Il y a pire façon de basculer dans une nouvelle décennie. Le 2 mars dernier au Japon, Meaghan Benfeito a célébré son 30anniversaire en décrochant une médaille d’argent à l’épreuve individuelle du 10 mètres. De retour à l’hôtel de Sagamihara, après la compétition, ses (jeunes) coéquipiers avaient prévu plusieurs surprises.

Un air de « Bonne fête » et un gâteau l’attendaient dans le hall. Plusieurs bouquets de fleurs et divers cadeaux avaient aussi été placés dans sa chambre.

« C’était spécial de vivre ça ailleurs [que chez moi], mais je ne me sens pas plus vieille que ça parce que j’ai 30 ans. L’équipe me fait sentir bien, peu importe mon âge, et elle me garde motivée. On ne me fait pas sentir comme la plus vieille. »

Car oui, Benfeito est bien la doyenne de l’équipe nationale de plongeon que ce soit du côté féminin ou masculin. Plusieurs membres de l’équipe, comme Nathan Zsombor-Murray (16 ans), avec qui elle plonge lors des épreuves mixtes, sont même nés après l’an 2000. Caeli McKay, sa partenaire au 10 mètres synchro depuis la retraite de Roseline Filion, en 2017, est âgée de 20 ans.

Même si elle doit les rassurer à l’occasion, lors des grands rendez-vous, Benfeito ne perçoit pas la différence d’âge. Pour aiguiller ces deux jeunes plongeurs « motivés et agréables » qui la font travailler fort, elle a pris une approche axée sur l’indépendance.

Je les laisse aller, car il faut qu’ils apprennent tout seuls. Je peux leur dire quoi faire, comment réagir ou ce qui va les attendre. Après, par contre, chaque plongeur est différent et réagit différemment.

Meaghan Benfeito

Au début de son association avec Zsombor-Murray, il y a trois saisons, Benfeito a tout de même senti une gêne chez l’adolescent. Devant le caractère réservé du Montréalais, elle lui a alors répété de ne pas hésiter à faire part ses émotions. Elle a tenu le même discours auprès de McKay. Cette dernière venait tout juste de fêter ses… 6 ans quand Benfeito est montée sur un premier podium aux Championnats du monde.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Meghan Benfeito et Caeli McKay, sa partenaire au 10 mètres synchro depuis la retraite de Roseline Filion, en 2017.

« Quand elle a déménagé à Montréal, on a habité ensemble pendant cinq mois. Je lui ai expliqué rapidement le type de relation qu’on devait avoir. Peu importe si c’est du négatif, du positif, de l’insatisfaction ou autre, on doit communiquer. C’est comme ça qu’on doit fonctionner en tant que duo. Autant elle que Nathan ont bien compris. C’est pour ça qu’on plonge bien et qu’on s’entend bien ensemble. »

Benfeito a fait ses débuts chez les seniors en 2005 à l’âge de 16 ans. Elle a effectué une très grande partie de sa carrière aux côtés de Filion, de deux ans son aînée. Dans cette transmission de savoir auprès des plus jeunes plongeurs, elle s’appuie cependant sur ce qu’elle a vécu avec Émilie Heymans et Alexandre Despatie.

PHOTO ODD ANDERSEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un duo connu, celui formé de Meaghan Benfeito et Roseline Filion

« Ils étaient dans leur bulle quand il le fallait, mais ils étaient toujours là pour les jeunes en cas de besoin. C’est ce que je retiens d’eux : on n’est pas une juste une équipe, mais on est une grosse famille, dit-elle en faisant ensuite le parallèle avec le clan Benfeito. Dans la vie, j’ai toujours été entourée de beaucoup de monde. Mes parents me disaient d’aider les autres parce que les autres vont aussi t’aider. »

Le stress est toujours là

Cet hiver, Benfeito va d’abord prendre du temps pour soigner la blessure au coude qui l’a gênée depuis le mois d’avril. Elle privilégiera donc la qualité, plutôt que la quantité, afin d’être fin prête pour le début de la prochaine saison. L’année est importante puisqu’elle culminera avec les Jeux de Tokyo (du 24 juillet au 9 août). Dans son cas, cela sera un quatrième rendez-vous olympique.

Le stress est toujours là, peu importe les années. Chaque saison a son importance et c’est le message que j’essaie de transmettre aux jeunes. En étant à leur premier cycle olympique, ils sont un peu plus stressés, mais je fais bien mon travail pour les garder tranquille. Ça me garde tranquille par ricochet.

Meaghan Benfeito

La plongeuse a déjà remporté une place de quota lors de l’épreuve individuelle. Elle et McKay doivent maintenant terminer sur le podium des Championnats du monde pour obtenir une autre place au 10 m synchro. « Je pense qu’on a de bonnes chances. Les plongeons vont bien et on s’entraîne bien. Lors des derniers Mondiaux, c’est une petite erreur qui nous a coûté une médaille. »

Parlant de médaille, Benfeito a récolté le bronze lors des trois derniers Jeux olympiques, à Pékin, Londres et Rio. Évidemment, elle ne détesterait pas obtenir une médaille d’une autre couleur. « Mais si c’est le bronze encore, je vais le prendre. Je n’ai pas de problème avec ça, rigole-t-elle. Je veux juste finir les Jeux avec le sourire, être satisfaite et n’avoir aucun regret. Même si je ne monte pas sur le podium, le plus important est de savoir que j’ai tout donné dans ce dernier cycle olympique. »

L’heure de la retraite n’a pas encore sonné. Elle compte réaliser une autre année de plongeon en 2021. « Et on verra, après ça », conclut la doyenne qui est loin d’être rassasiée.