Une «chapelle» de 21 000 sièges. La visite du maire de Montréal et du premier ministre du Québec. Deux anciens présidents du Canadien. L'ancien propriétaire. La Coupe Stanley. La vraie.

Jean Béliveau a fait partie des grands de ce sport et il a eu droit à des honneurs tout aussi grandioses, dimanche, lors de la première des deux journées de chapelle ardente au Centre Bell.

«C'est gros. On est émus, ça vient nous chercher, a décrit le maire de Montréal, Denis Coderre, après avoir défilé devant le cercueil du défunt. Cet homme était l'incarnation du don de soi, du respect, de l'humilité. C'est fait tout simplement, mais ça parle tellement. De voir Élise (la veuve de M. Béliveau), ce n'est pas évident pour elle de rencontrer tout le monde. Mais elle tient à être là, toute la famille y tient. Tout est fait sobrement, comme l'était Jean Béliveau. Mais comme le disent les anglais, c'est bigger than life

Trophées et bannières

Dans un Centre Bell sombre, un décor à la fois grandiose et sobre attendait les milliers de personnes venues saluer le «Gros Bill». Au bout d'un tapis rouge qui traverse la patinoire se trouve le cercueil, fermé, près de la ligne bleue. Au-dessus du cercueil, la bannière de son chandail numéro 4, retiré.

Autour du cercueil, son immense statue de bronze, de même que quatre trophées qu'il a remportés: le Hart, le Art-Ross, le Conn-Smythe et, évidemment, la Coupe Stanley. Dans les quatre cas, il s'agit des «vrais» trophées, prêtés par le Temple de la renommée du hockey, a confirmé Donald Beauchamp, vice-président principal aux communications du Canadien.

Dans les gradins, un seul des 21 287 sièges du Centre Bell ressort: le siège 1, rangée EE de la section 102, où prenait place M. Béliveau quand il assistait aux matchs. On y a déposé son chandail, illuminé depuis le plafond de l'amphithéâtre.

Et sur les panneaux électroniques qui ceinturent la patinoire et qui séparent les trois niveaux de gradins, l'autographe de Jean Béliveau, toujours aussi lisible. Sa marque de commerce.

«C'est un moment de sérénité, ça fait du bien à l'âme, a expliqué Pierre Fontaine, un amateur de hockey sur place. Je suis content d'avoir attendu au grand froid pour M. Béliveau. Je remercie le Canadien de nous laisser partager ce moment.»

Au nombre des personnalités politiques venues le saluer, notons le maire Denis Coderre, de même que le premier ministre du Québec Philippe Couillard, et le ministre de l'Infrastructure, des Collectivités et des Affaires intergouvernementales, Denis Lebel. L'ancien propriétaire George Gillett s'est pointé, tout comme les anciens présidents Pierre Boivin et Ronald Corey. Ont aussi été aperçus d'anciens coéquipiers tels que Dickie Moore, Yvan Cournoyer, Réjean Houle, Yvon Lambert et Henri Richard, sans oublier un ancien rival, Gilbert Perreault.

Près des gens

Au-delà de ce décorum digne d'un chef d'État, c'est une famille Béliveau près des gens, à l'image du disparu, qui attendait les gens.

Pendant la plus grande partie de la journée, Élise, Hélène, Mylène et Magalie, respectivement l'épouse, la fille et les petites-filles de M. Béliveau, serraient la main à tous les amateurs venus témoigner leur sympathie.

«Lorsque tu as passé du temps avec la famille, tu vois à quel point elle est digne. Cette famille veut être près des gens encore aujourd'hui, les remercier pour ce qu'ils ont apporté à l'organisation. C'est une famille d'une grande valeur», a estimé le président des Anciens Canadiens, Réjean Houle.

«C'est très touchant de les rencontrer, a admis Yvan Côté, un amateur de hockey. (Madame Béliveau) m'a même dit que mon visage lui disait quelque chose. C'est agréable de pouvoir leur serrer la main.»

Les proches de M. Béliveau, à commencer par sa conjointe, ont retenu l'attention d'un peu tout le monde par leur dignité au cours de la journée.

«Ils sont en paix avec eux-mêmes, a estimé M. Coderre. Ils ont tous travaillé pour organiser cette journée. Ce n'est jamais plaisant au moment où ça arrive, mais j'ai senti beaucoup de sérénité. C'est un couple tellement fusionnel. On juge une maison à son solage. Élise était le solage de M. Béliveau.»

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PHOTO CHARLES LABERGE, COLLABORATION SPÉCIALE

Ils ont dit

> Philippe Couillard, premier ministre du Québec: «Un grand joueur de hockey, un grand athlète, mais un grand Québécois, qui nous renvoie une image de nous-mêmes tels que nous voulons être. Une image de confiance, d'élégance, de maîtrise de la langue française, et pour ça, on lui en est immensément reconnaissant.»

> Denis Coderre, maire de Montréal: «C'était un géant, plus grand que nature, qui incarnait la dignité, le don de soi. Je viens de Saint-Alphonse et je l'ai rencontré, il y avait le camp Papillon là-bas, et il s'est beaucoup occupé des personnes handicapées. (...) Il prenait toujours le temps, quand il signait un autographe, par exemple. Il nous parlait dans les yeux et on était la personne la plus importante du monde pour lui.»

«(La Ville de Montréal) va sûrement faire quelque chose de particulier, mais aujourd'hui, c'est la journée de M. Béliveau. Il y aura les funérailles, ce n'est pas évident. Avant d'annoncer ce qu'on va faire, on va prendre le temps de discuter avec la famille.»

> Dickie Moore, son coéquipier de 1952 à 1963: «Il menait les joueurs, et ils le suivaient. Tu le suivais et tu ne te trompais pas. Il a tellement donné au hockey que c'est dur de décrire tout ce qu'il a donné.»

> Réjean Houle, son coéquipier en 1970-1971: «Partout, les gens qui avaient besoin du Grand Jean, il était là pour eux. J'espère que les joueurs actuels vont prendre exemple sur lui, parce qu'il faut penser aux partisans, aux gens qui n'ont pas les avantages que nous avons. Je dirais même que le Grand Jean s'est brûlé à voyager partout, à participer aux banquets, aux collectes de fonds pour aider la communauté. Chapeau à notre Grand Jean qu'on aime tant.»

«On est un groupe de joueurs de toutes les époques qui veulent garder le flambeau très haut. Il faut porter notre flambeau maintenant sans le Grand Jean. C'est à nous de prendre la relève, avec les Guy Lafleur de ce monde.»

> Yvan Cournoyer, son coéquipier de 1963 à 1971: «Jean Béliveau et Gilles Tremblay étaient mon centre et mon ailier quand j'ai commencé avec le Canadien. C'est une dure semaine, mais c'est la vie, j'imagine.»