(Tampa, Floride) On retrouve Kim Gaucher dans le hall d’entrée d’un hôtel du centre-ville pour une entrevue. Une rare entrevue à trois, en fait. Sur ses genoux, la petite Sophie, 3 mois. Et à côté d’eux, Ben, son mari. « Je vais rester pas loin, au cas où elle se tannerait ! », lance-t-il.

Bienvenue dans la vie familiale de Kim Gaucher, joueuse de basketball canadienne qui a déjà une victoire à son actif avant même le début des Jeux olympiques de Tokyo.

Sa victoire : faire plier le Comité international olympique (CIO), qui a finalement accepté que les mères qui allaitent emmènent leurs bébés au Japon.

La famille Gaucher est au cœur d’un périple autour du monde. C’est en France que Sophie est née, en mars. Kim jouait pour l’USO Mondeville, une équipe professionnelle de deuxième division en France, en périphérie de Caen. Et Ben y occupait un poste d’entraîneur adjoint.

Mais les contrats qui les liaient au club sont échus ; ils ont donc décidé de rentrer en Amérique du Nord en attendant les Jeux de Tokyo. « On a tout ramené de la France, après six ans là-bas. On est revenus avec un bébé. Nos choses sont un peu partout, dans nos familles et à notre appartement en Utah, où j’ai étudié. On a un peu d’organisation à faire pour la suite ! »

Après six ans dans l’Hexagone, le couple a d’ailleurs appris le français. Kim en avait eu des notions de base à l’école, mais Ben, qui vient du Connecticut, découvrait carrément une nouvelle langue. « Je comprends bien chaque mot, mais quand ils sont ensemble, ça se mélange ! », dit-il, dans un français bien meilleur qu’il ne le laisse entendre.

La suite se déroulera à Tokyo à compter du 12 juillet, et en attendant, ils ont déposé leurs valises à Tampa, où l’équipe canadienne féminine s’entraîne en préparation des Jeux olympiques. C’est donc dans une chambre d’hôtel que les parents élèvent Sophie, et il en sera ainsi jusqu’à la fin du tournoi olympique, dans un peu plus d’un mois.

« Elle est encore petite, donc à part ses couches et ses lingettes, elle ne prend pas beaucoup de place ! souligne la mère. Elle a aussi son lit de bébé. C’est facile de s’occuper d’elle. »

Et la vie quotidienne ici, ça ressemble à quoi ?

C’est un peu dur en temps de pandémie, car nous avons une bulle assez stricte à respecter. On ne peut pas vraiment faire d’activités, sauf aller marcher dehors. Pas de restaurant. Les repas sont à l’hôtel, le gym aussi. Alors on passe notre temps à l’hôtel et il n’y a pas grand-chose à faire. Mais revenir au jeu me demande beaucoup d’énergie, donc c’est bien de juste passer du temps dans la chambre.

Kim Gaucher

Les « gaga » de Sophie agrémentent la trame sonore de l’entrevue, un rappel de la réalité de la basketteuse.

« On a assurément moins de sommeil quand on est mère, et un athlète a besoin de beaucoup de sommeil. Donc, j’essaie de trouver les moments pour récupérer pendant qu’elle dort. La bonne nouvelle, c’est qu’on est en camp d’entraînement, donc je n’ai pas à m’occuper de quoi que ce soit. Pas de cuisine ni de ménage, tu es dans ta chambre, tu vas t’entraîner. Pendant les entraînements, elle est avec mon mari, donc c’est bien. Elle n’est pas bien compliquée à gérer ! »

« Question bête, mais a-t-elle même vu d’autres bébés ?

– Pas vraiment. Naître dans une pandémie, c’est bizarre. Quand on est arrivés ici, c’était comme une introduction à la société pour elle ! Mes coéquipières étaient autour, elles lui parlaient, elles se penchaient devant son visage, et Sophie se demandait : “Mais qu’est-ce qui se passe ? Je suis habituée à seulement voir deux personnes !” »

Kim Gaucher profitait au maximum de son temps en famille, et elle était prête à se séparer de Sophie pendant quatre semaines. Elle a toutefois publié sur Instagram une vidéo où elle plaidait pour que les femmes qui allaitent puissent se rendre à Tokyo en famille. Mercredi, elle a fini par avoir gain de cause.

« Le monde du sport féminin change. Il y a de nombreuses femmes athlètes qui reviennent à la compétition après avoir eu des enfants, explique la Britanno-Colombienne de 37 ans. C’est cool de voir ça. Mais parfois, le monde du sport prend un peu de temps à se rattraper, que ce soit les commanditaires, ou pour nous permettre d’avoir des installations dans lesquelles nous sommes à l’aise. »

PHOTO JESSICA HILL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kim Gaucher, en 2016

Il s’agira de sa troisième présence aux Jeux olympiques. Le Canada a perdu en quarts de finale à Rio en 2016 et à Londres en 2012. Cette fois, l’équipe arrive en tant que 4puissance mondiale au classement.

Mais peu importent ces détails, les prochains Jeux seront assurément ses plus mémorables. « C’est vraiment cool d’avoir Sophie avec moi, et j’espère que je pourrai lui raconter cette histoire un jour ! »

C’est le temps de mettre fin à l’entrevue, car c’est l’heure du repas. Pas celui de Sophie, qui a fait ça comme une championne. C’est plutôt le repas d’équipe. « On mange à 13 h 45, c’est un règlement d’équipe. »

Une vie réglée comme du papier à musique et qui demande beaucoup de sacrifices, lesquels prendront tout leur sens si l’équipe ramène une médaille de Tokyo.