de la voir aller à travers tout ça. Elle est tellement cute et elle a une telle maturité. Je n’étais certainement pas comme ça à son âge. C’est incroyable. »

L’athlète d’Etobicoke est arrivée peu après, comme imperméable au fait qu’elle venait de rivaliser dans l’une des courses les plus attendues à Tokyo. Titmus est revenue de l’arrière pour infliger une autre défaite à Ledecky, meilleure nageuse de distance de l’histoire, après celle des derniers Mondiaux.

En 4 min 2 s,42 s, McIntosh a amélioré de 3 dixièmes son propre record national réalisé la veille en préliminaires.

« C’est vraiment inspirant et fou, je suis juste vraiment heureuse », a dit l’adolescente, plus jeune membre de l’équipe canadienne, tous sports confondus, à Tokyo.

Elle s’était promis de ne pas partir trop rapidement. « Je sais que je dois contrôler ça un peu plus, mais l’adrénaline prend parfois le dessus, s’est-elle défendue. J’essaie de m’en tenir à mon plan de course le plus possible. »

McIntosh a encore trois épreuves à son agenda : les 200 et 800 m libre et le relais 4 X 200 m. Mac Neil, elle, s’alignera au moins au relais 4 X 100 m quatre nages.

« On n’a pas encore montré au monde ce qu’on veut accomplir ici, a prévenu la nouvelle championne. Être les négligées tourne assurément à notre avantage. »

Bien assez vite, ce statut ne tiendra plus pour les jeunes nageuses canadiennes.

À un cheveu de l’exploit

Après les prestations de Mac Neil et McIntosh, le relais masculin 4 X 100 m est passé bien près de réaliser un exploit inattendu. Lancés par le vétéran de 37 ans Brent Hayden (47,99 s), les Canadiens ont chauffé les Australiens pour terminer à une quatrième place inespérée, à six dixièmes du podium. Le jeune Josh Liendo (47,51 s) et Yuri Kisil (47,15 s) se sont montrés à la hauteur, et un peu plus, pour installer leur pays au troisième rang. Markus Thormeyer (48,17 s) n’a cependant pu résister au retour de Kyle Chalmers (46,44 s), l’un des meilleurs sprinteurs de sa génération. Les Américains ont maté les Italiens pour gagner l’or, une première pour Caeleb Dressel, très attendu à Tokyo.