Je n'ai aucun problème avec la nostalgie.

C'est sympa, la nostalgie. C'est réconfortant. Ça nous permet de remonter dans le temps, et en plus, comme le démontre très bien le Canadien, ça permet aussi d'écouler toutes sortes de produits dérivés pour arriver à payer le salaire de Gomez.

Puisque vous me le demandez, j'ai apprécié le gros party du centenaire, hier au Centre Bell. Mais maintenant, est-ce qu'on pourrait passer à autre chose?

Car c'est bien ça, le problème avec la nostalgie. Ça masque la réalité. À force de voir tous ces grands du passé, on se met à espérer, à avoir des attentes irréalistes. Le Canadien aime bien nous faire croire, à l'aide d'un marketing savamment ciselé, que son passé est garant d'un avenir tout aussi glorieux.

Mais la réalité, c'est que le Canadien n'est plus qu'un autre club parmi les 30 clubs de la LNH. Et pas un très bon club, en plus.

«Ce qui avait fait notre succès dans les années 70, c'était tous nos choix au repêchage, et tous les jeunes joueurs talentueux qu'on avait, m'a expliqué en coulisse Scotty Bowman, qui dirigeait cette équipe de rêve à l'époque. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, le Canadien en demande peut-être un peu trop à ses jeunes, surtout depuis la blessure à Markov. Les jeunes ont besoin de temps pour se développer.»

En repassant en boucle ses vieux souvenirs, Scotty Bowman m'a parlé des bons coups du CH au repêchage et du développement des jeunes joueurs, autant de moyens qui ont mené aux conquêtes des années 70.

«Le hockey d'aujourd'hui a bien changé, et le système n'a plus rien à voir avec ce qui se passait dans les années 70. Mais on le voit encore de nos jours, les équipes qui ont du succès ont avant tout du succès au repêchage. Regardez Detroit et New Jersey. Ces deux clubs-là ne repêchent jamais parmi les premiers, mais ils ont du succès quand même. Pavel Datsyuk et Henrik Zetterberg n'ont pas été choisis dans les premières rondes, loin de là!»

Comme un peu tout le monde, Scotty Bowman s'attendait à ce que l'arrivée des Gomez, Gionta et Cammalleri permette de relancer le CH. «Ces gars-là devraient représenter une amélioration par rapport à ceux qui sont partis, comme Koivu, Tanguay et Kovalev. Koivu est en fin de carrière, Tanguay n'a plus de grosses statistiques, et Kovalev, c'est Kovalev...»

L'ancien coach n'en démord pas: le CH n'est pas le même sans Markov. «Je sais bien qu'un seul joueur ne fait pas la différence, mais de nos jours, l'écart est tellement mince entre les équipes... C'est dur de juger ce club quand Markov n'est pas là.»

Si c'est un ancien grand coach qui le dit, d'accord. Alors oui, on va attendre encore un peu avant d'enterrer le CH. Mais maintenant que le centenaire est derrière nous, il faudrait peut-être oublier la nostalgie et tout ce qui vient avec.

Je le répète: la nostalgie, ça sert à vendre des livres et des DVD. Pas à gagner la Coupe Stanley.