Yanka Vasileva lève les yeux vers l’écran qui affiche, au terme des 60 coups, le résultat de ses concurrentes. L’une de ses rivales la devance par trois points. C’est la douche froide. Ces trois petits points signifient que l’enseignante de 45 ans ne représentera pas le Canada aux Jeux de Tokyo dans la catégorie du pistolet à 10 mètres à air comprimé.

« Je suis toujours la deuxième. En 2016, il me manquait quatre points et cette fois-ci, ce n’était que trois points. C’était un peu plus stressant la deuxième fois, parce que je me disais : je veux y aller et je veux réaliser mon rêve. Trois points, c’est rien, c’est juste une petite inattention, un petit manque de concentration. »

Vasileva agira donc à titre de remplaçante en vue des Jeux de Tokyo. La déception a été vive, et le demeure aujourd’hui, parce qu’elle se « sentait prête » à vivre une première aventure olympique. De la Bulgarie, où elle est née, au Québec, sa province d’adoption, cette mère de deux enfants n’a jamais compté les heures à s’entraîner et à voyager, parfois à l’autre bout du monde, pour ses compétitions.

À la base de ce rêve, il y a un coup de foudre pour la discipline qui est survenu alors qu’elle n’avait que 19 ans. Par la suite, elle a disputé des compétitions aux niveaux européen et mondial sous les couleurs de la Bulgarie.

Ce qui m’a attirée, c’est avant tout la tranquillité. Aussi, c’est un sport individuel, on décide nous-mêmee de ce que l’on fait : on s’exerce et on peut voir le résultat. En fait, je vois ce sport comme un art. Quand je tire et que je vois que ça fonctionne bien, pas nécessairement avoir des 10, mais avoir trois ou quatre coups très proches, ça me fait plaisir.

Yanka Vasileva

Un nouveau départ

En 2005, la tireuse, alors au début de la trentaine, son mari et leur premier enfant arrivent au Québec pour un nouveau départ. Les défis sont multiples, mais il est rapidement évident qu’elle ne compte pas arrêter la pratique de son sport. Mieux que ça, il lui donne de la force, malgré les inquiétudes qui accompagnent un changement de continent.

« En arrivant au Québec, j’ai été chanceuse parce que mon mari parlait déjà le français. Moi, pas du tout, et c’était un petit peu difficile au début. Il fallait que j’apprenne la langue, que je m’occupe de notre fille et que je trouve un travail comme tout le monde, énumère-t-elle dans un excellent français. En même temps, je me disais que, non, mon rêve [des Jeux olympiques] n’allait pas s’arrêter ici. »

Depuis, Vasileva a remporté des titres provinciaux, obtenu le titre de championne canadienne et grimpé sur plusieurs podiums lors d’épreuves disputées à l’étranger. L’année 2015 restera une année particulière à ses yeux, puisqu’elle y a représenté le Canada pour la première fois à l’occasion des Jeux panaméricains disputés à Toronto.

« C’était une très grande expérience. J’étais stressée et j’ai performé en dessous de mes résultats habituels. Par contre, j’ai pris une revanche l’année dernière à Lima [au Pérou]. J’étais deuxième avant la finale, j’étais super contente. Au total, j’ai fini cinquième. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Yanka Vasileva ne perd pas espoir.

« Ce n’est pas fini »

La résidante de Candiac, sur la Rive-Sud, concilie le tir sportif avec son métier d’enseignante de sport, dans une école primaire, et son rôle de maman de « deux merveilleux enfants ». En revenant de l’école, il n’est pas rare qu’elle fasse des exercices de tir à sec, c’est-à-dire qu’elle reproduit les différents mouvements sans tirer.

« Ça fait travailler les muscles du bras, des épaules ou du dos. C’est un sport statique qui demande beaucoup de concentration, mais il faut quand même que tu te prépares physiquement, indique celle qui s’échauffe et s’étire en marge de chaque séance de tirs. On doit être en mesure de tenir les 60 coups [tirés en l’espace de 75 minutes], sinon tu vas avoir mal partout. »

Sa carrière est aussi une histoire de famille. Son conjoint, Ivan, est celui qui la guide depuis ses débuts et qui s’occupe de son conditionnement physique. Il met aussi les bouchées doubles lors de ses absences pour les compétitions. En 2016, par exemple, elle s’est rendue à Bangkok (27e) et à Rio de Janeiro (52e) pour la Coupe du monde. Il y a aussi eu les Jeux panaméricains au Pérou l’an dernier et un programme à venir qui devrait comprendre un retour à Lima et des crochets par l’Allemagne et l’Azerbaïdjan.

« J’essaie d’être raisonnable, mais c’est notre choix familial. Des fois, c’est difficile de travailler. J’avais pris un contrat à temps partiel pour me préparer pour les Jeux olympiques. Heureusement, j’ai beaucoup de soutien de la part des Fédérations québécoise et canadienne et de mon école. »

Ceux qui la connaissent bien vantent sa concentration, en compétition, et sa détermination. Et malgré une deuxième tentative ratée, elle s’accroche à son rêve olympique. « Ce n’est pas fini », promet-elle.