«J'étais très optimiste en début de saison, mais je n'aime pas ce que je vois en ce moment. J'ai très peur que la fin d'Ilya Kovalchuk à Atlanta n'approche...»

L'homme au bout du fil connaît l'organisation des Thrashers mieux que quiconque. Il a dirigé cette équipe et Kovalchuk pendant un peu moins de quatre ans. Il rentrait justement d'Atlanta hier lorsqu'il a répondu à l'appel de La Presse.

Bob Hartley suit de près les négociations entre ses anciens patrons, avec qui il est demeuré en bons termes, et leur vedette russe. Des discussions qui semblent se compliquer depuis quelques semaines, alors que presque dès le début de la saison, le DG Don Waddell promettait une entente pour les Fêtes.

«Les propriétaires veulent garder Kovalchuk à Atlanta, mais vaut-il 2 millions de plus par année qu'Ovechkin? Jay Grossman, son agent, est un dur. Il n'a pas l'habitude de mettre de gros montants sur la table pour ensuite redescendre. S'il dit qu'il exige 11,3 millions par année, et je crois que c'est exact, c'est qu'il veut vraiment cette somme. Mais si on ne fait pas signer Kovalchuk, quel message envoie-t-on aux partisans? Ils ne sont peut-être pas 20 000 par match, mais je crois que le hockey peut survivre à Atlanta, qui a l'un des plus beaux arénas de la LNH. Ce n'est pas un grand marché de hockey, mais il y a des marchés bien pires. J'ai vécu ici et j'ai adoré. Si l'équipe donne 11,3 millions à Kovalchuk juste pour survivre, mais est incapable de faire ses frais et finit 12e chaque année, est-ce que ça en vaut la peine? Les prochaines semaines seront cruciales. Parce qu'après, il y aura les Olympiques, l'arrêt des activités dans la LNH. Sans compter que le dossier Kovalchuk va devenir une distraction pour les Thrashers. Dans chaque ville où ils iront, les journalistes vont en parler.»

Malgré les exigences salariales démesurées de Grossman, Hartley est convaincu que Kovalchuk tient à demeurer à Atlanta. «Il veut rester. Kovy, c'est une super bonne personne. Il a vieilli. Je l'ai connu dans ses belles années où il a fait beaucoup d'argent; il n'a jamais fait de frasques et il n'a jamais été difficile à mener, même s'il a son style de jeu à lui. Le jour où j'ai été congédié, je l'ai annoncé aux joueurs dans le vestiaire; et quand je suis allé dans le bureau faire mes boîtes, il me suivait avec les yeux tout mouillés pour me dire que ce n'était pas correct et qu'il irait voir Don Waddell lui dire qu'il s'était trompé. Il n'y a pas beaucoup de joueurs de hockey qui ont fait ça dans leur carrière.»

Et si Bob Hartley était en position de pouvoir? «Je ferais tout pour le garder, afin de permettre la survie du hockey à Atlanta. Je lui donnerais ce qu'il veut. N'oublions pas que les deux équipes qui appartiennent au même propriétaire, les Thrashers et les Hawks de la NBA, ont une entente avec Philips, qui donne son nom à l'aréna à condition que les deux clubs demeurent au Philips Arena. C'est une entente de 100 millions. Il ne faut pas casser ça, surtout dans la conjoncture économique actuelle. Et les partisans des Thrashers sont très inquiets de l'avenir de Kovalchuk à Atlanta. Plusieurs venaient me voir pendant le match pour m'en parler. Ils se moquaient bien de savoir si les Thrashers allaient gagner: ils voulaient d'abord que Kovy reste. C'est le plus gros nom depuis la naissance de l'équipe, et le marché a besoin de performances mais aussi d'une grande vedette.»

Waddell dans une position difficile

Sauf qu'Hartley admet lui-même qu'il n'est pas dans les souliers des décideurs, et que Don Waddell est dans une position difficile. «C'est un gros coup de dés. Don veut garder Kovalchuk, je n'en doute pas du tout; mais de l'autre côté, est-ce réalisable? L'équipe a-t-elle les sous pour le payer, pour bâtir un club autour de lui? Si on défonce son budget pour mettre du beau bois franc dans son salon, on va peut-être avoir du prélart dans la cuisine...»

Si l'impasse persiste, Waddell pourra toujours chercher à échanger Kovalchuk, mais il y perdra probablement au change. «Est-ce que les autres clubs sont prêts eux aussi à le payer 11,3 millions? Je ne vois pas les arénas se remplir aux États-Unis ni le plafond salarial augmenter ces prochaines années. Peut-être qu'un club qui aspire à la Coupe Stanley sera tenté, mais voudra-t-il le garder et transformer son échelle salariale? Le prix à payer pour obtenir Kovalchuk pourrait donc baisser.»

Pas sûr que Don Waddell dorme d'un sommeil paisible ces temps-ci...