Si la saison se terminait aujourd'hui, David Desharnais deviendrait le premier joueur parmi tous ceux arrivés dans la ligue après l'expansion de 1967 à terminer au premier rang des marqueurs du Canadien sans avoir été repêché.

« Il s'est fait dire qu'il ne se rendrait jamais à ce niveau, mais il a fait mentir tout le monde », rappelle l'entraîneur Randy Cunneyworth.

Même s'il a dissipé quelques doutes l'an dernier en récoltant une moyenne d'un point par deux matchs, qui aurait pensé que le centre de 25 ans se hisserait en tête des marqueurs du Tricolore avec 50 points en 65 matchs ?

« Moi j'y attendais », s'objecte Ryan White, qui a joué avec Desharnais durant deux saisons avec les Bulldogs de Hamilton avant de graduer dans la LNH presque en même temps que lui.

« Nous en parlions au début de la saison et nous savions que ce gars-là deviendrait notre premier joueur de centre.

« Davey est un joueur sous-estimé, poursuit White. Ce n'est pas le plus gros, mais il a l'un des plus grands coeurs parmi tous les joueurs que j'ai côtoyés. On l'a vu encore jeudi par sa façon de s'interposer et de venir défendre ses coéquipiers. Il joue avec beaucoup de fierté et de leadership. C'est un joueur spécial.

« En jouant aussi intensément soir après soir, il n'y a aucune excuse pour que les autres ne le suivent pas. »

Cette fierté et ce leadership se traduisent entre autres par le refus quasi systématique de Desharnais de commenter ses succès.

« C'est l'équipe qui importe et je vais attendre la fin de la saison avant de regarder ce que j'ai fait, nous a-t-il indiqué.

« C'est sûr que je suis content, mais les performances personnelles importent peu en ce moment. Quand bien même un joueur aurait 70 buts à ce stade-ci, il reste qu'on est derniers au classement. »

Un exemple de constance

Randy Cunneyworth n'a pas touché une seule fois au trio Pacioretty-Desharnais-Cole depuis qu'il est en poste.

« Ils ont une véritable chimie, ils se soucient les uns des autres et j'aimerais que cela déteigne sur les autres trios », expliquait l'entraîneur après le match de jeudi.

Au plan de la contribution offensive, cette stabilité a été payante pour Desharnais.

Les choses allaient déjà bien sous Jacques Martin, mais depuis l'arrivée en poste de Cunneyworth, Desharnais n'a jamais joué plus de trois matchs sans inscrire un point.  

Et depuis le 29 décembre, soit à ses 28 derniers matchs, il maintient une récolte supérieure à un point par match (neuf buts et 29 points).

Et alors que son compagnon de trio Cole donne des signes d'usure, Desharnais, lui, est plus vigoureux que jamais, ayant amassé quatre buts et 14 points à ses 11 dernières rencontres.

« Il est demeuré très terre-à-terre malgré ses succès », constate Lars Eller, avec lequel Desharnais était en compétition en début de saison pour des responsabilités accrues au centre.

« Nous connaissions sa vision du jeu et ses autres aptitudes, mais il faut souligner la constance avec laquelle il les a utilisées presque à chaque match. »

Une faiblesse devenue une force

On a d'abord dit qu'à 5'7 - et encore là, les mensurations officielles sont généreuses - Desharnais était trop petit pour la Ligue nationale. Puis, par la suite, qu'il n'avait pas le coup de patin pour compenser sa petite taille.

Or, Desharnais possède la capacité de transformer en force ce qui ressemble à une faiblesse.

Loin de se faire écraser comme un moucheron, le patineur de Laurier-Station arrive à tirer profit de son centre de gravité très bas pour gagner son espace.

« Il est tellement fort en protection de rondelle, avoue P.K. Subban. Je dirais qu'il est plus difficile à contenir à un-contre-un que Patches (Max Pacioretty). Il se tortille, il tourne, il passe la rondelle sous votre bâton et c'est impossible de la récupérer. Je déteste pratiquer contre lui ! »

Ça, on avait remarqué...

« Ce n'est pas le genre de joueur qui amasse la majorité de ses points sur des surnombres, ajoute Ryan White. Il va dans le fond de la zone, dans les coins de la patinoire et devant le filet. Il travaille pour ses points. »

Faculté d'adaptation

L'autre facteur qui saute aux yeux, et il est lié au précédent, c'est sa fascinante capacité d'adaptation.

« Davey s'est souvent fait dire non et ça le fait jouer avec une certaine rancoeur », soupçonne Ryan White.

C'est avec cette détermination que Desharnais a fini par dominer chacune des ligues dans lesquelles il jouait.

Il a terminé premier marqueur des Saguenéens de Chicoutimi à sa dernière saison dans la LHJMQ.

Premier marqueur des Cyclones de Cincinnati dans la ECHL la saison suivante.

Il n'a mis que deux saisons dans la Ligue américaine pour se hisser en tête des Bulldogs de Hamilton. Et il est en voie de faire la même chose avec le Tricolore.

« C'est incroyable ce que gars-là peut faire, convient Subban. Mais il l'a fait à tous les niveaux, donc je ne peux pas être complètement surpris. »

La dernière étape personnelle que doit franchir Desharnais, c'est de convaincre ceux qui prétendent qu'il n'a pas les atouts pour être un véritable premier centre dans la Ligue nationale.

« Allez lui dire ça pour voir », a souri Randy Cunneyworth.