(Toronto) Katerine Savard remplissait son sac à dos de vêtements de l’équipe olympique canadienne devant le stationnement du Centre sportif panaméricain de Toronto, mardi soir.

La nageuse ne pourra les montrer que la semaine prochaine. La semaine suivante, elle s’envolera déjà pour Vancouver, dernier stage préparatoire avant de vivre ses troisièmes Jeux olympiques, à Tokyo.

« Ça va vite », constatait celle qui rentre à Montréal ce mercredi, dernière journée des Essais où son amie Mary-Sophie Harvey tentera d’assurer sa place au 400 m quatre nages individuel.

« Je pars le 3 juillet. Je n’avais pas prévu ça dans mon horaire. J’avais des rendez-vous jusqu’au 15… Je ne sais pas, je ne [pensais] peut-être pas les faire, les Jeux olympiques. »

Peut-être ne se laissait-elle pas le droit d’y croire, de peur de se faire mal. À sa dernière visite à la salle de musculation du Complexe sportif Claude-Robillard, il y a 10 jours, elle avait versé des larmes, craignant que ce ne soit la dernière fois.

Le visionnement des Essais australiens lui a ouvert les yeux. À 28 ans, elle pouvait encore penser à s’améliorer.

Je regardais les filles en Australie, elles ont mon âge et sont capables de faire des meilleurs temps. Pourquoi, moi, je ne serais pas capable ?

Katerine Savard

« Épuisée » après sa qualification-surprise au 100 m papillon et celle espérée au relais 4 x 200 m, Savard avait deux gros morceaux à avaler pour sa dernière journée de compétition dans la capitale ontarienne : le 200 m papillon, auquel elle ne s’était pas frottée depuis longtemps, et le 100 m libre, pour lequel elle ne s’accordait que très peu de chances de qualification.

Finalement, son excellente prestation – quatrième sans trop forcer – en préliminaires du 100 m a convaincu son entraîneur de prendre une décision qu’il mûrissait depuis quelque temps. Le 200 m papillon, qui était davantage un coup de dés (elle avait déjà fait le standard A, mais ça remontait à 2014), a été rayé.

Le bon choix

Encouragé dans sa réflexion par des collègues de Natation Canada, Claude St-Jean a jugé qu’il était plus intéressant pour sa protégée de préserver ses énergies et de tout miser sur le 100 m libre. Cette course offrait de belles occasions avec un relais médaillé de bronze à Rio.

« C’est bizarre, je me suis entraînée pour le 200 papillon toute l’année. Finalement, c’est la nage que je n’ai pas faite… J’étais juste déçue un peu parce que je n’ai pas fait de 200 papillon depuis tellement d’années. J’aurais aimé voir un peu ce que je valais, mais je ne le saurai jamais. »

Ce fut évidemment le bon choix. Septième au virage en finale, Savard a remonté la pente pour toucher au mur au quatrième rang, réalisant son meilleur chrono à vie (54,51 s). Elle reparle des Australiennes : « Ça m’a motivée. À un moment donné, je me disais : crois en toi. Des fois, j’ai besoin de croire en moi. »

La native de Pont-Rouge a profité de la défaillance de Taylor Ruck (5e en 54,58 s), préqualifiée dans l’épreuve, mais qui vit un passage à vide aux Essais.

« Ça doit être vraiment difficile pour elle en ce moment, a compati Savard. On regarde les médias sociaux, les sites de natation, tout le monde parle de ses mauvaises performances. Mentalement, ça ne l’aide pas. Donnez-lui un break ! »

Une qui va beaucoup mieux, c’est Penny Oleksiak. Après une prestation en demi-teinte au 200 m – deuxième derrière la jeune Summer McIntosh –, la Torontoise de 21 ans a brûlé la concurrence au 100 m, l’emportant en 52,89 s, son troisième chrono à vie après ceux réalisés à Rio.

PHOTO FRANK GUNN, LA PRESSE CANADIENNE

Penny Oleksiak

« Je ne me souviens de rien des 30 derniers mètres », racontait-elle à sa mère au téléphone en sortant du centre.

Au micro après sa victoire devant son amie Kayla Sanchez et Margaret MacNeil, elle ne s’était jamais montrée aussi souriante ni aussi heureuse depuis… sa médaille d’or en 2016. Son temps lui permet de s’installer au quatrième rang mondial cette année, derrière trois Australiennes.

« Je suis de retour à cet état d’esprit où j’ai confiance, a expliqué Oleksiak en téléconférence. J’ai retrouvé l’enthousiasme de nager. J’aime m’entraîner maintenant, ce que je n’aimais pas tant que ça avant. Réussir à nager en 52 secondes de nouveau gonfle vraiment ma confiance. »

Une autre qui croit davantage en elle. Si Ruck peut se relever de sa mauvaise passe, le relais s’annonce intéressant à Tokyo.

Hayden forfait

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Josh Liendo et Brent Hayden

Huitième des préliminaires en 50,09 s, Brent Hayden a préféré se retirer de la finale du 100 m libre. Aux prises avec des tensions au dos mardi, au lendemain de sa qualification émotive au 50 m libre, l’athlète de 37 ans a joué de prudence en prévision des J.O. de Tokyo, qui seront ses quatrièmes. « Même si j’étais en douleur ce matin, je ne pouvais pas m’empêcher de monter sur le bloc et donner ce que j’avais, a-t-il expliqué sur Twitter. Maintenant, c’est le temps de prendre la décision logique plutôt qu’émotionnelle. » Le natif de la Colombie-Britannique, qui visait surtout le 50 m à Tokyo, ne saura pas avant mercredi s’il pourra nager les deux longueurs à Tokyo. Le jeune Josh Liendo, 18 ans, s’est imposé en 48,13 s, ce qui lui garantit un départ aux Jeux. Yuri Kisil a lui aussi réussi le standard A en préliminaires, mais il s’est blessé au bras droit durant l’échauffement et a dû déclarer forfait pour la finale. Hayden est le seul autre nageur canadien qui a réalisé le temps requis, le mois dernier.

Ce mercredi

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Kylie Masse

Cinquième et dernière journée de compétition : 400 m quatre nages individuel. Dernière chance pour Mary-Sophie Harvey, qui a profité d’un congé mardi, pour décrocher un départ dans une épreuve individuelle. « Normalement, quand je lui donne une journée de repos, elle revient et elle pète le feu », a expliqué son entraîneur au club CAMO, Claude St-Jean. 200 dos : Kylie Masse paraît imbattable, surtout que Ruck n’est pas à son mieux ; 1500 m féminin, auquel la jeune Summer McIntosh a renoncé ; 800 m masculin, où le Montréalais Eric Brown tentera de réaliser le doublé après sa victoire au 1500 m.