Ellie Black a un style qui convient parfaitement à la gymnastique féminine d’aujourd’hui.

Le sport récompense un peu plus la puissance, la force et l’audace de nos jours qu’il ne le faisait il y a une quinzaine d’années, quand les juges notaient les performances en pensant davantage à la grâce qu’au degré de difficulté.

À l’image de la vedette américaine Simone Biles, les routines musculaires de Black sont en vogue.

« C’est agressif et athlétique, a expliqué l’ancien gymnaste canadien Kyle Shewfelt. Quand elle est sur la poutre, Ellie n’est pas le genre d’athlète qui essaie d’être légère. Elle essaie de briser la poutre. Son style est si agressif et si fort. C’est la meilleure façon que je puisse le décrire. C’est une femme forte et ça se ressent dans sa gymnastique. Elle attaque. »

L’homme qui a élevé la barre de la gymnastique artistique du Canada aux Jeux olympiques, grâce à une médaille d’or à l’épreuve au sol en 2004, est optimiste quant au potentiel de podium de Black à Tokyo.

Shewfelt croit que la gymnaste de 25 ans originaire de Halifax a les atouts pour devenir la première Canadienne à gagner une médaille en gymnastique artistique, à ses troisièmes Jeux en carrière.

« À chaque conversation dans la communauté de la gymnastique à savoir qui va se battre pour le podium, Ellie en fait partie », a indiqué Shewfelt.

Black s’est classée cinquième en 2016, dans ce qui était le meilleur résultat canadien aux Jeux olympiques lors du concours général individuel. L’année suivante, à Montréal, elle est devenue la première médaillée du Canada au concours général individuel lors des Championnats du monde, mettant la main sur la médaille d’argent.

Le concours général individuel chez les femmes constitue un test d’habiletés d’une gymnaste à quatre appareils de la discipline : le cheval sautoir, les barres asymétriques, la poutre et les exercices au sol.

Tu dois réussir quatre routines dans quatre épreuves différentes de manière correcte et constante. Tu dois surtout réussir tes meilleures routines à vie pour pouvoir atteindre le podium ce jour-là.

Ellie Black

Black a raté de peu le podium dans cette discipline aux Championnats du monde de 2019, à Stuttgart, en Allemagne, où elle a pris le quatrième rang.

Après avoir aidé l’équipe féminine canadienne à se qualifier pour Tokyo, elle s’est déchiré des ligaments de la cheville à la réception d’un saut et elle a eu besoin d’une intervention chirurgicale.

Si les Jeux olympiques de Tokyo, reportés d’un an en raison de la pandémie de COVID-19, avaient eu lieu en 2020, Black aurait été en mesure de prendre part à la compétition, sous un calendrier de réadaptation accéléré.

Elle a terminé cinquième à sa première compétition après sa blessure, à l’American Cup à Milwaukee, en mars 2020, tout juste avant que la COVID-19 commence à ébranler le monde du sport.

Une pause salutaire

La cheville de Black, et aussi son corps, ont pu prendre une pause du martèlement constant de ce sport lorsque la pandémie a freiné la compétition et l’entraînement.

« Je crois que nous apprenons, en tant qu’athlètes, que c’est bien d’avoir un peu de temps de repos au cours duquel nous pouvons laisser notre corps et notre cerveau récupérer », a indiqué Black.

Celle-ci a toutefois été isolée. Elle s’est principalement entraînée seule au Halifax Alta Gymnastics Club lorsqu’elle a pu entrer dans le bâtiment, alors que la Nouvelle-Écosse entrait et sortait de ses confinements.

« Il y a eu beaucoup d’entraînements en solitaire, ou pratiquement en solitaire, ce qui était différent pour elle », a fait savoir son entraîneur David Kikuchi.

Les compétitions internationales et nationales ont été remises, tout comme les déplacements vers les camps d’entraînement pour rejoindre ses coéquipières canadiennes.

« Je n’ai pas passé autant de temps à Halifax depuis que je suis petite, a noté Black. Habituellement, je suis absente très souvent. Je suis restée à la maison pendant près d’un an, ce qui est plutôt fou, et c’est une chose différente à laquelle je devais m’adapter. »

Une source d’inspiration

À 13 ans, Black a regardé Kikuchi prendre part aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008, et elle s’est dit qu’elle voulait pratiquer ce sport.

« Il s’est entraîné à mon club et il représentait le Canada, a raconté Black. C’est ce qui a, en quelque sorte, lancé mon rêve olympique que je pouvais participer aux Jeux de 2012. »

Black a aussi admiré Crystal Gilmore, une gymnaste olympique en 2000 qui a éventuellement épousé Kikuchi.

« Elle était forte, puissante et elle montrait des habiletés uniques, a soutenu Black. Ce n’était pas toujours complètement élégant, dans un sens, et je pouvais m’identifier à ça. »

J’étais très forte et puissante et je le suis encore, mais quand j’étais plus jeune, mon style était moins raffiné. Le côté artistique était un peu plus difficile pour moi.

Ellie Black

Shewfelt décrit Black comme une gymnaste aux commandes de sa carrière.

« Elle a une longévité dans le sport, a-t-il déclaré. Je pense que c’est parce qu’elle est dans un environnement très positif et qu’elle est en plein contrôle. Elle a fermement les mains sur le volant. »

Une équipe féminine expérimentée

Les épreuves de gymnastique chez les femmes commencent dimanche avec les qualifications et seront suivies par la finale par équipes, mardi.

Shallon Olsen, de North Vancouver, en Colombie-Britannique, Brooklyn Moors, de Cambridge, en Ontario, Ava Stewart, de Bowmanville, en Ontario, et Rose Woo, de Montréal, complètent l’équipe canadienne.

« C’est une équipe solide que nous avons », a analysé Kikuchi, qui est également l’entraîneur de l’équipe féminine à Tokyo.

« Ellie, Brooklyn et Shallon sont des gymnastes très expérimentées et ont participé à au moins trois Championnats du monde. Ellie et Shallon ont déjà participé aux Jeux olympiques. Elles sont toutes très expérimentées, elles sont de grandes athlètes et ont participé aux Championnats du monde et aux finales olympiques au cours de leur carrière. Il n’y a pas beaucoup de Canadiens qui ont fait ça dans leur histoire. »

René Cournoyer, de Repentigny, est le seul gymnaste canadien présent aux Jeux de Tokyo.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

René Cournoyer

Le concours général chez les femmes se déroulera le 29 juillet, suivi des finales par appareil. Black a utilisé le temps d’entraînement supplémentaire causé par la pandémie pour améliorer sa routine à la poutre.

« Nous avons vraiment fait un choix différent autour de sa routine à la poutre et nous visons quelque chose de beaucoup plus difficile que ça ne l’aurait été », a laissé entendre Kikuchi.

Forte de son expérience, de son entraînement et de son corps en santé, Black se sent prête à se surpasser à Tokyo.

« Je me sens en confiance, en ce sens que j’ai soutiré le meilleur de la situation que nous avons vécue, a-t-elle affirmé. Je suis également sûre du fait que notre équipe a l’air très bonne et nous sommes vraiment excitées d’aller à Tokyo et de montrer ce que nous pouvons faire, même si notre préparation a semblé différente. »