La première ronde du repêchage a lieu vendredi soir à 19h. Comment les dépisteurs abordent-ils cet événement et qu'ont-ils en tête au moment de faire leurs choix? Voici quelques pistes de réflexion qui vous permettront peut-être d'y voir un peu plus clair...

1. FAUT-IL CHOISIR LES MEILLEURS JOUEURS DISPONIBLES?

Une équipe peut commettre une gaffe épouvantable en repêchant en fonction de la position. Par exemple en 2006: le Canadien voulait renflouer sa banque d'espoirs en défense et il a choisi David Fischer plutôt que Claude Giroux, un attaquant talentueux, certes, mais de petite taille, ce dont le Canadien croyait regorger. En 2009, le Lightning a préféré Victor Hedman à Matt Duchene parce qu'il comptait déjà sur Vincent Lecavalier et Steven Stamkos, mais peu de bons jeunes défenseurs. Mais qui a la meilleure valeur marchande aujourd'hui entre Duchene et Hedman?

2. POURQUOI NE SE FIE-T-ON PAS TOUJOURS AUX STATISTIQUES POUR CHOISIR?

Parce que les dépisteurs font des projections. Ils font des tests pour déterminer où en sera la progression du joueur dans trois, quatre, cinq ans. Le champion compteur chez les juniors aujourd'hui a peut-être déjà atteint son apogée sur le plan physique. On se fie parfois même à la constitution des parents. L'attaquant de 5 pieds 10 pouces dont le père mesure 6 pieds 5 pouces jouira d'un préjugé favorable parce qu'on estime qu'il grandira encore beaucoup. Un joueur peut aussi dominer dans les rangs juniors parce qu'il est plus fort ou plus rusé, mais son manque de vitesse d'exécution fera en sorte qu'il ne pourra connaître autant de succès à un niveau plus élevé. Corey Locke par exemple.

3. LES MAUVAIS PATINEURS SONT-ILS DÉSAVANTAGÉS PAR RAPPORT AUX JOUEURS RAPIDES?

Plus maintenant. Les techniques d'entraînement estival sont telles aujourd'hui que l'on peut améliorer le coup de patin d'un joueur plus lent. Non seulement avec les conseils d'un spécialiste, mais aussi des entraînements de musculation spécifiques. Par contre, le joueur rapide dépourvu d'intelligence sur la glace sera plus difficile à transformer. À moins d'être très réceptif et d'avoir des entraîneurs du tonnerre. Mais encore...



Photos: AP

Matt Duchene et Victor Hedman

4. LES CHOIX DANS LES RONDES TARDIVES SONT-ILS FAITS DE FAÇON PLUS ALÉATOIRE?

Aucun choix n'est fait au hasard. D'ailleurs, plusieurs clubs, dont le Canadien, bâtissent une liste assez restreinte de 75 noms maximum. Ils n'ont jamais de surprises parce que même en septième ronde, plusieurs joueurs sur cette liste sont encore disponibles. Les joueurs invités au camp de perfectionnement se retrouvent d'ailleurs souvent sur cette liste, mais n'ont été repêchés par personne. Donc même les joueurs non repêchés après sept rondes ne sont pas des inconnus. Il n'y a plus de secrets bien cachés pour les recruteurs en 2011, une ère où, en outre, les moyens de communication sont encore plus grands.

5. LES ENTREVUES SONT-ELLES IMPORTANTES?

Les interviews avec les jeunes joueurs avant le repêchage constituent des armes à double tranchant. Certains sont très introvertis ou timides et paraissent mal dans ce type d'épreuve, mais laissent exprimer tout leur talent sur la glace. D'autres au contraire sont très à l'aise et semblent démontrer beaucoup de leadership et de ténacité au moment de l'entrevue, mais la réalité est différente sur la glace. Elles servent surtout à vérifier si un joueur dont on soupçonne le manque de caractère a quelque chose dans le ventre parce que le joueur plus frileux a déjà été remarqué par les dépisteurs.



6. QUI PREND LA DÉCISION AVANT DE CHOISIR UN JOUEUR?

Les listes de joueurs sont dressées avant le repêchage par les recruteurs, mais le responsable du recrutement a le dernier mot. Le directeur général intervient rarement, à moins d'être un véritable passionné de repêchage, ou de détenir l'un des deux ou trois premiers choix. André Savard, à l'époque où il était DG du Canadien, aimait bien s'en mêler et il avait fait un peu de recrutement au cours de l'hiver. Idem pour Pierre Gauthier et quelques autres, dont Dean Lombardi. Le DG ne sait généralement pas qui son club repêche.



Photo: André Pichette, La Presse

Le directeur général du Canadien, Pierre Gauthier.

7. À TALENT PLUS OU MOINS ÉGAL, AMÉRICAIN OU QUÉBÉCOIS?

Malheureusement, il est plus avantageux de repêcher un Américain qui évolue dans son pays en raison des règlements en vigueur actuellement. Dans le cas d'un Américain d'une école secondaire, le club de la LNH qui l'a repêché peut attendre cinq ans avant de le mettre sous contrat. C'est quatre ans pour un joueur de la NCAA, mais seulement deux ans pour le Québécois ou le Canadien des rangs juniors, de même que les Européens. Ainsi, les équipes peuvent laisser les Américains se perfectionner plus longtemps avant de prendre la décision de les mettre sous contrat, et aussi emmagasiner plus de jeunes dans leur groupe d'espoirs puisque les formations ont le droit de mettre un maximum de 50 joueurs sous contrat.



8. FAUT-IL ENCORE FUIR LES RUSSES?

Malheureusement, oui, même si plusieurs joueurs boudent désormais la KHL pour revenir à la LNH. Mais les jeunes peuvent encore obtenir des salaires garantis supérieurs à 500 000 $ dans la KHL et ils préfèrent demeurer en Russie plutôt que de risquer de toucher 75 000 $ annuellement en cas de rétrogradation dans la Ligue américaine. Par contre, certains clubs, comme les Capitals de Washington, sont avantagés par la présence importante de Russes, Alexander Ovechkin, Alexander Semin et Semyon Varlamov en tête. Ils n'ont d'ailleurs pas hésité à repêcher Evgeny Kuznetsov en première ronde l'an dernier et pourraient avoir frappé un coup de circuit.



Photo: AP

Alexander Ovechkin et Alexander Semin

9. LES LISTES DES RECRUTEURS SONT-ELLES IMMUABLES?

Presque toujours. Les équipes sont prêtes quand commence le repêchage. Par contre, il peut arriver qu'un recruteur en chef vire capot au dernier instant et décide de sauter un nom pour sélectionner celui qui suit sur la liste. Ça arrive en de rares occasions. André Savard m'avait déjà raconté qu'en 2001, le Canadien avait changé d'idée et choisi Alexander Perezhogin au dernier instant en première ronde à la place de Duncan Milroy. Celui-ci était encore disponible en deuxième ronde, mais le premier ne l'aurait sans doute pas été. Perezhogin a disputé 128 matchs à Montréal avant de partir pour la KHL, Milroy 5.

10. QUELLES SONT LES PRINCIPALES QUALITÉS RECHERCHÉES CHEZ UN JEUNE JOUEUR?

La plupart des dépisteurs vous parleront d'abord de talent, évidemment, ensuite du coup de patin, de l'éthique de travail et de la détermination.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Alexander Perezhogin